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Les lucioles, de petites bestioles qui brillent la nuit

Récemment, pendant Nyepi, le jour du silence balinais, je me suis (silencieusement) aventuré dehors pour jeter un œil sur les rizières. Sans l’habituelle illumination des maisons avoisinantes, des voitures et de l’éclairage publique, l’obscurité était totale et, dans ce noir, je pouvais discerner de petites lumières jaunes et vertes apparaissant de façon impromptue. Ces lueurs étaient provoquées par des lucioles (appelées kunang-kunang en indonésien). Elles m’ont rappelé mon enfance quand je partais la nuit avec mes copains dans la New Forest anglaise. Partout, buissons et fougères étaient éclairés par des vers luisants. Nous en ramassions quelques uns dans des bocaux et nous pouvions lire notre carte avec la lumière qu’ils produisaient.

Vers luisants ou lucioles appartiennent à une singulière famille d’animaux qui peuvent générer leur propre lumière. Cela a provoqué émerveillement et peur dans l’imaginaire humain depuis des millénaires. Aristote les mentionnaient il y a 2500 ans et l’Italien Dante en parlait dans ses écrits au 14ème siècle, affirmant qu’elles éclairaient le chemin de l’enfer. L’étrange et surnaturelle lueur nocturne a sans aucun doute engendré toutes ces histoires de fées, d’elfes et autres créatures magiques de la nuit. Les Italiens ont une peur superstitieuse des lucioles, affirmant qu’elles sont les esprits des ancêtres. Même aujourd’hui, il y a une croyance à Java qui dit que les lucioles sont des esprits produits par les ongles des doigts et des orteils des membres de la famille disparus depuis longtemps. A Bali, les gens disent que si une luciole entre chez vous, il va pleuvoir fort bientôt.

Mais que sont ces bestioles ? Appelés vers luisants ou lucioles, ce sont de petits scarabées ailés (plus de 2000 espèces de par le monde) qui produisent de la lumière depuis la face antérieure de leur abdomen. Chez les vers luisants, ce sont les femelles qui ne volent pas qui produisent les lumières les plus vives alors que les mâles brillent faiblement et par intermittence. La lumière est utilisée pour attirer un éventuel partenaire. La larve produit de la lumière aussi, afin de prévenir les prédateurs de leur goût déplaisant. La lueur est généralement jaune ou verte et peut donc être continue ou clignotante. Chaque espèce a sa propre intensité lumineuse et fréquence de flashs par seconde. On trouve des lucioles par millions dans les estuaires des rivières tropicales, éclairant les palmiers le long des berges. Dans certains pays, comme la Malaisie, il y a des promenades nocturnes à la découverte des lucioles organisées pour les touristes. Les insectes flashent de façon aléatoire mais il peut se produire des éclairages synchronisés à l’occasion, un peu comme sur le sapin de Noël !

Les larves se nourrissent d’escargots mais les adultes mangent surtout le pollen et le nectar des fleurs ou, tout simplement, ne se nourrissent pas du tout. En captivité, elles se nourriront d’eau sucrée et mangeront des insectes pas trop durs. En Europe, l’escargot dont les vers luisants sont friands, a presque disparu alors leur nombre est en diminution dramatique. L’étrange lumière produite s’appelle « bioluminescence », c’est une lumière froide, sans production de chaleur, qui est courante parmi certains animaux, plantes, champignons et bactéries. Sur terre, nombre d’animaux nocturnes ou évoluant dans des grottes possèdent cette particularité et c’est très commun également parmi les créatures marines, surtout celles d’eaux profondes.

Mais comment est-ce produit ? En 1880, Raphaël Dubois, de l’université de Lyon, a découvert que deux composants étaient nécessaires pour produire cette bioluminescence. Il les a baptisés « luciférine », le carburant, et « luciférase », le catalyseur (du latin lucifer, l’éclaireur mais également « le diable », je me demande bien où est la connexion…). Mélangés, ces deux composants chimiques produisent cette lueur sans aucune émission de chaleur. Mais ce ne fut que dans les années 50 que la structure chimique de la luciférine fut identifiée par les savants japonais et américains. A cette époque, les scientifiques japonais devaient récolter près de 2,5 tonnes de méduses pour extraire seulement 100 à 200 grammes de substance lumineuse. De nos jours, les techniques d’extraction d’ADN peuvent produire plusieurs grammes de ces composants chimiques à partir de bactéries spécialement cultivées.

Evoluant dans l’obscurité totale, il est donc très utile à un organisme vivant de pouvoir s’éclairer. Quand ma lampe de poche est tombée en panne lors d’une marche nocturne dans le parc d’Ujung Kulon (Java-Ouest), des milliers de minuscules champignons ont illuminé mon chemin de retour au camp. Certaines carcasses animales peuvent également être éclairées de façon fantomatique par les bactéries dévorants leurs chairs putréfiées. Avec ou sans tout ce savoir scientifique, la magie des lucioles demeure. Alors, lorsque vous aurez un moment la nuit, éteignez vos lumières et regardez dehors dans la nuit. Vous aurez peut-être la chance de voir un de ces petits miracles de la nature, la lumière froide d’une luciole. Et si vous en voyez plein, allez vite trouver un abri avant la pluie !

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