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Mika Denissot : on vient du monde entier pour être certifié en canyoning par Ico Pro

Grand sportif devant l’éternel, ce Français de 44 ans est en passe de devenir le pape mondial du canyoning. Créateur de la première entreprise de descente de canyons de Bali, il est aujourd’hui toujours sans concurrent sur l’île et attire une clientèle toujours plus nombreuse. Mais ce succès commercial ne mériterait pas la même attention s’il n’était que… commercial. En effet, au-delà de la réussite d’Adventure and Spirit Canyoning Bali, il y a aussi la volonté de ce fou d’adrénaline de créer les contours de cette activité sportive en plein boum qui n’a pas encore de réglementations au niveau mondial. C’est dans ce but qu’il a créée ICO Pro, une école de formation au canyoning avec ses méthodes, ses manuels et ses certifications qui pourrait devenir très bientôt la table de loi internationale de ce sport. C’est nouveau, ça pulse grave et c’est à Bali que ça se passe…

La Gazette de Bali : Avant toute chose, peux-tu nous rappeler ce qu’est le canyoning ?

Mika Denissot : C’est très simple, il s’agit de descendre des gorges en suivant l’eau. C’est un sport d’exploration qui se pratique plutôt en montagne avec des techniques de rappel guidé, du saut, des glissades, de la nage. C’est de l’escalade en descente en somme.

LGdB : Est-ce une invention française ?

M D : Eh bien oui. Tout a commencé avec les spéléologues français dans les années 1900 même si le boum a eu lieu un siècle plus tard. D’ailleurs, en France, malgré le fait que tous les canyons ont déjà été explorés, c’est quand même un sport jeune, d’ailleurs le DEJEPS (Diplôme d’Etat de la Jeunesse, de l’Education Populaire et du Sport) n’existe que depuis deux ans seulement. Cela doit être réglementé, c’est donc pour ça que j’ai créé ICO Pro (International Canyoning Organisation for Professionals), un standard qui se développe à travers le monde et qui a pour vocation de devenir le PADI de cette activité. Adventure and Spirit a donc en ce moment une position clé au niveau mondial grâce à notre école de formation puisqu’on propose des stages d’apprentissage qui se répartissent en 22 niveaux différents.

LGdB : Tu es toi-même un grand sportif, quel est ton background ?

M D : Oui, je fais beaucoup de sport et j’en ai toujours fait, du kitesurf, de la plongée, de l’apnée depuis peu – cela m’apprend à améliorer ma concentration – du vélo aussi… Mon background ? Eh bien, à l’origine des études de compta, mais c’était une erreur de parcours, et puis surtout huit ans d’études en psychologie. Mon père était secouriste spéléo, j’ai beaucoup appris de lui. Ah oui, j’ai aussi fait de l’escalade, et un peu de surf depuis que je suis ici. Il faut que je bouge comme tu vois…

LGdB : Quand as-tu démarré Adventure and Spirit Canyoning Bali ?

M D : En 2010, après avoir revendu mon école de kitesurf à Sanur. Avant, avec un pote, on a fait un break à Java, au Kawa Ijen, et quand on a vu les failles, on a eu envie de les explorer. C’est parti comme ça. Quand on est revenu à Bali, j’ai commencé à former mon beau-frère à ces techniques de spéléo. En fait, dès 2008, on avait déjà ouverts les deux premiers canyons à Bali. Et puis après, on a monté la boite. Il y a toute la partie autorisations qui n’est pas toujours très facile. Comme de demander aux locaux de nous amener sur les sites la première fois, obtenir l’accord des banjar, des kepala desa. Ce n’était pas évident au début, ils nous prenaient pour des fous…

LGdB : Parce qu’ils pensaient que c’était dangereux de s’aventurer dans ces gorges où personne n’est jamais allé ?

M D : Bah oui ! Mais en cinq ans d’activité, Adventure and Spirit n’a eu aucun accident !

LGdB : En créant cette boite à Bali, tu as donc défini les contours professionnels de ce sport ?

M D : Absolument, cette activité manquait de standards. Avec Laurent Poublan, qui était à l’époque le président de l’école française de canyoning et qui a bien accroché avec Bali, on a mis trois ans à lancer la boite de formation ICO Pro et aujourd’hui on vient du monde entier pour être professionnalisé ici par nous. Des stages qui ne sont pas donnés puisqu’il faut compter de 900 à 3000 dollars selon le niveau. C’est bon pour l’image du canyoning indonésien. Les instructeurs locaux que nous avons formés ont un bien meilleur niveau qu’en France par exemple parce qu’ils travaillent tous les jours avec notre clientèle. Nous avons formé plus de 200 instructeurs en quatre ans et nous avons plus de 5000 membres.

LGdB : Est-ce toujours la seule compagnie de canyoning à Bali ?

M D : Oui. Tu sais, c’est une activité très technique. Il faut connaitre. Et puis, ça coûte très cher. Le matériel par exemple doit être contrôlé chaque jour, nous avons créé un logiciel pour cela, tout le matos est numéroté… On n’a pas le droit de faire de l’à-peu-près. Par exemple, les points d’ancrage dans les canyons ou la formation des instructeurs, ça demande des compétences et de la rigueur. Et puis tout l’équipement est importé de France ou d’Europe, les harnais sont changés deux fois par an. Il y a aussi la logistique, garantir les approches sur les sites malgré le fait que les accès sont toujours difficiles, il faut être capable d’assurer les secours à tout moment. Un bon instructeur doit être en mesure de prendre une décision en moins de cinq secondes… Bref, tout ça ne s’improvise pas.

LGdB : Est-ce une activité pour les grands sportifs ou pour tout le monde ?

M D : Pour tout le monde ! Je dirais, si je me réfère aux clients que nous avons eus, qu’on peut faire du canyoning entre 8 et 73 ans.

LGdB : Au niveau matériel, que faut-il ?

M D : Il faut d’abord et surtout une combinaison et des chaussons en néoprène de 5mm d’épaisseur pour éviter l’hypothermie. On ne dirait pas sur une île tropicale mais là-haut, dans les failles, la température de l’eau peut descendre à 18 degrés ! Il faut aussi un harnais complet avec descendeur et longes, un casque aux normes montagne – en cas de chute de pierres. Pour le reste, ce sont nos guides qui portent les cordes et le ravitaillement.

LGdB : C’est un sport dangereux quand même, quel encadrement proposes-tu ?

M D : Détrompe-toi ! Ce n’est pas dangereux ! Pour un groupe de 8 personnes maxi, l’encadrement est constitué d’un instructeur et d’un assistant. Pour les canyons réputés plus difficiles, le groupe ne doit pas dépasser 4 personnes pour 2 guides. Comme ça, il n’y a pas trop d’attente non plus pendant la descente. Bien encadré, ça roule tout seul ! Les participants ont une formation de 20mn avant le départ, de cette façon, chaque client est un membre à part entière de l’expédition et non pas un touriste qu’on trimballe.

LGdB : Pourquoi le premier meeting international de canyoning que tu comptais organiser à Gitgit en 2014 n’a pas eu lieu ?

M D : Le premier problème, c’était de regrouper assez de personnes pour les équipes de secours. A chaque rassemblement, il y a des cartons. Ici, on n’a pas d’hélico à notre disposition. Pour assurer un rassemblement de cette taille – je pensais entre 200 et 300 personnes – il nous aurait fallu au moins 20 secouristes. Et puis, près des sites de descente, il n’y avait pas assez de logements possibles non plus… Mais, ça va se faire, il faudra négocier avec le bupati, je dirais d’ici 2-3 ans. Ca sera un meeting de 5 jours sur plusieurs gorges.

LGdB : Es-tu obligé de toujours trouver de nouvelles voies ?

M D : D’abord, pour nous-mêmes, oui ! Parce qu’on aime ça, découvrir.
Tous les gars sont toujours partants pour une ouverture de canyon ! Pour la clientèle aussi, car c’est un sport passion, et les gens veulent faire de nouveaux canyons chaque année, quand ils reviennent. C’est le cas avec nos clients de Singapour, de Malaisie, d’Australie, qui sont fidèles et exigent de la nouveauté. Alors, oui, c’est capital, et nous essayons d’en ouvrir deux par an.

LGdB : Adventure and Spirit propose des sorties canyons ailleurs qu’à Bali ?

M D : Non, nous avons fait des reconnaissances à Florès, à Java. Ca coûterait beaucoup d’argent d’organiser cela, de sortir de l’île, alors ce n’est pas utile commercialement. Et puis, il y a tellement à faire à Bali, qui est en plus un terrain idéal pour cette activité car tout est concentré sur une petite surface.
Sinon, nous avons été sollicités à Java pour faire des explorations avec des groupes de spéléologues de là-bas.

LGdB : Aujourd’hui, qu’espères-tu en termes de développement de ce sport en Indonésie ?

M D : Il est vrai qu’ICO Pro est développé ici en Indonésie mais on n’a encore jamais communiqué localement. Il y a beaucoup de média internationaux qui viennent nous voir, par exemple, en mars, nous avons fait la Une du National Geographic, et le monde commence à se rendre compte que le fief du canyoning, c’est ici, à Bali. A partir de là, nous allons contacter la KONI (Komisi olahraga Nasional Indonesia) en temps et en heure, mais nous souhaitons assoir notre réputation mondialement d’abord. Ce qui est en passe de se réaliser.

LGdB : C’est-à-dire ? Concrètement, que se passe-t-il avec ICO Pro ?

M D : Un instructeur chez nous gagne entre 8 et 12 millions par mois. Les premiers guides de canyoning au monde en termes de professionnalisme sont indonésiens. Le sport va entrer dans les programmes universitaires. Nous sommes sur des projets de ce type en Grèce, en Jordanie, en Malaisie, en Europe Centrale… Nous éditons des manuels, les premiers manuels d’apprentissage professionnel de ce sport au monde, dans plusieurs langues…

LGdB : Vous faites donc aussi vous-mêmes le « manuel pro » du canyoning !?!

M D : Tout est à créer dans ce sport nouveau, des standards aux méthodes d’apprentissage. Nous sommes les seuls au monde à être un véritable centre d’apprentissage avec méthode et certification internationale, alors oui, nous éditons aussi nous-mêmes les manuels que nous avons créés en vertu de notre expérience. Dans ce sport, le mental entre dans un univers nouveau, le management psychologique des participants est prépondérant et nécessite donc une grosse formation. Il faut que nos guides soient capables de gérer le stress des gens. La pédagogie du canyoning, je dirais que c’est 100% psychologique… D’ailleurs, on est un peu mal vus en France car on dit de nous que nous sommes une sorte de secte…

LGdB : Les deux volets de ton métier sont devenus une véritable success story en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. L’activité loisir Adventure and Spirit accueille combien de visiteurs ?

M D : En saison creuse, nous avons 200 à 250 clients par mois, en haute saison, cela monte jusqu’à 450. Bali est en train de devenir le spot canyoning numéro un et ça se sait de plus en plus…

LGdB : En conclusion, pour le néophyte lambda qui veut s’essayer au grand frisson du canyoning, ça coûte combien ?

M D : Le package le moins cher est à 110 dollars, sinon, le plus courant est à 195 $ et les plus belles descentes qui demandent un peu plus d’engagement physique et mental sont à 230 $. Ce tarif comprend tout, le lunch, les snacks, l’équipement complet, une assurance d’un montant de 25 000 $ et une couverture photo de vos exploits par des pros. A ce sujet, nous avons aussi une formation de canyoneer-photographer dans notre école, une première !

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