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LE MINISTRE LUKMAN VA AMELIORER L’IMAGE DU PROPHETE MAHOMET

En ces temps de violence islamiste sans fin sur quasiment l’ensemble de la planète, nombreux sont ceux qui appellent de par le monde à une réforme de l’islam. Une réforme nécessaire et attendue pour une religion qui semble bloquée dans un autre temps, comme un Moyen-Age oublié qui entrerait en collision avec le présent, ses valeurs et ses défis pour l’avenir. Devant l’incapacité du Moyen-Orient, toujours pris dans son cercle infernal de violences, à produire une réflexion valide sur cette indispensable modernisation, une réflexion qui serait suivie par des actes, on ne peut que saluer l’initiative du ministre indonésien de la Religion Lukman Hakim Saifuddin de vouloir introduire dans les écoles de l’Archipel une révision de l’enseignement de cette religion.

Cette initiative s’inscrit dans la continuité du concept d’Islam Nusantara (cf. La Gazette de Bali n°124 – septembre 2015) promu par les deux plus importantes organisations musulmanes du pays, à savoir Nahdlatul Ulama et Muhammadiya, qui prône une compréhension bienveillante des préceptes du coran, en évitant soigneusement de répondre aux sirènes belliqueuses de certains de ses versets. Cette initiative est née avant les derniers attentats revendiqués par l’EI dans la capitale. N’est-il pas temps que le monde musulman se livre à ce devoir d’introspection ? A l’échelle de la seule Indonésie, pourtant en principe réputée pour sa tolérance, les résultats d’une enquête LAKIP (Laporan Akuntabilitas Kinerja) effectuée il y a quatre ans dans 100 écoles primaires et collèges (59 privées, 41 publiques) montrait déjà qu’un écolier sur deux estime que « les questions de moralité et de religion doivent être résolues par la violence ». Le mouvement de la jeunesse Ansor a d’ailleurs pointé du doigt récemment un livre scolaire d’enseignement de l’islam pour les maternelles à Depok contenant une terminologie pour le moins belliqueuse avec des phrases comme « mourir comme un djihadiste », « massacrer les aïeux musulmans », et des mots comme « bombe » ou « sabotage ».

Des livres scolaires révisés dès cette année

Cette sage réflexion du ministre provient du constat fait par les autorités religieuses locales que les livres de classe d’islam à l’école parlent surtout des guerres menées au nom du prophète plutôt que de ses enseignements sur la tolérance et l’amour. En tant que profanes, nous n’entrerons pas dans les débats sur le contenu véritable de ce livre saint, que bien des érudits affirment posséder autant d’appels au meurtre qu’à l’amour, et dont les préceptes affirment souvent une chose et son contraire au gré des pages, comme l’a écrit le philosophe Michel Onfray dans son « Traité d’athéologie » publié en 2005. Alors, reconnaissons à Lukman Hakim Saifuddin un certain courage et saluons les nombreux progrès réalisés officiellement en matière de tolérance interreligieuse dans le pays depuis les débuts de sa fonction ministérielle.

Les efforts de ce ministre de la présidence Jokowi sont en effet en contraste saisissant avec le souvenir qu’a laissé son prédécesseur à ce poste, Suryadharma Ali, qui avait notamment adopté une attitude féroce à l’encontre des musulmans chiites du pays et des autres minorités et qui vient par ailleurs d’être condamné à six ans de prison dans deux affaires de corruption liées à sa tenure. Autre temps, autres mœurs, la presse indonésienne, à l’exception de la presse islamiste qui est restée plutôt muette, a accueilli la directive ministérielle avec enthousiasme, comme en témoigne ce titre de Tempo aux accents d’une candeur indéniable : « Le ministre Lukman va améliorer l’image du prophète Mahomet ». Et en effet, il s’en est expliqué simplement de la façon suivante : « Il est dommage que les autres aspects du prophète Mahomet soient aussi peu exposés, comme ses paroles qui enseignent l’amour et la tolérance. »

L’offensive de communication est déjà lancée et devrait déboucher dans des livres scolaires révisés dès cette année. « L’idéologie du gouvernement est une idéologie de l’harmonie. Automatiquement, nous nous tenons à distance du radicalisme, du terrorisme. Cette révision est nécessaire, par exemple, la signification du jihad est souvent mal interprétée, et souvent assimilée à la guerre. Et pourtant, le sens est plus large que cela », a pour sa part expliqué sur BBC Indonesia, Abdurrahman Masud, un spécialiste universitaire de l’islam et actif promoteur de la « Revolusi Mental » du gouvernement Jokowi. Et quand on lui demande pourquoi l’enseignement de l’islam à l’école indonésienne est surtout axé sur les exploits militaires du prophète, Abdurrahman Masud répond que ce symptôme est révélateur de l’enseignement de l’Histoire en général ici. « C’est cela que nous devons changer, en mettant l’accent sur l’histoire sociale, comme les personnages de prophètes nobles de la bible ou les récits historiques écrits par des non-musulmans », explique-t-il encore de façon inattendue.

57PDF 129Son poids en matière religieuse est pour l’instant absolument nul

Toujours sur BBC Indonesia, un prof de religion d’un collège de Malang a également été invité à réagir à ce nouvel enseignement de l’islam que lui concocte le ministère. « Nous ne pouvons pas éluder le fait qu’il y ait des guerres dans l’histoire de l’islam, mais nous devons être capables de remettre un peu d’ordre là-dedans de façon à ce que cela n’ait pas trop une apparence brutale », a affirmé Muniron avec enthousiasme à l’idée de pouvoir présenter le prophète Mahomet sous ses côtés humanistes. Et de poursuivre : « Quand ce sont des histoires de guerres, nous ne pouvons qu’être passifs dans la façon de nous y intéresser, mais quand il s’agit de comportements magnanimes qui respectent les autres personnes et communautés, c’est plutôt bien de rajouter cela dans notre enseignement historique. »

L’Indonésie est un pays très excentré par rapport au Moyen-Orient. C’est aussi un pays encore bien timide sur la scène internationale. Difficile de l’imaginer comme un acteur pertinent sur les dossiers qui enflamment cette région du monde, même si des velléités sont exprimées de loin en loin, notamment sur la question palestinienne. Quant à son poids en matière religieuse, il est pour l’instant absolument nul. L’islam n’ayant pas d’autorité centralisée, l’orthodoxie sunnite est détenue par le royaume saoudien, l’orthodoxie chiite par Téhéran. A l’heure actuelle, que viendrait faire l’Indonésie dans ce jeu de quilles ? On le sait, les Indonésiens ont plutôt un complexe d’infériorité par rapport au monde arabe. Les Indonésiens d’origine arabe bénéficient ici d’un certain prestige de fait. Facile de comprendre pourquoi même si cela ne fait pas de chaque « keturunan » de la péninsule arabique vivant ici un dépositaire du savoir musulman. L’islam Nusantara est donc surtout un premier pas franchi à domicile pour un islam différent.

Mais il serait souhaitable qu’avec le temps, l’Indonésie, forte de ses 250 millions d’habitants (dont 85% de musulmans, soit le pays avec la plus importante population musulmane au monde) et de ses succès économiques récents, soit en mesure d’imprimer un mouvement de régénérescence de l’islam sur ses coreligionnaires d’ailleurs. Elle s’enhardit en tout cas comme en témoignent ces initiatives récentes, en saisissant contraste avec l’immobilisme des années SBY sur les questions religieuses. Cette singulière montée en puissance ne va certainement pas plaire à tout le monde, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Archipel, et la route sera longue avant que le monde ne lui reconnaisse une quelconque autorité en la matière. Mais il est indéniable que l’islam en particulier et le monde en général a tout intérêt à écouter l’Indonésie sur ce dossier. L’islam compatible avec le monde d’aujourd’hui, c’est dans cette Indonésie démocratique et traditionnellement tolérante qu’on a le plus de chance de le rencontrer. Certains gouvernements occidentaux l’ont déjà remarqué. Et vu l’état de déliquescence de la sphère arabo-musulmane en ce début de siècle, c’est bien l’Indonésie qui a les meilleures cartes en main en ce moment pour instaurer un dialogue positif.

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