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Lutte contre la corruption en réel danger

Tout a véritablement commencé le 2 mai 2009 avec l’arrestation d’Antasari Azhar, alors chef de la Commission d’éradication de la corruption (KPK), pour l’assassinat présumé d’un businessman. Quelques jours plus tard, celui-ci affirme devant la police et des procureurs que des officiels du KPK ont reçu de l’argent de la part d’Anggoro Widjojo, un homme d’affaires également suspecté d’avoir « arrosé » des parlementaires afin de s’assurer de l’obtention d’un marché lié à la fourniture de matériel de télécommunication.

Dans une affaire différente et qui semble néanmoins liée, celle de la banque Century, le KPK aurait placé sur écoute le chef des détectives de la police, Susno Duadji. Celui-ci aurait en effet demandé une grosse somme d’argent au businessman Boedi Sampoerna pour l’aider à retirer son argent de la banque Century, proche de la faillite. La banque ne fera finalement pas faillite et sera au contraire renflouée grâce à l’argent de l’Etat pour un montant bien supérieur à celui prévu, entraînant au passage nombre de questions sur la nécessité de redresser de telle manière une banque mineure. Certains acteurs au sommet de l’Etat auraient-ils eu intérêt à sauver la banque Century ou certains de ses clients ?

Quoi qu’il en soit, un lien majeur entre les deux affaires semble être le chef des détectives de la police indonésienne. Susno a en effet reconnu avoir rencontré Anggoro à Singapour, où il est en exil pour échapper à la justice. Début septembre, le KPK annonce publiquement qu’il enquête sur le rôle de Susno dans l’affaire de la banque Century. Moins d’une semaine  plus tard, la police déclare à son tour deux responsables du KPK, Bibit et Chandra, suspects d’abus de pouvoir.

Il semble donc que cette histoire s’apparente à une tentative de la police d’emprisonner deux responsables du KPK, Bibit et Chandra, en réponse au lancement d’une enquête de la commission anti-corruption sur le scandale de la banque Century, scandale dans lequel Susno, détective en chef de la police, serait impliqué.

De nombreux détails ayant émergé depuis le début de la saga semblent accréditer la thèse d’une tentative délibérée de plusieurs institutions d’affaiblir le KPK. Cela s’est confirmé le 3 novembre dernier quand la Cour constitutionnelle a décidé de rendre public l’enregistrement d’écoutes
révélant des discussions entre de hauts responsables de la police et du bureau du procureur général. Ces discussions visent à monter un coup contre les officiels du KPK. Ces enregistrements ont offert un exemple flagrant d’abus de pouvoir de la part de la police et des procureurs.

Le président Yudhoyono, très (trop ?) discret depuis le début de l’affaire, décide début novembre de créer une équipe, composée de huit figures respectées du droit et de la lutte anti-corruption, afin d’enquêter de manière indépendante sur ces affaires. Les conclusions de cette équipe sont sans appel et vont dans le sens de ce que les Indonésiens pensent également dans leur grande majorité : toutes les charges portées contre les officiels du KPK ne reposent sur aucune preuve et doivent donc être abandonnées et les institutions telles que le bureau du procureur général ou la police doivent être réformées en profondeur.

Néanmoins, et malgré les recommandations claires d’une équipe d’experts qu’il a lui même formée, SBY a finalement décidé de… ne rien décider. Aucune annonce concrète visant à calmer la colère légitime des Indonésiens ou à démontrer son attachement à la lutte anti-corruption. Toute cette histoire, bien que loin d’être terminée tellement il semble que ce que l’on sait à l’heure actuelle n’est que la partie émergée de l’iceberg, permet tout de même de tirer quelques enseignements. Les institutions indonésiennes supposées faire régner ordre et justice dans ce pays, au
premier rang desquels la police nationale et le procureur général, apparaissent incroyablement corrompues à l’issue de cette affaire. Une demi-surprise il est vrai, mais on peut comprendre le dégoût et la colère de certains quand les responsables de ces institutions sont toujours en poste et ne semblent même pas comprendre leurs fautes éventuelles.

Difficile de tirer un portrait plus glorieux du parlement indonésien. Quand Susno s’y est déplacé pour « s’expliquer » sur toute cette affaire dont il est sans aucun doute une figure centrale, il a été applaudi par les députés. Peut-on faire attitude plus irrespectueuse envers les Indonésiens qui
ont élu ces députés mais qui veulent que justice soit rendue ?

Enfin, il y a le cas SBY. Réélu à plus de 60% ar des Indonésiens qui veulent croire en la véracité de son combat anti-corruption, il est très clairement en train de les décevoir. Son indécision laisse songeur. Même après que son nom eut été révélé dans les enregistrements rendus publics par la Cour constitutionnelle, il n’a pas jugé opportun de se défendre ni de dénoncer
ceux qui complotent en son nom.

Comme une majorité d’Indonésiens, il est désormais permis de se demander ce que les plus hautes institutions de ce pays veulent véritablement. Oublions un moment la croissance économique régulière du pays et son apparent poids grandissant sur la scène internationale. Tant que l’Indonésie sera dirigée par des individus pour qui l’intérêt personnel passe avant le bien commun et que ces mêmes individus restent impunis de leurs délits et n’expriment aucun remords, alors l’Indonésie ne pourra pas achever sa mutation en démocratie respectable sur la scène internationale.

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