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LOUIS-ISIDORE DUPERREY AUX MOLLUQUES ET EN NOUVELLE-GUINEE

Le premier voyage scientifique duquel tous les membres de l’équipage et les passagers reviendront tous sains et saufs en France (1822-1825).

La mode des voyages d’exploration lointains ne diminua pas en dépit des résultats souvent malheureux des expéditions précédentes. Lapérouse avait disparu sur les récifs de Vanakoro, d’Entrecasteaux était mort d’épuisement pendant le voyage, Baudin avait été témoin de la mort d’une grande partie de son équipage avant de mourir à son tour à son retour à l’Ile de France, Freycinet avait fait naufrage aux Malouines lors de son retour en France. Beaucoup de jeunes officiers étaient prêts à échapper par tous les moyens à la triste condition d’une marine diminuée après le traité de Vienne et sans grands projets.

L’organisation d’une nouvelle campagne fut donc décidée et revint au commandant en second de l’Uranie, Louis-Isidore Duperrey. Né en 1786, celui-ci naviguait depuis 1803, il appartenait à une lignée de marins savants et fidèles à l’esprit du siècle des Lumières et avait déjà participé à de tels voyages. Il s’agissait de poursuivre les explorations et travaux entrepris par Baudin et Freycinet en les étendant aux archipels du Pacifique central, la Polynésie, la Nouvelle-Hollande [Australie], l’Archipel des Moluques, et des îles Carolines. Pour des raisons budgétaires, un seul navire fut affrété pour cette nouvelle entreprise, la Coquille, une gabarre de 380 tonneaux qui fut remise en état et pour la circonstance rebaptisée corvette. Duperrey choisit lui-même ses officiers, notamment son second en la personne d’un normand nommé Jules Dumont d’Urville. Les autres spécialistes furent à nouveau choisis dans le corps de la marine plutôt que parmi les savants civils. Le navire était doté des derniers perfectionnements de l’époque : câbles-chaînes, caisses à eau métalliques, machines à distiller l’eau de mer, conserves Appert, chronomètres Berthoud et Bréguet, etc.

Le 11 août 1822, la Coquille quitta le port de Toulon, traversa l’océan Atlantique jusqu’au Brésil, elle remontera ensuite vers le nord en longeant les côtes du Chili, puis traversa l’océan Pacifique et en suivant une route très voisine de Bougainville, Duperrey arriva le 23 septembre 1823 dans la baie de Cajeli de l’île de Bourou dans les Moluques où la Boudeuse était arrivé en un triste état cinquante-cinq ans plus tôt. Celui de la Coquille et son équipage était bien meilleur et l’on peut mesurer à cette observation les progrès réalisés entre-temps dans le domaine de la navigation. Cajeli est décrit comme un joli bourg où le gouverneur hollandais a fait sa résidence. De Waigiou à Bourou, les îles Ine, Vayag, Syang, Joyi et Guébé avaient été reconnues, et la position des îles Gag, Boo, Pisang, Law et Kakek avait été rectifiée. Malgré la sévère interdiction du port de Cajeli aux bâtiments étrangers, le résident hollandais en apprenant le but scientifique du voyage de la Coquille, crut pouvoir se départir des ordres rigoureux de son gouvernement, et donna à M. Duperrey toutes les facilités possibles pour ses travaux. Il est vrai que M. Duperrey était muni d’une lettre du roi des Pays-Bas l’autorisant à relâcher dans tous les ports de son obédience.

Malheureusement une épidémie de choléra sévissait à terre et il fallut consigner l’équipage. M. Duperrey pouvait écrire « Nous n’avons jamais manqué de donner un repas de pain frais par jour à l’équipage et nous ne sortons jamais d’un port sans avoir au moins cinq mois d’eau dans la cale… Nos collections sont magnifiques : nous avons actuellement de quoi composer un atlas très volumineux. Tous ces messieurs travaillent avec un zèle admirable et la plus belle harmonie parait inséparable de cette expédition. »

Le 1er octobre, la corvette quitta Cajeli, favorisée par un bon vent, qui la conduisit jusqu’à Amboine, où elle arriva le 4. Dans cette dernière place, M. Duperrey reçut de M. Merkus, gouverneur général des Moluques, l’accueil le plus empressé ainsi que tous les secours dont il avait besoin.

Le 27 octobre, la Coquille remit sous voiles, en se dirigeant du nord au sud. Dans sa route, elle prit connaissance de l’île du volcan, traversa le détroit d’Ombai, longeant les îles situées à l’ouest de Timor, reconnut Savu, Benjoar, et quitta définitivement ces parages pour se rendre à Port Jackson, en rangeant la côte occidentale de la Nouvelle-Guinée, traversant à nouveau l’archipel des Moluques avant de faire escale à Surabaya du 27 août au 11 septembre 1824. Le 15, le navire longeait la baie de Batavia sans s’y arrêter et franchissait le détroit de la Sonde avant de faire route vers la France.

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Tout comme les explorateurs français précédents, Duperrey se livrait à des comparaisons entre les différents groupes ethniques du grand archipel indonésien. Il en conclut que « les Papous donnent en général l’impression d’être très paresseux et pusillanimes. Ils préfèrent la pêche aux travaux d’agriculture… Quoique intéressés, leur commerce est facile, ils n’y mettent ni ruse ni perfidie. »… Les peuples de l’arrière-pays qu’il appelle Alfours, sont au contraire cultivateurs mais « n’étant jamais visités par les étrangers, ils conservent un caractère cruel et farouche »… Très belliqueux, ils sont constamment en guerre avec les Papous comme le montrent les trophées de têtes coupées et les nombreuses cicatrices et blessures par flèches ou lances. D’autres montagnards, les Arfakis, habitant le fond de la baie de Gelwinck, sont venus à bord… « Un bâton leur traverse la cloison du nez. Ils sont noirs comme les Papous, mais ils sont plus robustes et plus décidés. Leurs pirogues, chargées d’arcs et de flèches, portaient aussi des provisions dont nous avons fait l’acquisition ».

Par comparaison, les Malais « de taille moyenne, avec la peau jaune et cuivrée, sont en général bien faits et leur système musculaire est dessiné avec vigueur ; les femmes ont des formes arrondies et courtes, des mamelles volumineuses, une chevelure rude et très noire, une bouche très ouverte, des dents qui seraient très belles si elles n’étaient pas noircies et corrodées par le bétel. Le caractère des deux sexes est inflammable, irascible, porté à la vengeance et à l’artifice, bas et rampant sous le joug du plus fort, barbare et sans pitié pour leurs ennemis ou leurs esclaves… Les Océaniens remarquables par leur beauté » étaient selon lui d’origine hindoue. Quant aux habitants des Carolines, très différents des Polynésiens, il leur trouvait « le type mongolique ». Leur physionomie est très agréable, leur taille est communément moyenne, leurs formes sont bien faites et arrondies mais petites. La chevelure est très noire, la barbe ordinairement grêle et rare. Le front est étroit, les yeux manifestement obliques et les dents très belles. Leur peau est jaune citron. Les femmes sont assez blanches ; le visage est élargi transversalement, le nez un peu épaté. Il y a chez eux une certaine gravité dans le caractère »…

Le 24 mars 1825, la Coquille était de retour à Marseille, après un périple de 135 000 kilomètres ayant fait une grande quantité d’observations scientifiques et fait ample moisson de collections d’histoire naturelle.
De fait, cette expédition maritime durera trente et un mois et sera la toute première qui reviendra en France sans la perte d’un seul membre d’équipage, sans malades et avec un navire en bon état.

Extrait de « Les Français et l’Indonésie », éd. Kailash

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