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L’INDONESIE DE NOUVEAU FACE A LA MENACE TERRORISTE

Le 14 janvier dernier une attaque terroriste faisait huit morts, dont quatre terroristes, en plein cœur de Jakarta. Revendiquée par l’Etat Islamique, cette attaque semble replacer l’Archipel dans des conditions oubliées depuis les attaques de 2009 sur les hôtels Ritz Carlton et JW Marriott de la capitale. Si la menace est réelle, l’Indonésie semble protégée face à la menace de radicalisation à grande échelle.

C’est en décembre dernier que la menace terroriste revient en grande pompe dans le bal médiatique indonésien. On apprend alors que les forces de sécurité indonésiennes ont effectué une vague d’arrestations autour du 20 décembre ayant démantelé des cellules terroristes qui préparaient des attentats pour Noël ou la fin de l’année 2015. Il n’est pas impossible que les terroristes passés à l’action le 14 janvier soient les résidus de ce vaste attentat qui a été déjoué. Il apparait clair en tout cas qu’ils ont pris pour modèle les attentats de Paris.

La relative inorganisation aperçue au cours de l’attaque du Starbucks, qui aurait pu être bien plus sanglante, montre que d’un point de vue purement opérationnel ces terroristes ont été assez peu efficaces vu leur nombre et leur manière de procéder. Mais cette attaque n’est pas en soi une immense surprise. L’Indonésie est depuis la fin des années 1990 la cible de réseaux islamistes qui ont suivi le retour des mujahidin afghans, comme la Jemaah Islamiyah, pur produit de cette décomposition. D’après Rémy Madinier, codirecteur de l’Institut d’études de l’Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM), chercheur au CNRS et spécialiste de l’Indonésie, « il ne s’est pas passé un mois depuis ces années sans que des individus préparant des attentats ne soient arrêtés ».

47PDF 129L’un des cerveaux présumés des attaques de Jakarta s’appelle Bahrun Naim, suspecté d’appartenir au réseau Daech qui a revendiqué l’attentat. Selon la police indonésienne, il serait actuellement à Raqqa, la « capitale » de l’Etat Islamique en Syrie. Il n’est pas impossible que celui-ci ait commandité, financé et/ou organisé les attentats dans le but de se montrer digne du commandement de l’Etat Islamique en Asie du Sud-Est. Cette région du monde représente déjà un centre de recrutement important pour l’Etat Islamique. Plus de 500 Indonésiens et des dizaines de Malaisiens ont rejoint le groupe, y créant leur propre unité, « Katibah Nusantara », l’Unité de combat de l’Archipel malais. Plus de 200 militants indonésiens seraient désormais rentrés au pays après avoir été formés dans des camps d’entraînement.

L’Etat Islamique veut établir une province en Asie du Sud-Est
Mais au-delà de ces recrues, l’Etat Islamique envisagerait des 2016 de développer une présence territoriale dans la région, ou au moins l’existence d’une organisation satellite. Les deux options envisagées pour cela seraient les Philippines et l’Indonésie. L’année dernière déjà le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong avait averti que l’Etat Islamique pourrait « établir une base quelque part dans la région », une aire géographique sous son contrôle comme en Syrie et en Irak. Plus récemment, l’expert en terrorisme Rohan Gunaratna a été plus précis. « L’Etat Islamique est déterminé à déclarer au moins une province en Asie en 2016 », explique ce professeur à la S. Rajaratnam School of International Studies de l’Université technologique Nanyang à Singapour. Le principal candidat est les Philippines. A un degré moindre, l’autre candidat, explique Gunaratna, est l’Indonésie. Cet avis fut corroboré en fin d’année dernière par le procureur général australien George Brandis, mettant en garde que l’Etat Islamique avait nommé l’Indonésie comme une possible localisation de leur fameux « califat éloigné ». Gunadarma reconnait néanmoins que les forces de sécurité indonésiennes ont jusqu’à maintenant empêché L’Etat Islamique d’assouvir cette ambition dans l’Archipel.

L’Indonésie doit adapter son arsenal législatif
Rémy Madinier ne pense pas que l’Indonésie soit menacée en tant que telle. « La stabilité du pays n’est pas en jeu. L’Indonésie, contrairement à l’Egypte ou l’Algérie, a su éviter par la démocratie le face-à-face mortifère qui oblige chacun à choisir son camp entre un régime corrompu autoritaire et une mouvance islamique violente. L’Indonésie a abrité le plus grand parti musulman du monde, interdit pour avoir défendu la démocratie au moment où Soekarno a instauré une « démocratie dirigée », un fascisme à l’indonésienne. Aujourd’hui, il existe dans le pays 5 grands partis se réclamant de l’islam. Ils offrent l’image de la diversité des modes de pensée dans l’islam politique, des plus ouverts au plus intransigeants, sachant que tous acceptent la démocratie. Les plus radicaux restent en dehors du jeu politique. Le fait d’avoir accueilli des organisations islamiques dans les affaires publiques a désamorcé la vision manichéenne d’un islam univoque. »

Il n’en reste pas moins qu’au même titre que la France ou la Turquie récemment, l’Indonésie demeure une cible pour le terrorisme, notamment de la part des nationaux radicalisés et désormais de retour de Syrie. Le pays doit adapter son arsenal législatif pour mieux répondre à la menace. Avec le soutien des services de renseignements étrangers, les frontières et les djihadistes de retour dans l’Archipel doivent être mieux surveillés et contrôlés. Les forces de sécurité doivent enfin développer leurs compétences afin de combattre la menace, y compris sur Internet où les islamistes excellent dans l’efficacité du recrutement et de la propagation de leurs idées.

Les Indonésiens dans leur immense majorité rejettent l’Etat Islamique et le terrorisme. Leur formidable réaction suite aux attaques du 14 janvier en a apporté une preuve supplémentaire. C’est désormais au président Joko Widodo et à son gouvernement d’augmenter et d’adapter les moyens pour que la menace soit contenue et que l’islamisme demeure dans l’Archipel ce qu’il a toujours été : une hérésie.

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