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Le trafic à la Balinaise

En circulant beaucoup dans les environs de Kuta, rares sont les jours où je ne suis pas témoin d’un accident de la route. Récemment encore, un motard percutait devant mes yeux une voiture en stationnement. À Sanglah, on ne pouvait plus que constater le décès suite à une double fracture du crâne de la victime : un touriste en état d’ivresse, conduisant sans casque.

Avant de se lancer dans le chaos du trafic ambiant, il est préférable d’être conscient des singularités les plus surprenantes. Tout d’abord, il faut oublier le code de la route de notre chère patrie, en commençant par les règles élémentaires. Ainsi, la priorité appartient au plus fort, c’est-à-dire au véhicule le plus puissant. Ensuite, on aurait tort de se fier aux clignotants, à une ligne blanche ou au respect des feux tricolores.

La conduite insouciante d’un Balinais ne se limite pas au côté gauche de la route : il utilise l’espace disponible dans toute sa largeur, surtout là où ça avance le plus vite. Convaincu que son karma le protège aussi contre les accidents de la route, il s’engage sur la chaussée comme si les autres n’existaient pas. Pour éviter un accrochage, il faut savoir pressentir des démarrages subits, des écarts sans raison apparente et des dépassements aux endroits les plus dangereux.

Certains groupes de motocyclistes sont cruellement limités dans leurs mouvements : marchands ambulants, croulant sous des montagnes de produits; commerçants revenant du marché avec des quintaux de victuailles; couples partant à la cérémonie, la femme se balançant en amazone au gré des bosses, essayant de conserver l’équilibre instable de ses volumineuses offrandes; familles de trois, quatre, voire cinq personnes. Des étourdis roulent en gesticulant ou en rêvassant sans regarder devant eux. La nuit, ils sont nombreux à ne pas allumer leurs phares, un fait dont la raison reste un mystère.

À moto, on double les voitures des deux côtés, à l’exception des bemo qui se dépassent par la droite en raison de leurs fréquents arrêts exécutés brutalement. Pour parcourir une faible distance sur une route fréquentée sans avoir à couper la file des véhicules, on longe le trottoir à contresens, c’est-à-dire face aux motos en train de doubler par la gauche. Ce qui ne présente pas trop de problèmes en journée sur une route rectiligne. La nuit, dans des virages bordés d’arbres, ces rencontres sont déjà plus hasardeuses, surtout si le « contrevenant » n’a pas jugé utile d’allumer ses phares sur une si faible distance.

D’autres pièges à motocycliste sont les innombrables nids-de-poule, surtout quand ils surgissent sur les voies rapides, les policiers dormants qui traversent sournoisement les voies secondaires et font décoller l’imprudent, et les plaques d’égout qui semblent toujours en saillie ou en retrait de la surface macadamisée.

Alors, comment survivre dans ce chaos ? La prudence seule ne constitue certainement pas une garantie contre l’accident. Pour se lancer dans cette cohue dissolue, et s’en sortir indemne, il faut assimiler la situation, tenir compte des circonstances, accepter le plus insensé des comportements, avant de s’y glisser sans agressivité ni frayeur. Mais, par l’amour de Vishnou, ne cherchons pas à adopter la nonchalance autochtone: nous ne seront jamais aussi fluide qu’un Balinais.

Bonne route !

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