Accueil Environnement

Le processus est en marche mais il reste énormément de travail

Charlotte Fredouille est la fondatrice de Peduli Alam, un projet de collecte des ordures bien connu de nos lecteurs (cf. La Gazette de Bali n° 46 – mars 2009) qui a débuté il y a quelques années dans la région d’Amed. Avec elle, nous faisons le point sur les progrès réalisés…

La Gazette de Bali : Peux-tu nous donner la mesure des résultats obtenus depuis tes débuts ?

Charlotte Fredouille : Depuis mars 2009, date du début du projet Peduli Alam, nous avons construit près de 100 bacs à déchets publics et distribués près de 200 poubelles individuelles dans les épiceries locales, les écoles, les temples et les banjar. Nous avons également distribué des sacs de riz vides dans les familles pour les aider à commencer à prendre l’habitude d’utiliser une poubelle à la maison pour les plastiques. Nous ramassons plus de 4 tonnes de déchets non-organiques par mois, ce qui représente 10 camions pleins jusqu’à ras bord. Auparavant, ces tonnes de déchets se retrouvaient dans la nature et notamment dans les rivières, lieux souvent utilisés comme décharge sauvage par les villageois balinais qui n’avaient pas d’autre choix. Une fois déposés dans les rivières, les déchets finissaient invariablement dans l’océan, polluant les fonds marins.

LGdB : Toutes ces ordures collectées grâce à Peduli Alam, où vont-elles ?

C F : Nous avons la chance d’être reliés à la ville d’Amlapura, ville désignée trois années de suite « la plus propre d’Indonésie » et où, contre toute attente, la collecte des déchets est très bien organisée et où vous ne verrez pas un papier par terre ! Fait exceptionnel à Bali. Le bupati (préfet de la région) nous a autorisé à utiliser leur décharge, elle se situe à quelques kilomètres de la ville. Les déchets que nous y amenons y sont retriés et tout ce qui est recyclable sera revendu. Tout le reste est enfoui et les jus de poubelles sont récupérés et traités par un système de 6 bassins utilisant la sédimentation et la phyto-épuration.

LGdB : Y a-t-il un impact mesurable de ton action sur l’océan dans la région où tu opères ?

<emb2647|left> C F : Nous travaillons en partenariat avec Reef Check Foundation (cf. La Gazette de Bali n°15 – août 2006) sur certains projets. Ils protègent la mer, nous protégeons la terre et nous sommes très complémentaires. L’impact sur l’océan est très net car tous les déchets que nous ramassons étaient pour la plupart jetés dans les rivières auparavant. Mais les fonds marins restent quand même pollués, les plastiques peuvent venir de la terre mais aussi de la mer et les pêcheurs ne sont pas encore bien conscients de l’impact de la pollution sur la pêche.

LGdB : Dans quelles proportions les mentalités des villageois ont évolué depuis tes débuts ? Et auprès des officiels ?

C F : C’est très difficile à mesurer. Mon outil de mesure de la compréhension de notre projet est la quantité de déchets ramassés qui augmente sans arrêt. De plus, nous imposons un tri des déchets aux habitants : ce qui est organique reste dans leur jardin, ce qui est non organique et donc dangereux pour l’environnement doit aller dans les poubelles. Là aussi, l’outil d’évaluation est dans la poubelle : les déchets sont de mieux en mieux triés : auparavant nous ramassions près de 40% de déchets organiques, gâchant de l’énergie à transporter des déchets non dangereux, aujourd’hui ce n’est plus que 15% des déchets que nous collectons. La population comprend de mieux en mieux, car l’info est aussi relayée par les chefs des banjar. <emb2648|right>
De plus en plus de chefs de banjar viennent me réclamer des poubelles pour leur commune. Mais il reste encore beaucoup de travail, beaucoup de familles ne suivent pas encore le projet car leurs maisons sont loin des structures de collecte. Presque tous ceux qui vivent loin des routes, dans les montagnes, et donc doivent porter leur déchets sur une longue distance jusqu’au bac public, ne suivent pas le projet, c’est un problème qu’on essaye de traiter avec les autorités locales. Sans obligation de leur part, on ne pourra pas les faire avancer. Et pour cela, elles sont un peu molles. Une fois par mois, il y a bien un nettoyage obligatoire dans les villages, tout le monde doit s’y mettre, mais cela ne suffit pas. Il faut créer des lois.
Les officiels de la région (Dinas Kebersihan et Badan Lingkungan Hidup) ont été très lents à réagir mais depuis un an et depuis que le gouverneur a décidé de faire quelque chose pour l’environnement à Bali, ils font souvent appel à moi pour participer à des séances de sensibilisation. J’ai d’ailleurs été avec eux rencontrer toutes les autorités locales de la région, nous avons été dans tous les chefs-lieux de district afin d’expliquer les dangers de cette pollution. Je suis aussi sollicitée pour aider des initiatives locales à développer ce type de projet dans leur village. Comme par exemple à Menjangan où une association souhaite monter un réseau de poubelles. Je peux les aider à monter le projet, leur fournir les supports pédagogiques et les conseiller durant toute la mise en place.
Donc je peux dire avec certitude que les choses avancent, j’en ai pour preuve les tonnes de déchets ramassés chaque mois et les nombreuses demandes de poubelles et de sensibilisation que je reçois. Le processus est en marche mais il reste énormément de travail…

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here