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Liberté d’expression, dessine-moi un musée…

L’ouverture de ce temple du dessin de presse est une bonne nouvelle pour ceux qui souhaitent une Indonésie plus attentive à la liberté d’expression. Car ces dernières semaines ont apporté leur lot d’inquiétude avec, tout d’abord, une loi visant à censurer la pornographie sur l’Internet, la plus dure d’un pays démocratique, et ensuite, les gesticulations du gouvernement pour tenter d’interdire l’accès au film « Fitna », allant jusqu’à bloquer You Tube. Cela nous rappelle que cette liberté n’est jamais acquise une fois pour toute. Ce Museum Kartun Indonesia est donc un remarquable outil au service de l’Indonésie de la reformasi. Inauguré en mars dernier, ce projet, qui a vu le jour grâce à Istio Adi, son fondateur, et une poignée d’enthousiastes, propose de faire connaître la riche histoire du dessin de presse de l’archipel. Qu’on ne s’y trompe pas, les collections du musée vont couvrir une longue période, depuis les années 40 et la lutte pour l’indépendance jusqu’à nos jours, et il faut bien le reconnaître, cette histoire est d’une richesse sans égal dans la région. Ce musée est d’ailleurs le seul dans son genre dans toute l’Asie du Sud-Est.

« Istio Adi a eu cette idée il y a un peu plus de deux ans et, au début, les dessinateurs étaient sceptiques », explique le directeur du musée. Toutefois, après les réticences ou l’indifférence du début, le projet a été monté en moins d’un an, à côté d’une boutique de T-shirts Jankrik, dont Istio Adi est le propriétaire. « Cet espace a pour but de montrer l’évolution du dessin de presse en Indonésie », poursuit Amandus Adelie, qui a fait auparavant une carrière dans le marketing immobilier. « Afin de réunir cette collection, nous avons du faire la preuve de notre sérieux auprès des dessinateurs », ajoute-t-il. Les dessins ont été donnés ou achetés et les bibliothèques nationales en ont envoyé près de six cents. Il y a des centaines de dessinateurs de presse en Indonésie et aussi une tradition très fortement ancrée. Comme dans ce village de Java centre, Kaliwungu, qui regroupe sous la signature en forme d’acronyme Kokkang, les talents de tout un village. Depuis plusieurs décennies, tous ses habitants se consacrent à la caricature sociale et politique, faisant de Kaliwungu un endroit unique au monde !

Mais la liste de ces groupes de dessinateurs est longue, citons ceux associés au projet : Pakyo à Yogyakarta, Semar à Semarang, Sloki à Solo, sans oublier les courants de Makasar, Jakarta et Medan. Parmi les autres caricaturistes dont on peut voir les dessins, on retrouve les « maîtres » comme Pramono R. Pamoedjo, Priyanto Sunarto, Dwi Koen, GM Sudarta, T. Sutanto, Jango Pramartha, Gus Martin, Cece et Jitet. La première salle du musée est consacrée aux dessinateurs qui ont reçu des récompenses. La deuxième, qui est cloisonnée en plusieurs sections, regroupe des dessins par auteur ou par thème. « Nous n’avons pas d’orientation politique particulière, explique encore Amandus Adelie, ce musée a pour but de montrer que le dessin de presse est un art et que ça ne sert pas qu’à envelopper les légumes sur les marchés ».

Le musée s’accompagne de nombreux projets pédagogiques, parmi lesquels des stages de découverte dans les écoles de Bali, des visites d’écoliers et un atelier d’initiation sur place. Caricature politique oblige, les élections de 2009 feront l’objet d’un traitement spécial. Au programme des mois à venir, de nombreuses rétrospectives, car le dessin de presse indonésien peut être tracé jusqu’aux années d’occupation hollandaise, notamment à travers les journaux chinois qui bénéficiaient à l’époque d’une certaine liberté. Enfin, ultime élément à rajouter à notre étonnement de découvrir une telle richesse du dessin politique en Indonésie, le projet du musée de réunir prochainement les œuvres d’un certain Sumini, alias… Sukarno, proclamateur et premier président de la république indonésienne, mais aussi fin caricaturiste dans les années 40. Et contre toute attente, le régime autocratique de Suharto n’est pas en reste. Harmoko, qui fut président de l’assemblée, chef du Golkar et un ministre emblématique du rigide Orde Baru a lui aussi été dessinateur de presse sous le pseudonyme Mok !

Museum Kartun Indonesia Bali
Jl Sunset Rd 85, Kuta, Bali.
Tél. 361 847 74 25, Entrée : 20 000 Rp

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