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Merapi, Dieng et Sumbing, et si on partait en trek à Java-centre?

C’est souvent par la région de Yogyakarta que les volcanophiles débarquent en Indonésie à l’assaut des sommets. Le Merapi attire les grimpeurs comme un aimant, et la surprise réservée à ceux qui ont sué sur ses flancs dans la nuit, c’est de découvrir dans la froidure du petit matin un panorama unique sur six autres volcans qui se dessinent sur l’horizon. Bienvenue dans le domaine des dieux.

L’Indonésie totalise de nombreux records dans le monde de la volcanologie : elle compte non seulement le plus grand nombre de volcans actifs au monde (147), le plus grand nombre d’éruptions historiques (environ 1200) mais aussi deux des plus dévastatrices des temps modernes, celle du Tambora en 1815 qui a causé un été sans soleil en Europe et une famine sans précédent et bien sûr celle du Krakatau en 1883. Pour terminer avec tous ces chiffres, en 2014, qui détient encore le record de volcans en éruption ? L’Indonésie avec 31 devant 15 japonais et seulement 7 islandais.

Avec ses 49 éruptions explosives depuis le XVIème siècle, le Merapi qui domine de sa silhouette Yogyakarta occupe une place de choix dans ce panthéon de volcans célèbres, c’est le plus meurtrier et le plus actif de l’Archipel. En effet, il contribue à alimenter un véritable cercle vicieux : en déversant régulièrement des cendres sur ses flancs, il rend la terre très fertile et génère donc une grande densité de population, autant de victimes lors de ses éruptions. Il se distingue en particulier par ses nuées ardentes, mélange de gaz brûlant jusqu’à 500 °C et de particules solides, qui dévalent les pentes nettement plus vite qu’un skieur olympique puisqu’elles peuvent atteindre 300km/h. En 2010, lors de la dernière grande éruption, plus de 350 personnes ont perdu la vie dont le célèbre sage Mbah Maridjan, le gardien du Merapi, qui avait refusé de quitter son village.

Dans la cosmogonie des Javanais, cette montagne est un lieu sacré, qui fait l’objet d’offrandes par le palais du sultan chaque année, censées apaiser ses colères. Quelques semaines avant notre arrivée, cette montagne irascible a recommencé à faire des siennes, le niveau d’alerte est montée et nous n’étions pas sûrs de pouvoir réaliser cette ascension. Avant d’entreprendre quoi que ce soit, nous avons donc rendu visite aux employés de l’observatoire pour savoir si la montagne était praticable et si nous pouvions commencer notre ascension par chez eux pour ensuite rejoindre le village de Selo, afin d’éviter un aller-retour par le même chemin. Sur fond de pulsations du volcan et devant leurs moniteurs de contrôle, ils nous ont répondu que le chemin que nous voulions prendre était interdit mais qu’il était tout de même possible de grimper par Selo. En avant donc pour ce village de Selo d’où notre fameux vulcanologue français Haroun Tazieff a ouvert un chemin d’accès au sommet du volcan dans les années 60.

L’ascension démarre très tôt le matin à 2h, nous apprenons que nous ne pourrons probablement pas atteindre le sommet. A notre grande surprise, notre guide est équipé d’un talkie-walkie et restera en liaison tout au long de l’ascension pour savoir à quelle altitude nous pouvons accéder sans danger. Nous nous joignons à d’autres groupes au long de notre grimpette, certains nous semblent trop légèrement vêtus pour le froid qui nous attend à près de 3000m. Il n’y a pas de difficulté particulière à noter, c’est une ascension classique pour l’Indonésie, raide, directe comme toujours, jamais de chemins qui serpentent. Vers 5 heures, nous accédons au pied du sommet, nous n’irons pas plus haut. Il nous faudra patienter une heure dans le froid et malgré toutes nos couches superposées et notre expérience, nous sommes gelés.
Après plusieurs années passées en Indonésie, le thermostat n’est plus étalonné pour le froid, il ne nous permet que de résister un peu mieux à la chaleur et à l’humidité, mais dès que ça passe sous la barre des 5 degrés, c’est une épreuve, amplifiée qui plus est par la fatigue. Quand le soleil se lève, nous découvrons ce fantastique paysage. En 7 ans d’ascension en Indonésie, c’est la première fois que nous voyons autant de volcans à l’horizon : Merbabu devant nous, puis les jumeaux Sumbing et Sindoro, le plateau de Dieng juste derrière puis le panache du Slamet, le plus haut sommet du coin qui culmine à 3428m et que nous avions prévu de grimper lors de cette virée à Java-Centre. C’est splendide, les appareils photo crépitent, nous nous réchauffons aux premiers rayons du jour.

La seconde étape de notre périple nous emmène en visite sur le plateau de Dieng, dataran tinggi Dieng en indonésien, un volcan complexe réputé pour ses ruines hindouistes, mais aussi pour ses pommes de terre ! Effectivement, dans une immense caldeira de 14 km de long par 6 de large, nous découvrirons des lacs acides, des fumerolles, des mares de boue, des trous qui sifflent de la vapeur comme 1000 Cocottes-minute. Le site est exceptionnel mais nous sommes déçus par les ordures qui trainent un peu partout, les ruines hindouistes totalement abandonnées, les tentatives ratées de mise en valeur des sites pour le tourisme de masse. En visitant la série de lacs acides, nous quittons enfin le chemin balisé pour aller nous perdre un peu au milieu des paysans. Chaque mètre carré est cultivé, la terre est riche, des choux, des poireaux, des carottes poussent à profusion, nous passons du temps avec ces paysans étonnés de voir ces tamu parler leur langue et échanger avec eux, c’est le seul moment de grâce que nous connaîtrons à Dieng mais il était magnifique. Et puis les pommes de terre aussi valent vraiment le détour !

Arrive enfin le clou de notre trek, l’ascension du Sumbing avec bivouac au sommet à plus de 3300m. Ce volcan est quasi inconnu du grand public, il a la particularité de n’être séparé de son jumeau le Sindoro que par une route et le village de Kledung. Nous sommes hébergés chez un paysan qui fait aussi le guide occasionnellement. Dans ce petit village de Kledung, trois générations vivent sous le même toit, unies, recroquevillées autour du foyer à même le sol de la cuisine, nous les observons discuter et rire pendant des heures comme ça devait être le cas il y a plus d’un siècle chez nos paysans quand il n’y avait pas encore la télé et l’exode rural. Les chèvres aussi ont droit à leur pièce tout près de la salle d’eau, nous nous lavons à l’eau très froide des montagnes sur fond de bêlements.

Notre guide fume comme un pompier, son activité principale est la culture du tabac, il nous fait rire en nous parlant de toutes ces campagnes anti-tabac qui mettront tous les paysans comme lui sur la paille. Alors, pour soutenir l’emploi, il fume ! Avant de nous élancer le lendemain matin, il nous faut d’abord faire les formalités. Il nous descend jusqu’au point d’accueil des guides, c’est la première fois que nous voyons une structure aussi organisée en Indonésie, hormis celle qui gère le Rinjani à Lombok. Nous acquittons un droit d’entrée de 10 000 Rp, il est possible de dormir dans l’endroit et d’acheter un peu de matériel, et même un badge en tissu à l’effigie du Sumbing à coudre sur le sac à dos !

Le lendemain matin, notre guide et ses deux acolytes nous montent nos sacs à dos sur sa pétrolette bricolée tout terrain, ça nous fait gagner quelques centaines de mètres sur les 1900m que nous devrons grimper pour atteindre le sommet. Nous sommes étonnés dès le début de notre ascension de rencontrer autant de jeunes qui partent à l’assaut de ce beau volcan. Notre guide nous apprend que par milliers chaque mois, la plupart en provenance de Yogyakarta, ils escaladent les pentes du Sumbing, ça fait partie du cursus de tous les étudiants indonésiens. L’ascension se passe là encore sans difficulté, mis à part un passage un peu escarpé où il est nécessaire de s’aider de ses mains.

Notre guide nous propose de planter la tente, aux environs de 3000m, mais il y a trop de promiscuité avec les autres grimpeurs, nous sommes venus chercher les grands espaces. Nous décidons de poursuivre jusqu’au sommet d’autant qu’il nous assure que nous pouvons dormir dans le cratère contrairement à ce que nous avons lu sur le site Gunungbagging.com. Vers 15h, nous atteignons enfin le sommet, il ne nous reste plus qu’à redescendre une cinquantaine de mètres pour planter notre tente dans cet immense cratère. Nous sommes seuls, c’est la première fois que nous dormirons dans un cratère et tout près des fumeroles. Notre guide et nos porteurs se mettent en quête de bois et le feu ronflera toute la nuit. Le lendemain matin, nous nous adonnerons encore à cette cérémonie païenne du lever du soleil, la religion universelle de tous les grimpeurs de volcans, une religion pacifique ouverte à tous ceux qui ont envie de se hisser au-dessus des nuages.

www.gunungbagging.com
www.volcanodiscovery.com
www.ascension-volcans-indonesie.blogspot.com

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