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Les banques indonésiennes à nouveau dans l’oeil du cyclone

Malinda Dee était une employée en charge de 500 clients Citigold, ceux ayant un capital supérieur à 500 millions de rupiah à Citibank. Il a été révélé fin mars qu’elle aurait détourné au moins 2,3 millions de dollars de ces clients vers 28 comptes en banque lui appartenant dans huit banques différentes. Probablement la seule employée de banque à posséder deux Ferrari, un Hummer, une Mercedes et deux appartements de luxe à Jakarta, elle est depuis lors en garde à vue très prolongée. Irzen Octa était un homme politique client de Citibank. Le 29 mars dernier, il est venu dans un bureau de la banque pour en savoir plus sur les raisons pour lesquelles les impayés et intérêts de sa carte bancaire avaient atteint la somme respectable de 100 millions de rupiah. Il est mort une heure après dans la rue d’une attaque cérébrale, probablement aidé en cela par les méthodes peu délicates des recouvreurs de dettes qui venaient de l’interroger de façon « musclée ».

Ces deux histoires n’ont pas de lien entre elles, si ce n’est la banque mise en cause, qui vit depuis un test de relations publiques grandeur nature. Le sort subi par Irzen Octa démontre les méthodes extrêmes, brutales et trop peu contrôlées des recouvreurs de dette en Indonésie. Cela n’a rien de nouveau, mais le sort fatal du cas présent va certainement obliger à repenser la législation en vigueur. L’autre point soulevé par cette triste histoire est l’utilisation des cartes de crédit. Dans un sens, très sensiblement différent de ce que les Français entendent généralement par ces mots, c’est-à-dire un morceau de plastique qui permet de régler ses achats sans utiliser d’espèces. Ici, les cartes ont pour vocation principale de permettre à leurs bénéficiaires de vivre avec de l’argent qu’ils ne possèdent pas réellement. Au-dessus de leurs moyens réels donc. Dans un scenario qui n’est pas sans rappeler le mode de vie américain qui a largement contribué à la crise financière récente.

Sans limites légalement établies, appuyées par un marketing très agressif et jouant sur le manque de connaissance en la matière d’une grande majorité d’Indonésiens, même éduqués, ces cartes de crédit offertes par toutes les banques donnent à beaucoup l’illusion de pouvoir profiter à plein de la société de consommation. Selon des exemples connus, il suffit ainsi d’un revenu annuel de 30 millions de rupiah pour obtenir une carte avec une ligne de crédit mensuel de cinq millions. Avec des taux d’intérêt excessivement élevés dès que les remboursements se font en retard, les cas de clients dont le salaire entier est ponctionné dès son arrivée sur le compte sont de plus en plus fréquents. Certains en arrivent alors à solliciter un crédit pour rembourser un crédit précédent. Et entrent dans une spirale de surendettement. D’où l’intervention des recouvreurs de dettes et leurs méthodes radicales.

Le second cas semble plus proche des standards habituels indonésiens. Une employée détourne 2,3 millions de dollars (au minimum) et les blanchit en partie dans l’achat de voitures et appartements de luxe ainsi que par l’intermédiaire d’entreprises qu’elle dirige. Citibank ne s’est aperçue de rien, démontrant un contrôle interne totalement inefficace ou l’implication de nombreux employés à différents échelons. Il aura en effet fallu attendre les plaintes déposées par trois clients victimes pour que le cas sorte au grand jour. Ces trois victimes sont des hommes d’affaires. Sont-ils les seuls parmi les 500 clients gérés par Malinda Dee à avoir vu leur compte en banque fondre sans raison ? Très clairement non. Pourquoi les autres ne souhaitent-ils pas porter plainte ? D’après le Centre de Rapport et d’Analyse des Transactions Financières (PPATK), plus de cinquante officiels ou officiels à la retraite seraient impliqués. Et puisque leurs salaires sont très largement insuffisants pour pouvoir prétendre devenir des clients Citigold, ceux-ci n’ont évidemment aucun intérêt à porter plainte pour récupérer de l’argent dont la provenance serait difficile à justifier. Un ancien militaire, Rio Mendung, a été pris dans les mailles du filet et la rumeur veut que des policiers soient aussi dans cette liste. La présomption de culpabilité est difficile à éviter quand il s’agit des agissements sur la marge des responsables de la police où des business pourtant désormais interdits de l’armée. Davantage encore quand le porte-parole de la police s’empresse de préciser qu’il est inutile de connaitre plus que les trois noms de victimes déjà connus pour faire avancer l’enquête correctement…

Comme souvent dans les affaires qui agitent le pays, le risque est réel que de nombreux coupables soient laissés tranquilles. L’enquête le dira. En revanche, pour Citibank en premier lieu, et tout le secteur bancaire national, ces deux affaires représentent une très mauvaise nouvelle. Les banques indonésiennes sont parvenues à traverser la crise financière mondiale de manière exemplaire. Cet état de fait a été applaudi dans le monde. Beaucoup avaient alors en partie expliqué cette réussite par les reformes nécessaires entreprises, parfois sous la contrainte, après la crise asiatique de 1997-98. Ces réformes macro-économiques ont certes été efficaces. Mais il est désormais clair que dans le contrôle interne, dans celui exercé par la Banque d’Indonésie qui les chapeaute ainsi que dans les relations avec leur clientèle, les banques indonésiennes ont encore un très long chemin à parcourir.

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