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lectures quotidiennes… à l’indonésienne

Lors d’une soirée, un des convives annonce qu’il allait s’atteler à la lecture des journaux
pour parfaire son bahasa. En entendant cette affirmation lancée avec tant d’entrain,
je réussis pour une fois à ne pas me montrer trop cynique et ne fais que souhaiter
beaucoup de courage à notre ami.

Car, s’il est vrai que celui-ci vit depuis de longues années à Bali et y a appris à parler
indonésien assez couramment, il est également vrai qu’il se trouve à la tête d’une
entreprise qui l’occupe beaucoup et que la patience n’est pas la première de ses
vertus. Je crains que ces deux faits n’aillent gêner considérablement le processus
d’apprentissage.

D’abord, parce qu’il faut pas mal de temps pour assimiler le vocabulaire littéraire, même
pour quelqu’un qui mémorise mieux que moi. Le caractère véhiculaire de la langue
indonésienne fait que l’écart entre le parler de tous les jours – relativement simple et
limité – et l’écrit est énorme !

Puis, les quotidiens nationaux emploient pas mal de mots javanais (voire Jakartanais)
et des abréviations à profusion. Dans les deux cas, votre dictionnaire n’est d’aucun
secours. Surtout les pages qui traitent de la politique et des affaires de justice regorgent
d’expressions raccourcies. Avec cette manie agaçante d’abréger tout et n’importe
quoi, les Indonésiens sont devenus les rois incontestés de l’aphérèse, de l’apocope et
d’autres acronymes.

Bien sûr, en France nous avons aussi notre URSSAF, CGT, RATP, SNCF ; des sigles qui
ne sollicitent plus d’explications, car tout le monde les connaît. De la même façon,
personne en Indonésie ne devrait ignorer ce que sont SIM (permis de conduire), KTP
(carte d’identité) et RS (rumah sakit = hôpital). Mais les quotidiens produisent une
multitude d’autres sigles sans nous en fournir l’explication. Si ces termes sont connus
par le citoyen moyen, leur signification est déjà bien moins évidente pour nous qui
n’avons pas grandi dans ce pays.

C’est ainsi que SD, SMP, SMA (école primaire, collège, lycée), PNS (pegawai negeri sipil
= employé de l’Etat), TNI (Tentara Nasional Indonesia = l’Armée nationale), PEMILU
(pemilihan umum = élections générales) et Wapres (Wakil Presiden = vice-président)
peuvent nous donner du fil à retordre. Même punition pour les 33 provinces de ce grand
archipel. On ne nous explique nullement que Sumsel correspond à Sumatra Selatan, que
Sulut désigne Sulawesi Utara, et que Jatim se traduit par Jawa Timur. (Maintenant, essayez
de trouver le nom complet de la province « Kepria » !) Certains pays étrangers ne
sont pas non plus faciles à décoder, comme AS (Amerika Serikat = Etats-Unis) et Korsel
(Korea Selatan = Corée du Sud).

Les titres des hommes au pouvoir sont en général si alambiqués qu’un raccourci
est le bienvenu. Encore faut-il deviner que Menkeu désigne le ministre des Finances
(Menteri Keuangan), Menlu le ministre des Affaires Etrangères (Menteri Luar Negeri)
et que Mendagri est le ministre de l’Intérieur (Menteri Dalam Negeri). Même les
patronymes des personnages en vue sont délaissés au bénéfice de diminutifs, tels que
SBY (Susilo Bambang Yudhoyono), Gus Dur (Abdurrahman Wahid) et Mega (Megawati
Soekarnoputri), au point que l’on se prend pour un initié en sachant que derrière
« Ical » se dissimule Aburizal Bakrie.

Au risque d’être barbant, je dois encore évoquer les polices. Elles sont si nombreuses ici
que la France peut s’estimer heureuse de ne fonctionner qu’avec une police nationale
et sa gendarmerie. Tandis que dans ce pays, on peut avoir affaire à la POLSEK (Kepolisian
Sektor), la POLRES (Resort), la POLDA (Daerah) ou la POLTABES (Kota Besar). J’ignore leurs
compétences réciproques, mais tous ces services font partie de la POLRI (Kepolisian
Republik Indonesia) qui a à sa tête le KAPOLRI (Kepala Polisi Republik Indonesia).

Il y aurait encore des dizaines d’autres exemples à citer : PBB (ONU), RUU (amendement
de loi), KB (planning familial), dll (dan lain lain = etc.). La place me manque et je suis sûr
d’avoir atteint la limite de votre patience. Heureusement que l’on nous explique les
abréviations moins courantes car elles sont trop nombreuses pour les garder toutes en
mémoire. D’autant plus qu’il peut y avoir confusion à cause d’un double emploi. Ainsi,
notre Assimil nous indique que « KKN » se lit Kerja Kuliah Nyata (service social obligatoire
pour étudiants), tandis que la presse ne parle que de Korupsi, Kolusi dan Nepotisme. En
apercevant un « Warung KKN », les deux définitions me paraissent hors sujet. La serveuse
me renseigne : « kalau kurang nambah ! » ( Si t’as pas assez, t’en reprends !)

Voici un petit avertissement à l’intention de mon copain et de tous les autres qui veulent
se lancer dans la lecture de la presse locale : lors d’une sortie dugem, un KK plein de
pede a trop donné dans les miras et SS : il a fini napi au LP.

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