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Le sexe incertain des voitures asiatiques

Vu dans le Nouvel Observateur, une fois n’est pas coutume, une publicité fortement sexuée pour la nouvelle Swift, voiture d’un constructeur japonais dont nous tairons le nom mais qui, en guise d’indice, est habituellement plus connu pour ses deux roues que pour ses quatre roues. Egalement disponible sur le marché indonésien, la Swift a une silhouette originale, bien campée sur ses roues. Elle est ici une voiture populaire auprès des yuppies et autres jeunes hommes avides de sensations viriles et sportives. La pub locale, également sexuellement connotée, la présente comme un petit bolide. Le slogan de la Swift, un mot qui veut dire rapide en anglais, mais qui désigne aussi le martinet (l’oiseau, pas le fouet !), est d’ailleurs sans équivoque : « La Swift, c’est un truc de garçon… ». Le spot télé ne laisse donc aucun doute sur le « sexe » de la Swift qu’on voit faire des dérapages contrôlés et siffler une jolie passante dans la rue. Une voiture pour faire le fou, pour draguer les filles, une voiture-copain, un truc de garçon… Sans aucun doute.

Surprise de voir l’encart publicitaire de l’hebdo français étaler cette phrase pour la Swift du marché hexagonal : « Sensualité, séduction, Swift… Les mots ne sont jamais féminins par hasard ». La page présente sur sa moitié supérieure un gros plan sur une bouche féminine maquillée rouge vermillon, la moitié inférieure nous montre exactement le même modèle que celui disponible en Indonésie, chapeautée de ces mots : « Sexy Swift ». Nous voici plutôt déconcertés… Truc de garçon ou sexy Swift, nous nous rendons compte avec stupéfaction que la petite voiture asiatique a changé de sexe en changeant de continent. Symbole de virilité ici, elle est féminine jusqu’au bout des lèvres en France ! Sommes-nous une nouvelle fois dupés par ces transformations de genre dont seule l’Asie a le secret, du théâtre classique chinois aux katoi de Bangkok ? Ou bien l’Asie, ce continent yin, est-il si féminin que même ce qui est mâle ici peut être perçu comme femelle dans notre rugueuse Europe ? En tout cas, nous assistons ébahis à ce grand écart des perceptions, ce travestissement des concepts dont seules les agences de communication sont capables dans le marché global d’aujourd’hui.

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