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Le noble art indonésien brille à Kuta

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34 victoires (dont 10 par K.O) et un match nul pour 35 combats, le parcours du « Dragon de Komodo » comme il est surnommé par les aficionados, est exemplaire. « Quand j’étais petit, je passais mon temps à me battre », se souvient aujourd’hui avec un sourire radieux cet enfant de Flores, originaire de Ngada. Arrivé à Bali seul, à l’age de 17 ans, avec des rêves de gloire plein la tête, Alexander Bajawa a commencé à boxer à Kupang (Timor). « Au niveau amateur, c’était combines et compagnie, on est à la merci des responsables de la fédé, c’est pourquoi je suis venu tenter ma chance à Bali, pour devenir professionnel », explique-t-il aujourd’hui. De sa lointaine île du grand est indonésien, Bali constituait le centre pugilistique le plus proche. « Chez les pros, quand t’es bon, tu montes », ajoute-t-il.

Fraîchement débarqué à Denpasar, Alex s’est trouvé un boulot de satpam. Il se rend alors tous les jours à vélo au Mirah Boxing Centre de Kuta, pour s’entraîner et montrer ce qu’il vaut. Propriété de Zaenal Thayeb, riche patron d’hôtels féru de boxe qui possède aussi un club à Banyuwangi, le MBC ne paye pas de mine. Un seul ring entouré de gradins en béton, quelques sacs et punching balls, ce centre est loin d’offrir les équipements dernier cri que l’on trouve en Europe… « L’ambiance de la boxe est bon enfant en Indonésie, le matos est modeste mais le cœur y est», explique pour sa part Laurent Roeykens, ami du champion et membre du MBC depuis 2002. Très vite, Zaenal Thayeb organise un premier combat pour celui qui va devenir son protégé. Alex gagne non sans mal « contre un gars de Bandung », se souvient-il, mais cela suffit à convaincre le « boss » de lui donner sa chance.

Alexandre Bajawa peut laisser tomber son job dans la sécurité et se consacrer à plein temps à la boxe. En 2003, il décroche son premier titre national, puis grossit pour passer dans la catégorie de poids supérieure (poids plume) et remporte à nouveau le titre l’année suivante. « Ici, il n’y a pas de suivi des athlètes, pas de sophrologues, pas de nutritionnistes, et les entraîneurs, quand il y en a, font toujours un peu la même chose », explique Laurent Roeykens. « En plus, les boxeurs font 4 à 5 combats par an en moyenne, ce qui est beaucoup, alors qu’ils travaillent moins longtemps en salle », ajoute-t-il. En résumé, les boxeurs indonésiens combattent plus et s’entraînent moins que les autres.

La chance d’Alex va être sa rencontre avec le très populaire champion du monde WBA indonésien Chrisjon. De passage au MBC de Kuta, la star originaire de Semarang est impressionnée par la puissance et l’élégance du « Dragon de Komodo ». Chrisjon prépare tous ses combats au centre Harry’s Gym de Perth en Australie et embauche Alex comme sparring partner. Un nouveau monde s’ouvre désormais à lui. Sur le chemin d’une plus grande professionnalisation, il se retrouve sous la houlette de l’entraîneur australien Craig Christian et fait depuis des stages réguliers en Australie pour préparer ses grands rendez-vous. Les matchs qu’il dispute sont souvent en ouverture de ceux de Chrisjon. « S’il est bien entraîné, Alex a une carrière extraordinaire devant lui, il est intelligent sur le ring et sait doser son effort sur 12 rounds », précise Laurent Roeykens.

Pour ce fils de chef de village de Flores, la vie à Bali est belle. Il y a appris le surf, « très bon pour l’équilibre et le mental », confie-t-il, et découvert l’univers cosmopolite de Kuta. « J’aime Bali pour l’ouverture, les rencontres », poursuit ce fan de Mike Tyson qui aime le soir se balader sur la jl Pantai Kuta au guidon de sa mobylette « customisée ». Venir à Bali a sans doute été la décision la plus importante de sa jeune existence. « C’est vrai que rien que dans le sud de l’île, il y a au moins trois clubs de boxe, auxquels il faut ajouter le fameux camp d’entraînement en forêt de Daudy Syah Bahari, au nord de Denpasar », precise Laurent Roeykens.

Reste que si Alex aime toujours autant Kuta et loge maintenant dans une chambre climatisée au MBC, il est clair que son avenir passe par l’Australie. D’ailleurs, il apprecie la vie là-bas et se voit bien y ouvrir un club de gym pour ses vieux jours. Quand on le questionne sur ses salaires, ce fan de foot et de Manchester United, reste évasif. Il affirme que son manager Harry T. Putra le traite correctement et qu’il bénéficie d’un équipement de qualité grâce aux sponsors. « J’ai aidé mes frères et soeurs à finir l’école », commente-t-il avec fierté. « Comparé au standard mondial, ce que gagne Alex pour un combat est minime, ça doit se situer au niveau d’un salaire de base en Europe », explique pour sa part son ami belge.

Après son titre de champion du monde en 2006 contre l’Argentin Riccardo W. Arano, Alexandre Bajawa a décidé une nouvelle fois de changer de catégorie. A 59 kg, il peut désormais combattre en classe super poids plume. Il va affronter un Vénézuélien le 3 mars, au Kelapa Gading Stadium de Jakarta, dans la course au titre suprême en catégorie IBF. Comme pour toutes ses dernières rencontres, les télévisions, comme Indosiar et RCTI, s’arrachent les droits de retransmission. La boxe est très populaire en Indonésie, un pays qui compte en ce moment trois champions du monde, et le style d’Alex est très spectaculaire. Catholique comme tous les Indonésiens originaires de Flores, Alexander Bajawa est très croyant et va tous les dimanches à l’église à Renon. D’ailleurs, quand on lui demande ce qu’il connait de la France, le premier nom qui lui vient à l’esprit est Lourdes. « Le 3 mars prochain, allumez la télé, vous verrez, Alex apporte son crucifix jusque sur le ring et ne le lâche qu’au dernier moment, pour débuter le combat ! », raconte le compère Laurent Roeykens, admiratif.

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