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Mystérieux massacres d’animaux, habitants des ténèbres

Récemment, Eleanor, une amie vivant à Sanur, m’a appelé en pleine panique parce que son chat avait disparu. Cela était déjà arrivé auparavant et m’avait permis d’attraper un python réticulé de 3m dans son jardin après qu’il eut tué un de ses chats. Mais, cette fois, le chat était parti, ne laissant qu’une flaque de sang. Une semaine plus tard, la dépouille du matou fut découverte dans la forêt du coin. Il était en décomposition avec la tête manquante. Qu’est-ce qui avait bien pu passer par-dessus le mur du jardin, tuer le chat (en le blessant d’abord) et puis emporter le corps ?

J’avais eu les mêmes mystérieuses occurrences plusieurs fois dans mon jardin, quand lapins et cochons d’Inde (achetés pour nourrir mes serpents) gambadaient encore bien vivants dans les buissons parce que les reptiles n’avaient pas faim. Le jour suivant, j’avais trouvé leurs corps déchiquetés – pas beau à voir ! Curieusement, il semblait que très peu du corps de ces animaux avait réellement été ingurgité. Le tueur mystérieux leur prenait la vie, laissant la plupart des parties de leur corps éparpillées sur la pelouse. Qui donc était le responsable de ces tueries ?

A part les chiens locaux, qui sont bien capables de tuer un chat ou un autre animal de cette taille (mais qui sont bien incapables de passer par-dessus un mur haut), il y a aussi plusieurs espèces de chats à Bali, incluant par le passé les fameux tigres et léopards, mais ceux-ci ont disparu. S’agirait-il d’un autre type de chat de jungle plus petit ? Plusieurs sortes de ces chats sont importées à Bali et vendues au marché aux oiseaux de Denpasar. Ces bêtes sont impossibles à domestiquer et, une fois qu’elles ont grandi, finissent par s’échapper et retourner à l’état sauvage.

Les civettes palmistes, appelées ici musang sont réputées pour « produire » un café d’une saveur remarquable. Le Kopi Luwak est fait de grains de café qui ont été ingérés par une civette, sont passés par son système digestif puis ont été éjectés et collectés par les producteurs de ce café qui est vendu (selon moi) à des touristes crédules. C’est en effet le café le plus cher du monde ! Les civettes sont omnivores et mangent donc aussi des oiseaux et des petits mammifères et j’ai entendu, qu’à l’occasion, elles s’en prenaient aussi aux chats domestiques. Est-ce donc une civette la coupable ? Quelle que soit cette créature, elle est définitivement carnivore, capable de prendre le dessus sur un chat et de le tuer. Et un chat n’est pas un animal facile à neutraliser… Sans doute un autre python géant ?

Ou peut-être alors devons-nous entrer dans le royaume du surnaturel ? Je ne suis pas qualifié pour parler en détail de cet aspect de la vie balinaise mais je vais raconter ce que j’ai entendu. Même un visiteur en court séjour à Bali ne peut manquer de remarquer l’abondance de sculptures, de masques et de statues portrayant de fiers animaux avec de grands yeux en colère et de longs crocs acérés. Regardez seulement les ogoh ogoh, ces effigies que les gens construisent ! La plus célèbre est Rangda, un esprit démoniaque qui personnifie le mal et qui est considéré comme le symbole de la noirceur de la personnalité humaine. Et ce n’est qu’une représentation des nombreuses entités assoiffées de sang qu’on voit ici.

La plupart des Occidentaux souriront à l’idée d’esprits maléfiques. Mais, quiconque a passé assez de temps à Bali admettra ce sentiment culturel très fort qui définit la frontière entre ce qui est visible, le monde ordinaire, et invisible, le monde des esprits, comme floue et perméable. Les gens rencontrent des esprits et ils ne sont pas tous bienveillants ! Bien des gens ici n’ont aucun doute sur le fait que ces esprits sont bien réels et deviennent visibles en certaines occasions. Une fois que le soleil s’est couché, les gens ont peur de marcher dans certains endroits, particulièrement ceux qui sont isolés, près de l’eau, dans des vallées profondes, les forêts, les endroits tenus pour sacrés ou imprégnés de magie. Dans le noir, les esprits sortent quelquefois seulement pour taquiner ou causer de petites frayeurs (chutes de noix de coco, tapotements répétitifs ou froissements de feuillage) mais à l’occasion, ils sont à l’origine de troubles plus sérieux, même jusqu’à tuer des gens.

Selon la croyance balinaise, les esprits sont plutôt invisibles et font sentir leur présence par la perturbation d’objets alentour et un sentiment général de nervosité, par exemple lorsque nous avons l’impression d’être observés, lorsque nous frissonnons soudainement ou que nous sentons un parfum entêtant… Parfois, l’esprit, comme l’effrayant leyak, prendra la forme d’un animal ou d’un humain, ou quelque chose d’encore plus terrifiant. Vous pouvez faire la différence entre un vrai animal et un habité par un esprit parce ses yeux brillent et rougeoient ! Un bon ami balinais m’a affirmé que des magiciens peuvent être recrutés pour faire de la magie noire en donnant des ordres aux esprits du mal dans le but de nuire à quelqu’un. Par exemple, lorsque quelqu’un veut se venger du mal qu’on lui a fait, il paye un sorcier pour déchaîner un esprit qui va dévorer du bétail appartenant à la personne visée, comme une vache ou une chèvre. Pour un fermier modeste, cette perte est une catastrophe économique qui le perturbe jusque dans sa santé et son équilibre mental. Si la personne ne se repent pas, la malédiction va continuer et lui porter préjudice de plus en plus jusqu’à ce qu’il en meurt. Pour ceux qui y croient, ce sont de bien effrayantes conséquences en effet !

En parler directement avec les Balinais les rend en général peu à l’aise et certains nieront purement et simplement. Par conséquent, afin de ne pas causer de malaise, il est préférable de s’arrêter là et de passer à un sujet de conversation plus léger. Mais quand quelqu’un veut bien parler de ces sujets, ça peut vous faire dresser les cheveux sur la tête ! La prochaine fois que nous passerons devant une de ces fières statues ou que nous marcherons près de ces arbres géants aux croisements des routes qui sont devenus des autels avec des offrandes fraîches aux esprits, on réfléchira peut-être à ce qui se passe par ici. Et on sait bien que, vus en clair-obscur, certains objets les plus ordinaires peuvent révéler des formes et des visages cachés. Des froissements dans les broussailles ou des mouvements perçus brièvement du coin de l’œil nous feront sursauter. Bien sûr, on pourra en rire et qualifier tout ça d’abracadabrant, le produit d’un esprit non éduqué, contrôlé plus par la peur que la raison. Mais si on peut dépasser cela un moment et essayer d’imaginer ce « monde invisible » prendre vie, nous accélèrerons sûrement le pas pour rentrer vite à la maison, sans regarder par-dessus notre épaule.

Certainement, si nous marchons à Bali tard le soir, il est probable que nous rencontrerons un nombre de bestioles qui sont généralement cachées durant la journée et par conséquent rarement vues, surtout si elles sont solitaires. Qu’elles soient vraies ou le produit de notre imagination, nous savons tous bien à quoi elles ressemblent. Elles courent depuis toujours dans le plus profond de notre subconscient. Happy Halloween !

Pour toutes questions sur la vie naturelle en Indonésie, posez vos questions par courriel à [[email protected]>[email protected]], ou sur Facebook à « Ron Lilley’s Bali snake Patrol ».

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