La Gazette de Bali : Nicolas, tu as plusieurs casquettes, bassiste, guitariste, producteur, ingénieur du son, compositeur. C’est le producteur que nous recevons mais laquelle choisirais-tu en premier pour te présenter à nos lecteurs ?
Nicolas Rastoul : Si je devais me présenter simplement, je dirais que je suis un musicien devenu, avec le temps, réalisateur, ingénieur du son et producteur presque malgré moi.
LGdB : Tu as déjà une longue carrière dans le monde de la musique, peux-tu nous en rappeler les faits marquants ?
N R : C’est vrai que j’ai été un chanteur punk en Bretagne en 1977 (c’était l’époque). Après je suis devenu le chanteur du groupe Brestois « Nicolas Cruel ». Nous avons fait pas mal de concerts en France, Suisse Allemagne. Le festival des Transmusicales de Rennes, entre autres. Après cela, je me suis mis à accompagner pas mal d’artistes en tant que guitariste, bassiste, mandoliniste, compositeur et/ou arrangeur, sur scène ou en studio. Arnold Thurboust et Zabou, Dave Steward, Marc Silver, Anggun, Jean Louis Mahjun, Jacky Quartz, Dove Attias, Passé Simple, Plein Sud, etc.
LGdB : Tu viens de produire l’album de la violoniste hongroise Helga Sedli, qui réside sur notre île. Pourquoi et quels sont tes liens avec Bali et ses musiciens ?
N R : Oui, une belle rencontre d’ailleurs. J’avais déjà remarqué la prestance et ce coup d’archet si typique aux violonistes slaves d’Helga Sedli lors de concerts à Ryoshi. Marina Xavier, dont les deux derniers albums ont beaucoup d’arrangement de cordes, l’a invitée à Singapour pour une série de concerts. Le courant est passé tout de suite car Helga est une artiste accomplie et rompue à beaucoup de styles de musiques tels que le jazz, le folk ou la musique classique. Nous avons donc fait ces concerts ensemble avec Helga et Marina à Singapour. Au même moment, je finissais un album pour un ami chanteur, Francisco Raquiza, fils du célèbre arrangeur Domingo Raquiza. Helga était à la maison et on lui a demandé d’enregistrer quelques tracks de violons pour nous avant de repartir vers son paradis balinais. C’est à la suite de cela qu’Helga m’a fait part de son désir de faire un album avec son groupe de musiciens basés à Bali. Les tracks ont été enregistrés dans un super petit studio, Jl Kunti, Seminyak, chez un garçon charmant nommé Gus. C’était très familial, très local. Je dois dire que l’accueil a été parfait et la prestation technique irréprochable (si, si il faut le dire), comme quoi on n’a pas besoin d’aller aux States ou à Singapour pour avoir un service de qualité pro. Les musiciens ont fait un boulot super, ils ont bien suivi les indications d’Helga en donnant leurs petites touches indonésiennes. Je pense, d’ailleurs, que c’est là une partie de l’originalité de cet album. Avoir su trouver le bon dosage entre le folk slave et le jazz fusion indonésien. Que dire d’autre ? Helga Sedli est une artiste courageuse, talentueuse et lumineuse. Je lui souhaite tout le succès possible dans sa carrière musicale.
LGdB : En 2010, l’album « Paris-Jakarta Express » dont tu es l’initiateur, t’a valu l’AMI Award « World Music » ici. Peux-tu revenir sur cette aventure ?
N R : En 2004, Gita Wirjawan avec qui j’enregistrais l’album « Bali Lounge » m’a présenté le jeune chanteur Tompi. J’ai été très impressionné par ses performances vocales extraordinaires et surtout par sa curiosité et sa créativité. L’album a été le point de départ d’une brillante carrière pour Tompi. Ce premier album world music était un mélange de rock, de soul, de jazz et de musique indonésienne. L’année suivante, nous avons enregistré ensemble son premier album solo « T », qui fut un second succès pour Tompi. Nous nous sommes revus quelques fois pour des collaborations musicales tel un super duo avec Marina Xavier et j’avais en tête cette idée de « Paris Jakarta Express » (mes allées et venues entre la France et l’Indonésie devenant de plus en plus fréquentes) et naturellement je lui ai demandé d’en être le chanteur principal.
LGdB : Que penses-tu des musiciens indonésiens ? Comment les comparer avec les musiciens occidentaux ?
N R : Alors, comparer les artistes, ça, ce n’est pas possible… C’est un terrain trop glissant et trop subjectif. Ce que je peux dire, c’est que les musiciens indonésiens n’ont rien à envier aux autres en termes de talent et même de technique. La seule chose qui pourrait manquer un peu, c’est une meilleure exposition à l’international et une volonté des labels et des agents de les conseiller pour être « marketable » si je puis dire. C’est un peu ce que l’on essaie de faire avec notre label « Paris Jakarta Express présente…» et notre partenaire indonésien « e-Motion », à notre humble niveau.
LGdB : Certains clips de « Paris-Jakarta Express » ont été réalisés par Douchan Gersi, une figure appréciée de notre communauté francophone de Bali. Comment ce choix s’est-il imposé ?
N R : Nous nous sommes rencontrés avec Douchan lors des concerts de Louis Bertignac que nous avons organisés à Bali. Il en a fait la capture des vidéos live. C’est un personnage très attachant et érudit d’art et de cinéma. J’ai d’ailleurs refait plusieurs fois appel à ses talents dernièrement, pour m’aider à filmer et/ou à monter certains vidéo-clips que je réalise. A côté de lui, je suis un débutant amateur. Sans son aide précieuse, je ne m’en serais probablement pas sorti…
LGdB : Oui, c’est également toi qui avais fait venir Louis Bertignac. Nous prépares-tu d’autres surprises ?
N R : Oui, en ce moment, je suis à la recherche d’artistes pour mon prochain album franco-indonésien « Paris Jakarta Express ». Tompi, Helga, Marina, Pyiu seront du voyage, mais je n’ai pas encore tous les éléments. Wait and see… soon…
LGdB : Ton épouse est la chanteuse de jazz singapourienne Marina Xavier qui a collaboré avec les Rita Mitsouko par le passé mais qui est surtout connue ici pour avoir chanté dans des restaurants chics de l’île. Se produit-elle également en France ?
N R : Oui, Marina est à Paris aujourd’hui en répétition avec une équipe de musiciens français. Elle se produit au « Petit Journal Montparnasse » vendredi prochain. Et au festival de jazz de Versailles, avec Bob Tinker à la trompette, la semaine prochaine. Nous avons aussi quelques dates en France cet été. Nous préparons un nouvel album avec deux chansons indonésiennes surprises…
LGdB : Anggun est venue faire carrière en France. A l’inverse, crois-tu qu’un artiste français pourrait faire carrière en Indonésie ?
N R : J’ai rencontré Anggun avec Marina Xavier et les Rita Mitsouko lors de sa première venue en France avec son mari. Malheureusement ou heureusement, le courant n’est pas passé entre les Rita et Anggun à ce moment là. Nous avons donc enregistré chez moi ses premières démos françaises. Elle a fait une belle percée sur la scène française, une première dans le genre. Quand à la deuxième partie de ta question, je ne sais pas si un artiste français peut faire carrière au sens propre en Indonésie. Mais qui sait, tout peut arriver ? D’ailleurs, le succès de Fransoa (cf. La Gazette de Bali n° 65 – octobre 2010, n°66 – novembre 2010 et n°84 – mai 2012) avec sa reprise géniale d’une chanson de Cloclo en bahasa est un super début bien qu’on ne puisse pas véritablement parler de carrière dans son cas.
LGdB : Parlons un peu business maintenant… Tu as une boite de production en Indonésie ?
N R : Non, je n’ai pas de boite de prod en Indonésie. Seulement « Ateliers 79 » en France avec mon associé et ami André Decarpentry et « Rainsong Productions » à Singapore. En Indonésie c’est « e-Motion Pte Ltd » de Jakarta qui s’occupe de nos projets.
LGdB : Enfin, pour terminer, quels sont tes projets liés à l’Indonésie ou à Bali ?
N R : Je compte revenir dans la région bientôt car nous avons signé un contrat avec
« Disc Tarra » pour distribuer notre label jazz « Rainsong Productions » en Indonésie. Sinon mon projet « Paris Jakarta Express » continue, mais il est encore trop tôt pour en parler…