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Les alu, ces cousins des dragons de Komodo

En sortant de chez moi par derrière l’autre jour, je suis tombé sur un lézard d’un mètre, à découvert dans l’herbe. Il s’agissait d’un lézard aquatique ou varan malais (Varanus salvator) qu’on appelle ici « biawak » en indonésien ou « alu » en balinais. Il était aussi surpris que moi, s’est immobilisé un court moment avant de disparaître dans les buissons en un éclair. En observant l’endroit où il se tenait, j’ai compris la raison de sa présence quelques instants plus tôt. Un cobra de 50 centimètres se dressait là, capuche déployée, en train de se demander où le lézard géant avait bien pu passer.
Je l’ai rapidement attrapé avec mon bâton et mis dans un sac avant qu’il ne s’échappe. C’est ainsi que j’ai réalisé que les alu sont en fait capables d’attaquer à peu près tout ce qui bouge, jusqu’aux serpents les plus venimeux !

Les varans malais sont très bien répartis dans toute l’Asie du Sud-est et il y a de nombreuses variantes, notamment le géant dragon de Komodo. Ils sont courants à Bali où ils grimpent agilement les murs abruptes, bronzent sur les toits ou disparaissent bruyamment dans les fourrés lorsqu’ils sont dérangés. Actifs la journée, ils passent leurs nuits dans l’eau ou perchés sur un arbre. De couleurs très sombres avec des bandes et des points noirs, ces lézards sont bien camouflés dans la végétation et peuvent se déplacer très lentement et sans bruit quand ils chassent leurs proies. Toutefois, quand ils se mettent à courir, difficile de les courser, d’autant qu’ils peuvent se glisser sous des buissons où aucun humain ne peut suivre. Sur la route qui mène au Centre de la mangrove, sur le by pass qui revient de Sanur (cf. La Gazette de Bali n°21 – février 2007), d’imposants alu peuvent être vus en train de se réchauffer au soleil matinal. Il y a même des panneaux qui préviennent de possibles « biawak crossings »…

Faisant jusqu’à deux mètres de long, les varans malais représentent une des plus importantes populations de prédateurs d’Indonésie et sont connus dans certaines régions sous l’appellation « buaya darat » ou crocodiles de terre. En Papua, le plus élancé de ces lézards, qui vit dans les arbres des bords de rivières, peut atteindre jusqu’à trois mètres, plus long que le dragon de Komodo. Avec leurs griffes aiguisées comme des rasoirs, leurs dents faites pour déchiqueter les chairs et leur longue queue qui ressemble à un fouet, ces animaux impressionnent. Il m’est arrivé une fois d’être trop près d’un alu qui se sentait menacé par ma présence et qui m’a fouetté avec sa queue, me laissant une blessure en travers du visage dont j’ai dû expliquer l’origine à tous les gens que j’ai rencontré pendant une bonne semaine tellement l’entaille était impressionnante.

Les alu sont pour l’essentiel des charognards. On les croise immanquablement sur les tas d’ordures ou dans les poubelles, maraudant de leur démarche raide caractéristique et agitant leur langue fourchue. Dans la nature, comme leurs cousins de Komodo, ces alu peuvent renifler une carcasse en putréfaction à des kilomètres. Cette habitude de manger les chairs en décomposition nous informe des précautions à prendre lorsqu’on approche ces reptiles. En effet, leur gueule est pleine de bactéries et si on se fait mordre, inutile de dire qu’il faut sérieusement nettoyer la plaie car les morsures d’alu s’infectent rapidement.

Une femelle pond de 5 à 30 œufs dans un tas de végétation pourrie et ils mettront 6 mois minimum à éclore. Les petits font de 20 à 30 cm de long et sont plutôt jolis, voire mignons. Leurs marques noires et jaunes vont se disséminer au fur et à mesure de leur croissance. Ils peuvent être relativement bien domestiqués si on s’y prend depuis leur plus jeune âge et certaines personnes en font des animaux de compagnie à mettre dans le jardin. On peut même les promener en laisse comme des chiens. A cause de cette capacité à vivre avec les humains, ils prospèrent dans les endroits touristiques de l’île où ils sont sûrs de trouver de la nourriture. Dans un grand hôtel de Bali, j’ai vu un jeune alu traverser résolument le bassin de lotus, grimper un mur jusqu’à la terrasse du restaurant et récupérer les restes de dîner de clients éberlués !

Comme avec la plupart des autres espèces animales du pays, les varans ont été capturés par les humains depuis la nuit des temps. Leur chair est mangée avec délice, leur graisse utilisée pour les maladies de peau (cf. La Gazette de Bali n°71 – avril 2011) et la peau du ventre sert à faire les tambours tifa qu’on trouve en Papua. J’y ai goûté une fois dans les îles Taninbar. Les gars l’avaient chassé dans un cocotier à l’aide de lance-pierres et d’arcs, une belle bête qu’ils avaient ensuite achevée à la machette. Ils l’ont rapidement dépecé et frit à l’huile. En 20 minutes, nous avions une viande délicieuse dans l’assiette qui ressemblait plutôt à du poulet.

Malgré le fait qu’ils soient capturés par centaines de milliers chaque année pour le commerce des peaux, ces varans sont coriaces et perdurent. Dans les plantations d’huile de palme, ils sont utilisés pour éliminer les rats. Ils peuvent nager très loin et se laissent dériver jusqu’à des îles lointaines où ils constituent jusqu’à ce jour l’apport de protéines essentiel à certaines populations humaines isolées. Partout dans le monde, les petites espèces de ces varans malais constituent un must pour les collectionneurs d’animaux. Alors, jetez un œil sur ces alu, ces survivants de l’Age des dinosaures qui seront probablement encore là et pour longtemps après que nous aurons nous-mêmes disparu de cette terre !

Pour de plus amples informations :
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