Cela fait un moment que j’écris pour Bali-Gazette et je tiens à remercier l’équipe du magazine de me donner l’opportunité de partager mes réflexions et mon expérience. Je continue à soutenir LINI, notre ONG locale qui, avec l’aide des villageois locaux, a mis en place plus de 2 500 structures de récifs artificiels pour remplacer le récif endommagé, et sur lesquels les poissons reviennent en nombre significatif ! Notre initiative « Bali Snake Patrol » reçoit tous les jours entre un et cinq messages ou appels émanant de maisons individuelles, d’hôtels et de villas cherchant à identifier et à capturer un serpent. Nous recevons également des demandes et des appels à l’aide lorsque quelqu’un a été mordu par un serpent.
Je suis régulièrement invité à donner des conférences sur les serpents et autres animaux sauvages dans les écoles. L’année dernière, j’ai eu le privilège de rencontrer énormément d’enfants, de parents et d’enseignants à Bali. Un grand nombre des personnes qui me contactent prennent le temps d’en apprendre davantage sur la faune locale, afin d’apprendre à accepter, ou du moins tolérer, la visite occasionnelle d’un serpent, d’un lézard (varan/biawak /alu) ou d’une civette de palmier (musang) dans leurs habitations, dont beaucoup donnent directement sur la « jungle » ! Les visiteurs sont encouragés à se renseigner sur la faune locale, à recourir à l’entraide et à prendre des mesures positives si nécessaire, en particulier si un animal n’est pas dangereux et ne constitue pas une menace pour eux, leurs invités ou leurs animaux de compagnie.
En revanche, je rencontre également un nombre croissant de personnes de plus en plus détachées de la nature, de diverses manières. Premièrement, il y a ceux qui s’opposent à la garde des animaux, en déclarant que tous les animaux devraient être « libres » de vivre leur vie naturellement. Ces personnes qui prétendent se battre pour les droits des animaux tenteront de dissuader les gens de garder des animaux et de visiter tous les centres d’animaux captifs, tels que les zoos, les aquariums, les sanctuaires d’éléphants, les centres de sauvetage des tortues ou les marchés aux animaux. En tant qu’ancien gardien de zoo qui a vu certaines des meilleures (et des pires) collections et expositions d’animaux en captivité, je suis le premier à admettre qu’il existe de nombreuses attractions absolument déplorables pour les animaux, qui, je l’espère, seront fermées tôt ou tard. Cependant, refuser aux personnes, et en particulier aux enfants, l’opportunité de voir par eux-mêmes les conditions de vie des animaux en captivité leur retire la possibilité de porter leur propre jugement de valeur sur ce type de structures. Je suis d’accord pour dire que dans toute l’Indonésie, certains animaux, domestiques et sauvages, sont détenus dans des conditions choquantes. Mais je pense qu’il est important que chacun ait la possibilité de suspendre son jugement et de faire directement l’expérience d’animaux en captivité. Il existe de nombreuses structures bien gérées où, bien qu’ils ne soient plus dans leur habitat naturel, les animaux y sont en bonne condition physique et psychologique. À mon avis, certains de ces animaux sont beaucoup mieux en captivité que dans les habitats (souvent détruits) d’où ils ont été prélevés.
La plupart des commentaires sur les animaux en captivité que je lis sur les réseaux sociaux ne sont pas basés sur des connaissances directes ou une opinion informée, mais ont tendance à être influencés par des vidéos montrant les pires cas de cruauté envers les animaux. J’ai travaillé avec celles et ceux dont la passion est de travailler avec des éléphants captifs, des orangs-outans, des rhinocéros, des tigres et bien d’autres. L’idée que ces créatures puissent être « libérées » ou relâchées dans la « nature » est basée sur la notion erronée que ces lieux sauvages existent encore. Dans de nombreux cas, les habitats d’origine où ces animaux sauvages ont été capturés n’existent tout simplement plus. Pour parler un peu de mon expérience personnelle, l’une des raisons pour lesquelles tant de personnes m’appellent paniquées est parce qu’un animal a élu domicile dans leur maison ou dans leur jardin. C’est souvent parce que les poches de natures adjacentes, où les animaux ont vécu paisiblement et invisibles pendant des années, ont récemment été défrichées. Les animaux qui envahissent les maisons sont en fait des réfugiés. Les espèces les plus adaptables, comme les cobras, les pythons et les biawak/alu peuvent tout à fait y vivre et cohabiter avec les humains (à moins qu’elles ne soient tuées !). Ces animaux sont des mangeurs opportunistes et peuvent se nourrir d’une large gamme d’aliments. Nous, les humains, leur fournissons de nombreuses alternatives à leurs anciens habitats sauvages : des étangs pleins de poissons et de grenouilles, de l’eau potable, des cachettes abondantes dans des tas de bois et de pierres présents dans les jardins tropicaux ou en friche, les cabanes de jardin, sous les terrasses en bois et dans les toitures ombragées où ils peuvent revenir passer la journée et se reposer après avoir cherché de la nourriture. Les quantités croissantes de détritus, d’ordures et d’aliments non consommés sont un cadeau pour les rats, qui trouvent également de nouveaux refuges à l’abri de nos maisons. Ces rongeurs sont sûrs d’attirer les serpents et autres animaux carnivores, qui peuvent également trouver des sites de ponte dans nos bacs à compost !
La semaine dernière, j’ai visité un « centre de conservation des animaux » à Bali. Au cours de ma brève visite, j’y ai vu des centaines de touristes admirer le spectacle d’animaux gardés dans des conditions déplorables et inadéquates. Ces visiteurs posaient avec bonheur pour des selfies en compagnie d’animaux visiblement en détresse. Les visiteurs étaient complètement dépourvus de jugement critique sur ce qu’ils voyaient. La valeur conversationniste et la justesse factuelle des informations fournies sur les animaux par leurs guides et par le personnel étaient proches du néant. Cette attraction touristique, visiblement fort lucrative, repose sur l’ignorance du public. Comment cela est-il encore possible de nos jours ?
Je vis à la campagne, entouré de rizières dans une vallée boisée. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une région reculée d’Indonésie (ou même de Bali), l’endroit est assez sauvage pour susciter la peur des visiteurs. Des trois familles qui m’ont rendu visite au cours de l’année, toutes ont passé la nuit sur place. Pour ces citadins (deux familles venaient de Jakarta, la dernière d’Europe), la tombée de la nuit était source de peur et d’appréhension. Les enfants, tous âgés de moins de 12 ans, hésitaient à sortir de la chambre d’amis et craignaient d’être attaqués par des animaux sauvages. Ils se sentaient plus en sécurité à jouer à des jeux sur leurs Smartphones et leurs tablettes. Pour arriver à notre maison, je devais marcher devant eux, porteur d’une puissante torche électrique. Leurs parents suivaient également de près. Les enfants, et certains des adultes, étaient visiblement très nerveux à l’idée de se trouver dehors dans le noir. Ils disaient entendre beaucoup de bruits étranges et inconnus dans l’obscurité, et s’imaginaient des animaux sauvages prêts à les attaquer. La peur du noir. La peur de la nature. La peur de l’inconnu. Comment en sommes-nous arrivés-là ? Est-ce que ce sont les qualités que nous voulons voir chez nos descendants, dont certains deviendront les leaders de demain ?
Pardonnez-moi, chers lecteurs, d’avoir abordé un sujet aussi sensible et controversé. J’essaie de garder un esprit ouvert et souhaite bien évidemment une discussion ouverte sur ces questions. Cependant, je réitère mon inquiétude que, bien que nous ayons la chance d’avoir accès à plus d’informations sur ces questions que jamais auparavant, il existe un nombre croissant de personnes pour lesquelles la menace de la nature est très réelle. Selon moi, nous devrions regarder le monde de façon plus critique, mieux le connaître et l’étudier, engager un débat et examiner chaque situation sur la base de l’expérience et des faits uniquement. Ensuite seulement pourrons-nous nous faire notre propre opinion. Notre incapacité de le faire est, selon moi, l’une des raisons pour lesquelles nous perdons tant de lieux et d’espèces naturels. Ces attitudes alimentent également la destruction aveugle de ressources naturelles uniques et irremplaçables. Notre distanciation actuelle du monde naturel engendre déjà de graves implications sur notre qualité de vie. Les générations futures se demanderont sûrement pourquoi nous étions encore si socialement primitifs et destructeurs à notre époque, en dépit des nombreuses avancées technologiques qui peuvent nous aider à améliorer notre compréhension du monde. Pour notre propre bien et notre propre survie, il est crucial de maintenir la merveilleuse biodiversité de la planète, dont nous ne sommes qu’une petite partie. Et vous, qu’en pensez-vous ?
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