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Le sexe incertain des bissu de Sulawesi

Pour les Bugis de Sulawesi-Sud, il existe quatre sexes différents. En plus des hommes (oroane) et des femmes (makunrai), il y a les calalai, des femmes biologiques ayant le même rôle et les mêmes fonctions que les hommes et, à l’inverse, les calabai, des hommes biologiques ayant des attributs de femmes. A ces quatre genres s’ajoute un cinquième, ni homme ni femme : le bissu qui joue le rôle de prêtre dans la religion traditionnelle bugis. Les Bugis considèrent les bissu non comme des travestis mais comme des hermaphrodites. Un bissu qui a l’apparence d’un homme extérieurement est une femme intérieurement et vice versa. Dans la réalité, les bissu ne sont pas de réels hermaphrodites mais la plupart du temps des hommes à l’apparence féminine, rarement des femmes. Un bissu se pare à la fois d’éléments masculins et féminins. Il porte ainsi le badi’ à la ceinture, le couteau porté par les hommes Bugis, et s’attache des fleurs aux cheveux à la manière d’une femme. Il combine également des éléments humains avec des éléments divins car un bissu est censé être l’intermédiaire entre les hommes et les dieux, celui capable d’apporter la bénédiction divine à la personne qui le souhaite.

Pour cela, il doit avoir de bonnes connexions avec les esprits afin d’entrer en contact avec les dieux ; il doit être en partie esprit (dewata) et en partie humain (manusia). Un bissu est donc un être mi-homme mi-femme, mi-dieu mi-mortel qui doit être possédé par des esprits afin d’accorder des bénédictions. Ce sont également les bissu qui consacrent les mariages et qui donnent les bénédictions aux pèlerins en partance pour La Mecque. Cette dernière pratique peut paraître étonnante mais ne l’est en fait pas, les Bugis ayant syncrétisé leurs croyances pré-islamiques avec l’islam. Avant l’arrivée de l’islam, les Bugis honoraient un dieu appelé PaTotoe. Aujourd’hui, pour beaucoup de Bugis, Allah est en fait PaTotoe mais sous un autre nom. Quand un bissu invite des divinités à le posséder, il commence toujours par implorer la bénédiction d’Allah.

Seul un bissu présente les qualités requises pour être possédé, c’est-à-dire la combinaison mortel-divin/féminin-masculin. Pour réveiller les esprits, le bissu exécute dans un premier temps un rituel élaboré à base de chants, de musique et d’offrandes. Une fois les esprits réveillés, il en sélectionne un capable d’apporter la bénédiction appropriée à l’événement. L’esprit choisi va ensuite descendre pour posséder le bissu qui entre alors en transe. Quand le bissu sort de transe, son comportement est totalement différent, il est irritable et très agressif. Mais ce changement de comportement ne suffit pas à convaincre l’assemblée et, en particulier, la personne qui souhaite la bénédiction, que le bissu est réellement possédé. Pour convaincre, il doit exécuter le ma’giri qui consiste à s’auto-poignarder avec un kriss sacré. Si le kriss ne pénètre pas la peau, le bissu est dit kebal (impénétrable), il est invulnérable, une preuve irréfutable qu’il est bien possédé par un puissant esprit et qu’il est capable de donner des bénédictions. Si le kriss parvient à pénétrer la peau, cela veut dire que le bissu n’est pas possédé ou alors par un esprit faible incapable d’apporter une bénédiction.

Ce sont les jeunes garçons efféminés qui sont en général choisis vers l’âge de douze ans pour devenir bissu. Mais il faut avant tout qu’ils démontrent de fortes connexions avec le monde des esprits. Le garçon devient ensuite l’apprenti d’un bissu et, après plusieurs années d’entraînement, il passe une série de tests. Le test ultime consiste à rester allongé sur un radeau en bambou au milieu d’un lac pendant trois jours, sans manger, ni boire, ni bouger. Si l’apprenti survit, il est alors accepté comme bissu.

Hermaphrodites, demi-dieux ou simplement humains, les bissu sont en tout cas très respectés chez les Bugis. Ils font partie de l’incroyablement riche histoire des Bugis, histoire écrite ou transmise oralement dans laquelle ils jouent un rôle central. Il est dit que les bissu furent envoyés sur Terre à l’apparition de la vie afin d’aider Batara Guru, la divinité suprême, à organiser les choses. Ainsi ce sont les bissu qui créèrent le langage, la culture et toutes les choses dont le monde avait besoin pour s’épanouir.

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