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Le retour de la menace terroriste

Bien que cible récurrente au début de la décennie (Bali 2002, Bali 2003, Marriott 2003, ambassade d’Australie 2004, Bali 2005), l’Indonésie n’avait plus été touchée par des actes de terrorisme depuis quatre ans. Un laps de temps suffisant pour que l’archipel redevienne attractif et, semblait-il, assez sûr, au moins aux yeux des investisseurs et des touristes. Le gouvernement, aidé en cela par les Etats-Unis et l’Australie notamment, était parvenu à arrêter plus de 400 militants islamistes, à condamner puis à exécuter les trois auteurs des premiers attentats de Bali et à réduire la menace à néant. Croyait-on. Mais les deux attaques à la bombe menées par des kamikazes le vendredi 17 juillet dernier dans les hôtels Marriott et Ritz Carlton obligent à tout relativiser.

Leur mode d’action, le matériel utilisé, les cibles visées, tout semble encore une fois mener vers la piste de la Jemaah Islamiyah (JI), ce groupe islamiste ayant pour objectif de créer un Etat islamiste regroupant une grande partie de l’Asie du Sud-Est. Et plus précisément encore vers Noordin Top, un Malaisien spécialiste des explosifs qui reste le dernier leader connu et en cavale de la JI. « Il est difficile pour la police de capturer Noordin Top parce qu’il est sous la protection permanente de son réseau, explique Sydney Jones (cf. La Gazette de Bali n°40 – septembre 2008), spécialiste de la JI et directrice de l’International Crisis Group. La police est parvenue à arrêter environ 400 terroristes jusqu’à maintenant. Il y a encore 12 ou 13 terroristes liés à la JI. Je pense que la police parviendra à tous les arrêter. » En attendant, le groupe représente donc une menace réelle. Cette menace aurait-elle été prise à la légère par les autorités indonésiennes et ses services secrets ? Difficile à dire. Il apparaît néanmoins que les doubles élections récentes (législatives en avril et présidentielle en juillet) ont offert une fenêtre opportune aux terroristes afin de mener leur plan à bien. Le président Yudhoyono, dans un élan émotif incontrôlé, a très vite soupçonné les auteurs des attentats de s’en être pris au processus électoral récent et donc à lui-même. La très grande majorité des experts et analystes s’accordent pourtant à dire qu’il est très improbable que les attaques aient été menées dans un but politique ou en lien avec les élections indonésiennes. Il est beaucoup plus plausible que les élections aient néanmoins offert le moment idéal à ces terroristes pour mettre leur plan en action, la police et les services secrets étant entièrement mobilisés pour la réussite du scrutin.

Et maintenant ?
En un sens, ces attaques ne pouvaient pas tomber plus mal. L’Indonésie n’a jamais été aussi stable politiquement et il semble que les Indonésiens embrassent pleinement le concept démocratique, bien plus que leurs élites d’ailleurs. Economiquement, le pays est membre du G20, il va certainement connaître une des plus fortes croissances mondiales en 2009 et beaucoup estiment qu’il aurait totalement sa place au sein des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), ces pays qui semblent représenter les futures places fortes de l’économie mondiale. Va-t-on dès lors assister à un retour en arrière au moment où l’avenir n’avait jamais semblé aussi prometteur ? Probablement pas. Certes l’Indonésie va devoir redoubler d’efforts pour mettre la main sur ce qu’il reste de la menace islamiste. Mais il est très improbable que la stabilité politique actuelle soit en réel danger. Economiquement, certains investisseurs potentiels vont très certainement annuler, ou au moins repousser, leurs projets. Mais cela ne devrait pas affecter l’attractivité de l’archipel à moyen terme. A court terme, il semble que ce soit le secteur du tourisme, sans surprise, qui souffre le plus. Le ministère du tourisme a d’ores et déjà estimé à près de deux milliards de dollars les pertes dues à la probable baisse du nombre de visiteurs dans les semaines et mois à venir, soit un million de visiteurs en moins par rapport aux estimations de 6,5 millions de visiteurs en 2009. Ces estimations sont basées sur les conséquences des attentats à la bombe passés. Mais le ministère reste confiant sur le caractère très temporaire de cette baisse à venir. D’autre part, les deux tiers de la croissance indonésienne sont basés sur la consommation intérieure, qui elle ne devrait que très peu souffrir des attentats. C’est donc peut-être en terme d’image que le pays accusera le plus de pertes.

Mais le président Yudhoyono, comme ses concitoyens, ne doit pas se laisser déstabiliser. Les réactions unanimes des Indonésiens invitent d’ailleurs à l’optimisme. Tous rappellent que leur pays a su se relever de toutes les attaques dont il a été l’objet il y a quelques années. Et affirment que cette dernière péripétie ne changera rien à la donne. L’Indonésie est bien plus forte que ceux qui souhaitent la menacer. Puisse l’avenir leur donner raison.

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