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LES DEUX ROUES PASSENT LA 5è !

Si la voiture est indéniablement un signe de richesse pour les Indonésiens, le deux roues reste néanmoins largement roi à Bali: à la fois pour des raisons de coût, de facilité de déplacement et d’infrastructures. Et ça n’est pas prêt de changer. Mais les modes de vie et de consommation de la classe moyenne émergente évoluent considérablement et rapidement, tout comme les besoins des touristes qui sont chaque année plus nombreux. Ainsi, les deux roues riment aujourd’hui avec « électrique » et « électronique ».
L’arrivée fracassante d’applications et de nouveaux modes de transports ont, depuis quelques temps, complètement changé la donne. Les deux roues vont de l’avant : toujours plus ludiques, plus écolos et plus légers.

Trottinette : gadget ou changement réel de pratique ?

Accidents, stationnements sauvages, perturbation de la circulation sur les trottoirs et même une loi en urgence pour enfin rentrer dans les clous.
Pas de doute, les débuts de la trottinette en Europe méritent un beau zéro de conduite. Pourtant, notre joujou d’enfance a de quoi rouler des mécaniques : à Paris, déjà 20 000 trottinettes électriques en libre-service dans les rues. C’est le nouveau deux roues chouchou des adultes.
Et surprise, l’Indonésie n’est pas en reste.

Comme par exemple à Bali, chez Skutis qui conçoit, produit et distribue des trottinettes électriques, légères et pliables, initialement pour une clientèle d’expatriés, à la fois de particuliers et dans les hôtels. Leur premier showroom est ouvert depuis avril 2017, à Canggu. But principal affiché : faire des balades ludiques, sans provoquer de pollution olfactive ou sonore. Des promenades (sur Canggu et Ubud) d’une demie à une journée sont proposées, en compagnie d’un guide. Compter tout de même un million de roupies la balade d’une journée avec diverses activités (rencontre et workshop avec artisan, déjeuner, …).
Mais fait plus étonnant : selon les estimations de l’entreprise, la moitié de la clientèle utilise ces trottinettes comme mode de transport (à partir de 60 000 roupies par jour). Le responsable communication, Ari Wiguna, nous indique : « notre trottinette requiert 9 fois moins d’énergie qu’un scooter traditionnel, c’est donc un vrai plus en terme d’impact environnemental mais aussi un avantage financier réel pour le consommateur. Conduire ce deux roues sur 100 km coûte 3 500 roupies, ce qui est 20 fois moins cher que l’essence ».
Comme différents modèles sont disponibles, les chiffres-clefs varient : de 20 à 50km/h de vitesse, 15 à 30 kg selon le modèle ou possibilité de monter des côtes de 15 à 40°. Pour les moins courageux, il existe même un modèle avec un siège. De quoi rouler sa bosse, loin des embouteillages, dans les rizières ou en bord de mer.
Cette entreprise d’origine singapourienne a déjà deux boutiques à Bali et une à Jakarta. Elle compte étendre son réseau de distributeurs à tout l’archipel et également produire un maximum de pièces directement en Indonésie.

Preuve supplémentaire des changements de consommation et de l’émergence de cette nouvelle tendance transport en Indonésie : l’entreprise Grab vient de lancer début mai, dans l’archipel, Grabwheels. Ce tout nouveau service de trottinette électrique en libre-service est encore en phase pilote dans la commune de Bumi Serpong Damai (dit BSD City, dans la province de Banten). « Ce service innovant et facile d’usage se veut une alternative aux modes de transports plus classiques pour répondre aux besoins d’usagers enclins à avoir des pratiques plus vertes comme dans cette smart-city » a souligné Ongki Kurniawan, le directeur exécutif de Grab Indonésie.
Côté bilan écologique, on ronge encore un peu notre frein. Ces trottinettes n’utilisent bien sûr pas de carburant et peuvent aller jusqu’à 15km/h, pour des trajets de 3 à 5 km. Mais il ne s’agit pas pour autant d’un véhicule 100% propre puisque perdure le problème de l’extraction des matières premières nécessaires à la fabrication des batteries alimentant ces deux roues. Se pose aussi la question de la source d’énergie utilisée pour la recharge et en sait que l’électricité indonésienne est produite avec du charbon. Cela reste toutefois l’un des deux roues les plus écologiques.
Quant aux problèmes de sécurité ou de praticabilité, ils répondent à des spécificités bien locales. Ainsi en Indonésie, l’une des restriction du service c’est qu’en cas de pluie importante, impossible de réserver son deux roues afin d’éviter les chutes ou glissades. A contrario, pas besoin de légiférer comme en France sur la question des trottoirs, qui ne peuvent pas réellement accueillir les trottinettes dans un contexte indonésien…et encore moins balinais. Il nous semble en revanche assez acrobatique voire parfois dangereux d’utiliser ces deux roues sur des grands axes de Bukit, à la circulation pour le moins chaotique ou sur d’autres routes plus petites, certes calmes, mais truffées de nid de poule. De son côté, la multinationale indique qu’elle enverra régulièrement des messages de prévention aux utilisateurs pour leur rappeler des consignes de sécurité, comme le port du casque.
Il y’ a actuellement cinq zones où l’on peut réserver ces trottinettes (en scannant un code-barre avec son smartphone) à BSD City, chacune étant dotés d’une dizaine d’engins. Ce service n’est pour l’instant disponible que de 10h à 22h puisqu’en fin de journée, la société recharge et stocke les deux roues.
L’entreprise a enregistré une centaine d’usagers quotidien. Cette phase d’essai aura lieu pendant plusieurs semaines avant que la société ne décide du tarif. Enfin, il est déjà prévu d’étendre ce service à d’autres communes.
Si les trottinettes sont une affaire qui roule bien en Occident, il faudra attendre encore un peu pour pouvoir conclure s’il s’agit d’une tendance éphémère ou d’un changement qui s’installera durablement dans les pratiques de déplacement sur l’archipel malgré des problèmes d’infrastructures et de coût.

Dans la peau d’un Ojek

Plus personne n’y échappe, les applications de moto taxi (« ojek » en indonésien) ont bouleversé les déplacements en deux roues à Bali. Nous nous sommes mis dans la veste de l’un de ses chauffeurs.

5h50 – Le soleil n’est pas encore totalement sorti de sa tanière quand Leo se réveille dans sa maison au sud de Denpasar. À 43 ans, ce père de famille monte sur son scooter tous les jours, depuis un an, pour conduire d’un lieu à un autre des touristes, des locaux et même livrer de la nourriture. C’est pour dédier ses journées à sa nouvelle activité de moto-taxi connectée qu’il a renoncé, l’an dernier, à son boulot dans une banque. Aujourd’hui, il ne regrette rien. Les journées sont longues mais à chaque instant, il peut en mesurer arithmétiquement les gains.

10h – C’est d’ailleurs ce qu’il fait lorsqu’il prend sa première pause de la journée. Dans l’ombre d’un arbre, il se couche sur le sol quelques instants. Un coup d’œil à ses courses empochées sur l’application de coursier-moto le convainc de se relever et de regrimper plein d’espoir sur son scooter. La veille, il a gagné plus de 350 000 roupies. C’est 100 000 de plus qu’un chauffeur moyen. De quoi endormir certains griefs.

11h30 – Malgré des douleurs au dos, Leo continue de faire ses « shifts » comme on dit dans le métier, jusqu’à l’épuisement. Il y a trois jours, il s’est fracturé un orteil contre un trottoir mais, de peur que l’entreprise ne le mette à la porte, il n’a rien fait savoir et se gave d’anti-douleurs pour tenir. Le téléphone vibre.

12h15 – Les commandes de plats à emporter commencent à pleuvoir. Il en accepte une et se dirige soulagé vers le lieu du restaurant : il sait que pendant quelques minutes il pourra reposer son dos. Assis sur une chaise à côté de la caisse, il pense aux clients qu’il a conduit ce matin et aussi à ceux qu’il n’a pas pu avoir. Parmi les profils manquants, un en particulier le contrarie : les touristes saouls qui cherchent à regagner leurs villas et leurs hôtels au petit matin. C’est dommage se dit-il, ce sont les clients ivres qui laissent les pourboires les plus généreux. Demain, il fera un shift de nuit. Le téléphone vibre.

12h38 – Quand la livraison est prête, il remonte sur son scooter et reprend la route. Ganté, emmitouflé dans une veste chaude, seuls ses yeux sont découverts. Le pire, c’est la pollution et la chaleur. Respirer toute la journée les fumées des pots d’échappements de centaines de véhicules sous un soleil de plomb. Le téléphone vibre. Fin des états d’âmes.

12h49 – Après avoir livré son repas à une russe de Seminyak dans une villa splendide, Leo s’achemine lentement vers les bords du canal où il prend modestement son repas tous les jours. Il s’arrête avec d’autres chauffeurs, mais c’est plus une habitude qu’un désir. Il ne leur parle pas, il mange. Seul.

13h37 – Les groupes l’ont toujours intimidé, il préfère la sécurité de sa solitude alors, une fois son bakso avalé, il nourrit son scooter d’une bouteille Absolut de Pertamax et repart sur les routes incandescentes de l’île des Dieux. Il fera le plein encore une fois avant de rentrer chez lui ce soir. Mais il n’ avalera rien de plus que quelques grammes de CO2. Pourtant, en franchissant le seuil de sa maison après le coucher du soleil, il sera fier de lui en regardant une dernière fois les statistiques de sa journée. Peut-être pensera-t-il à son ancien boulot à la banque mais ne regrettera rien. Au fond, ce dont il a le plus besoin, c’est de travailler plus pour gagner plus.

Scooter à Bali : que faire pour que ça roule ?

S’il est extrêmement simple et rapide de louer un deux roues à Bali, il y a tout de même quelques règles importantes à respecter.

Au regard de la loi, il faut avoir les papiers de l’engin, c’est évident, mais surtout un permis international estampillé deux roues. Demandez-le depuis la France à votre préfecture. Attention, cela prend plusieurs semaines pour l’obtenir. Avant de régler votre location de scooter, vérifiez systématiquement que les freins et les phares fonctionnent bien. Cela paraît évident…mais non ! Par ailleurs, nouvelle tendance oblige, les casques proposés par certains loueurs ne sont pas toujours aux normes, en témoigne la variété des prix (de 200 000 à 4 millions de roupies). Du casque noix de coco, viking, Dark Vador, ou même dinosaure…on voit de tout. Alors si vous tenez à garder la tête vissée sur vos épaules, oubliez le casque rigolo et vérifiez toujours la taille, le poids, la solidité du matériau mais aussi de l’attache et enfin la ventilation de votre couvre chef.
Une fois sur l’asphalte, vous pouvez vous faire arrêter par la police – c’est assez fréquent sur les axes touristiques. C’est là que votre permis international vous sera demandé. Si on vous reproche une infraction, ne partez pas sans vous faire remettre le fameux petit papier bleu sur lequel figure le montant de l’amende et parfois les raisons de celle-ci. C’est le seul moyen de s’assurer que la procédure officielle suit bien son cours et que tout a été fait dans le cadre de la loi avec constatation d’une réelle infraction. Vous voyez ce que l’on veut dire…
Enfin, il existe quelques règles d’usage à respecter pour survivre au doux chaos des routes balinaises. Si nous ne pouvons que trop vous conseiller d’utiliser vos clignotants, ne vous fiez pas à ceux des autres conducteurs, ils sont souvent trompeurs car utilisés à contre-emploi ou oubliés. Soyez également attentifs à vos rétroviseurs en permanence, ne négligez jamais les angles morts. Les queues de poissons sont légion. L’usage du klaxon (pas trop intempestif, de grâce!) permet de faire comprendre qu’on est là et qu’on ne compte pas s’arrêter. A utiliser aussi à l’entrée ou à la sortie d’une ruelle étroite et sans visibilité, pour vous annoncer et éviter le carambolage.
A noter que la plupart de ces scooters ne sont pas assurés…En cas d’accident, tout est pour votre pomme ! Pensez donc à avoir votre propre assurance qui couvrira déjà vos frais médicaux.


Bemo : le deux roues m’a tué

Il faisait partie des incontournables d’un séjour à Bali. A son bord, tous les déplacements revêtaient un goût d’aventure authentique, cahoteuse, bruyante, brûlante et souvent mi-marrante mi-désespérante. D’abord, parce qu’il n’y avait pas d’arrêt fixe, et puis, parce qu’il permettait de ne pas rester dans sa tour d’ivoire de touriste et de se frayer un chemin dans une réalité plus haute en couleurs et plus aléatoire. Pas un seul guide papier ou forum internet sur lequel on ne s’échangeait des astuces pour devenir le roi
du bemo, jusqu’il y a quelque temps.
Oui car le bemo n’est plus…ou pour être précis,
il n’est plus ce qu’il était. Il n’est guère plus qu’une roue de secours.
Le bemo est maintenant désuet et même tombé aux oubliettes pour la plupart des visiteurs, balayé d’un clic par les applications de taxi mobile ou par un coup d’accélérateur d’un scooter, loué en 5mn pour une modique somme.
Certes, il subsiste dans dans quelques endroits comme à Sanur par exemple mais il n’est plus utilisé majoritairement que par des indonésiens : ce n’est plus un moyen choisi par les voyageurs étrangers pour mordre la poussière et vivre au gré des aléas d’un transport collectif, aux arrêts fluctuants.
Ils semblent être nombreux à lui avoir dit adieu.
Adieu le fait d’être pris en sandwich dans la moiteur d’une vingtaine de personnes pour un véhicule qui peut en contenir 10.
Adieu les tocs tocs sur la tôle bouillante du bémo pour signifier que l’on voulait marquer un arrêt.
Adieu les mimes pour essayer de comprendre auprès des autres passagers où s’arrêter pour prendre une correspondance.
Adieu la gueguerre de la monnaie pour des trajets de quelques centaines de roupies. Et puis tiens, avant qu’il ne soit définitivement remisé à la casse, que je vous le dise pour ceux qui ne sont pas dans la confidence…Bemo c’est en fait le petit nom de « Becak bermotor » soit tricycle motorisé…Oui, vous avez bien lu, avant d’être ce minibus ventripotent et collectif, le bemo n’avait que trois pattes et se la jouait plus privatif.Comme quoi on ne vous raconte pas de bêtise : les transports plébiscités à Bali ne cessent d’évoluer : trois, puis quatre, puis deux roues !
Ce qui est sûr… c’est que pour lui, la roue a tourné. Alors adieu bemo… ?

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