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L’INDONESIE PEINE A SE REFORMER ET A ATTIRER LES INVESTISSEMENTS

C’est le cheval de bataille du président Joko Widodo depuis son élection en 2014. Candidat, celui-ci avait promis une croissance économique de 7% en 2018. Las, celle-ci devrait à peine dépasser 5% en 2017, en-deça même des 5,2% prévus dans le budget. En cause : le manque d’enthousiasme des investisseurs…

Début janvier, c’est un Jokowi quelque peu déboussolé qui reçoit ses ministres au palais présidentiel. « Je compare la situation (économique) de l’Indonésie à celle d’une personne malade qui n’a aucun symptôme, leur a-t-il dit. Son taux de cholestérol est bon, elle n’a pas de problème cardiaque et ses poumons ne montrent aucun signe de faiblesse. Que doit-on faire pour croître plus vite ? »

Le constat présidentiel est correct. Toutes les agences internationales de notation ont accordé à l’Archipel un statut de pays où investir ; dans son dernier classement de la « facilité à faire des affaires », la Banque Mondiale place l’Indonésie à la 72e place, contre 140 en 2014 ; l’indice de la Bourse de Jakarta a plusieurs fois battu son record en 2017, pour une hausse de 20% sur l’année ; l’inflation est maitrisée ; et le budget de l’Etat est sûr. On peut ajouter à cela les inaugurations quasi hebdomadaires de nouveaux tronçons d’autoroute par le président, ou l’optimisme quasi béat des investisseurs dans les startups de l’économie numérique, un secteur dont la croissance est actuellement exponentielle.

Il n’en reste pas moins que la réalité amère des chiffres est là. En attendant les données officielles, la ministre des Finances Sri Mulyani estime que la croissance a atteint 5,05% en 2017. Bien loin des 7% promis voilà quatre ans par le président, alors en campagne, pour l’année 2018.

L’Indonésie ne manque pourtant pas d’attirer. Depuis un décret présidentiel de septembre 2017 sur l’accélération des affaires, destiné à réduire le temps et les coûts de délivrance de permis et licences, le gouvernement affirme avoir reçu des promesses d’investissement pour 1054 projets (à mi-décembre) pour une valeur totale de 42,6 milliards de dollars. Voila pour les développements positifs.

Plusieurs obstacles ont été détectés
Car dans le même temps, une recherche interne au gouvernement montre aussi que nombre de ces investisseurs ont fait l’expérience d’obstacles en Indonésie et ont ainsi décidé de suspendre, ou d’annuler tout simplement, leurs promesses d’investissement alors qu’ils avaient déjà obtenu une licence de principe auprès de l’organe de coordination des investissements (BKPM). Un total de 190 cas a été répertorié entre 2010 et 2017. Le manque à gagner s’élève à plus de 26 milliards de dollars d’investissements domestiques et à plus de 54 milliards de dollars en investissements directs étrangers.

Rencontré début octobre dernier le patron du BKPM Thomas Lembong ne niait pas que beaucoup reste à faire afin d’assurer l’existence réelle des promesses d’investissement dans le pays. Plusieurs obstacles ont été détectés. Par exemple dans plusieurs cas, les régulations ont changé après que les investisseurs aient obtenu leur licence de principe, conduisant à des plans moins lucratifs et ainsi abandonnés.

D’autres problèmes classiques empêchant l’Indonésie d’exploiter tout son potentiel en investissements résident dans le long et couteux processus d’obtention de licences, les coûts élevés en logistique (à cause du manque d’infrastructures et d’une alimentation insuffisante en énergie), la difficulté et les coûts élevés de l’achat de terrain, les taux d’intérêt énormes proposés par les banques locales et la faible qualité des ressources humaines, notamment dans les gouvernements régionaux.

Quelquefois, le manque de coordination et de coopération entre le gouvernement central et les gouvernements régionaux crée de la confusion autour de l’aspect légal lié à un projet. Enfin, un dernier problème est qu’il a été promis à certains investisseurs des abattements fiscaux qui ne se sont pas encore confirmés.

Des avantages fiscaux qui n’en sont pas vraiment
Le dossier des abattements fiscaux et autres exonérations fiscales temporaires est d’ailleurs extrêmement parlant. En Indonésie, les secteurs pouvant en bénéficier sont principalement la construction métallique, les télécommunications, les raffineries de pétrole, la machinerie, la transformation agricole, le transport maritime et les industries manufacturières dans les zones économiques spéciales. Mais aucun investisseur n’en a fait la demande en 2017. Le manque de certitudes légales et la proximité des élections générales en 2019, et donc un possible changement d’administration, pourraient expliquer cet état de fait. En 2009 par exemple, une nouvelle loi sur les mines avait obligé à revoir tous les contrats, rendant ainsi le secteur minier plus difficile et moins attractif pour les investisseurs étrangers.

Instaurés il y a une dizaine d’années, ces avantages fiscaux vont donc être réétudiés, comme l’a expliqué Sri Mulyani. Il apparait clairement qu’ils ne représentent pas un facteur déterminant dans le choix d’une destination d’investissement, alors qu’ils coûtent beaucoup et créent de l’inégalité. Dans le cas de l’Indonésie, et en ce qui concerne le sujet des taxes, c’est apparemment davantage d’une administration fiscale plus efficace et plus compétente dont les investisseurs ont besoin.

Taxées sur leurs profits, les entreprises dans l’Archipel ne peuvent ainsi profiter des avantages fiscaux qu’une fois profitables. Or les profits se situent à la fin du cycle d’investissement. Ce cycle débute avec l’obtention de licences, la construction d’usines, le recrutement d’une main d’œuvre qualifiée et les opérations de production. Autant d’étapes où l’Indonésie a de grands progrès à faire afin de faciliter les démarches des investisseurs.

C’est sur les fondamentaux économiques que le pays doit se pencher afin d’assurer ses objectifs de croissance. Le gouvernement a mis l’accent sur les infrastructures jusqu’à maintenant. C’est nécessaire. Il doit montrer la même volonté et une certaine efficacité sur le développement des ressources humaines. C’est l’objectif avoué de Jokowi pour 2018. En cas de succès, nul doute que les investisseurs et la croissance seront au rendez-vous.

Jean-Baptiste Chauvin

 

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