Accueil Ubud

Les hérons de Noël

Il y a près d’Ubud un endroit appelé Petulu où vivent de nombreux hérons blancs. Ils habitent de grands arbres où ils construisent des nids, y élèvent leurs petits héronneaux et papotent toute la journée. Ces oiseaux gracieux parcourent le monde entier chaque année et aiment se retrouver à Bali l’hiver venu. Mais savez-vous pourquoi ces hérons sont blancs ? Il y a bien longtemps, ils étaient dorés comme le soleil, mais lors d’un mois de décembre particulièrement chaud, il leur est arrivé une drôle d’histoire…

Il était une fois à Ubud, au cœur d’une jungle épaisse, une villa couleur bleu paon qui s’appelait Kano Sari. C’était bientôt Noël, il faisait très chaud, les frangipaniers étaient en fleur et les manguiers étaient chargés de fruits. C’est là que vivait Ibu Karen, une dame connue à Ubud pour sa générosité. Aidée de sa famille, elle était en train de préparer une grande fête de Noël pour ses amis et ses voisins. Le papa, qui s’appelait justement Noel, préparait un barbecue dans le jardin, et était impatient de revêtir son déguisement rouge et blanc. Il avait dressé un immense sapin décoré de centaines d’étoiles, guirlandes et petits anges dorés. La grand-mère s’attelait à préparer soigneusement des gâteaux croustillants, des confiseries multicolores et des chocolats fondants. Karen et Noel avaient deux filles, qui fabriquaient elles-mêmes des cadeaux pour tous les enfants du voisinage. Elles avaient décidé de confectionner des poupées et poupons vêtus de dentelle balinaise. En effet, Alex, qui était la fille ainée, était très adroite de ses petites mains et savait broder parfaitement. Il ne restait que quelques jours avant la grande fête, presque tout était prêt et pourtant, Karen ne cessait de soupirer « Ah, si seulement il pouvait neiger à Bali ! C’est la seule chose qui nous manque ! » Et disant cela, elle décorait sa crèche avec des petites boules de coton.
Un héron passait justement près de la villa et regardait avec émerveillement les petits costumes en dentelle balinaise. En effet, peut être ne le savez-vous pas, mais les oiseaux sont très sensibles aux beaux ouvrages et sont de grands amateurs de broderies. « Comme c’est raffiné ! Se dit-il. Oh, si je pouvais avoir des costumes aussi élégants pour mes petits héronneaux ! Quel dommage de les laisser à des poupées inertes ! » Il observait les jeunes filles broder depuis des heures, quand soudain, il se décida à leur parler. Il entra dans le salon, déploya ses grandes ailes blanches, fit la révérence et déclara : « Mesdemoiselles, pardonnez mon intrusion ! Vos costumes sont magnifiques et je souhaiterais avoir les mêmes pour mes petits… » Les jeunes filles, étonnées, trouvèrent l’idée amusante. Elles n’avaient jamais parlé à un héron, mais après tout, c’était la veille de Noël et elles pouvaient comprendre que ces oiseaux aient aussi envie d’offrir des cadeaux à leur famille. « Revenez avec vos amis et vos héronneaux et nous vous apprendrons la dentelle balinaise », répondit Stéphanie, la sœur cadette. Le héron, ravi, fit une révérence et s’envola. Quelques heures plus tard, une vingtaine de hérons accompagnés de leurs petits étaient dans la villa Kano Sari. Ils étaient tous très bien éduqués et passèrent une après midi agréable à broder et à papoter. Il s’avéra même que ces oiseaux étaient très adroits de leurs longs becs, pour le point de croix, de grébiche et de bouclette. Ils s’amusèrent beaucoup dans les chutes de coton blanc et à cinq heures ils prirent le thé tous ensemble. Les hérons avaient même apporté une belle tarte à la grenouille et quelques muffins aux souris que les jeunes filles acceptèrent poliment, sans toutefois y toucher. Finalement, le soir venu, les héronneaux étaient vêtus de belles robes blanches. Chacun rentra chez soi, et les deux sœurs s’endormirent, se demandant si elles n’avaient pas rêvé.
Les hérons, une fois dans leur héronnière, ne purent s’empêcher de continuer à parler de leur ouvrage pendant des heures. La dentelle était devenue leur passion, mais point de broderie sans toile de coton ! Pourtant, à la nuit tombée, un à un ils s’envolèrent dans le ciel. Ils se mirent à broder les nuages comme de la dentelle balinaise, on aurait dit des grandes traines de mariées. À l’aube tout était prêt et ils redescendirent sur terre pour décorer Bali de leur ouvrage. L’île fut recouverte d’un fin manteau blanc vaporeux et brillant de milles étoiles, comme si tout avait été saupoudré de neige. Hélas, personne ne s’en rendit compte, sauf Karen qui n’avait pas encore fini d’emballer ses cadeaux de Noël et qui n’en crut pas ses yeux. Quelle ne fut pas sa surprise de voir la jungle devenue toute blanche, ses palmiers, ses frangipaniers recouverts d’un voile brodé ! Mais déjà le soleil se levait, et l’ouvrage disparut instantanément. Le seul souvenir de cette nuit était le plumage des hérons qui resta à jamais blanc comme neige.

Illustration aux crayons de couleur, vernis à ongle et collages

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here