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Lettre à l’expat râleur

Cher ami expat,

C’est donc ici que tu as décidé de t’installer. Pris par la magie, tu as décrété que ton salut était à Bali. Pour toujours ou au moins pour un long moment. Contrairement au touriste qui ne fait que passer, tu t’exposeras durablement au soleil tropical pour chauffer ton corps et illuminer ton âme.

Tes raisons de venir sont diverses. S’éloigner du traitement abrutissant métro-boulot-dodo, réactiver tes sens au contact d’un exotisme riche en saveurs, ou simplement élargir ton horizon. Bref, tu veux améliorer tes conditions de vie ! Tu as découvert cette île peuplée de bienheureux et tu veux en faire partie. Pourquoi attendre la mort pour jouir de la félicité si l’on peut connaître le paradis dès son vivant !

Mais plus le temps passe, plus tu déchantes. En vivant sur place, tu perces les façades et tu découvres des coulisses moins séduisantes. Le contraste est saisissant. La béatitude des habitants te paraît une attitude enfantine. L’enchantement de l’inconnu disparaît au contact permanent. L’avantage du faible coût de vie se trouve annihilé par des charges supplémentaires dont tu ignorais tout en arrivant. Tu te sens victime d’une énorme tromperie.

Tout d’un coup, tu es devenu râleur ! Tu as pris l’habitude de critiquer sévèrement tous ceux qui t’entourent ! D’abord, tu râles contre les Balinais qui ne partagent pas tes soucis de rigueur et qui s’en fichent de tes impératifs. Leur mentalité surprenante et leurs réactions bizarres te sembles carrément absurdes. Derrière le moindre sourire innocent tu soupçonnes un piège. Puis, tu râles parce que gagner ton riz quotidien s’avère plus ardu que prévu. Tu estimes que pour joindre les deux bouts, tu dois t’investir encore plus qu’avant. Peut-être que ton univers familial s’est modifié ; ton partenaire t’a quitté ou c’est toi qui est parti avec quelqu’un, et tu râles parce que la nouvelle vie s’avère plus compliqué que tu ne l’avais envisagé.

Arrête donc de râler ! Ne t’en prends pas aux autres parce que tu t’es laissé berner ! Avais-tu réellement cru que d’élire domicile sur un continent aussi lointain allait se passer sans heurts ? Que tu allais assimiler sans problème le comportement et les moeurs des autochtones sans provoquer des frottements ?

L’envie de ne voir de ce que tu avais envie de voir, le fait d’être resté sourd aux conseils bienveillants, ton assurance de pouvoir faire mieux que tous les autres, ne sont-ils pas la preuve d’un trop grand ego ? Rappelle-toi également que tu restes un privilégié dans ce pays ; tes dépenses quotidiennes dépassent souvent le revenu mensuel du citoyen moyen.

Tu ne transformera pas le monde à ton image, alors prends conscience de cette évidence et ta vie ici, cher ami expat, te sera à nouveau agréable. Et pour connaître le paradis, tu patienteras encore un peu…

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