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Le mille-pattes, une merveille de la nature

Etant quelqu’un censé être au courant des choses de la nature à Bali, je reçois souvent des appels de gens qui ont trouvé de drôles de bestioles chez eux. Cela comprend des demandes d’identification de petits animaux de couleurs marron-rouge qui traversent lentement le sol de leur salle de bain et se recroquevillent en cercle fermé lorsqu’on les dérange. Ce sont les diplopodes, plus connus sous le nom de mille-pattes. Ils ne piquent pas et peuvent être considérés comme inoffensifs à moins qu’on ne les ingère, mais leur goût est si déplaisant que quiconque mettant accidentellement un mille-pattes dans sa bouche le recracherait immédiatement ! Comme de nombreux autres animaux, le mille-pattes a besoin d’un environnement humide pour vivre, donc s’assurer que sa maison est bien sèche est une façon de les tenir à distance.

En regardant de plus près, les diplopodes sont de vraies merveilles de la nature. Ils appartiennent à un groupe d’arthropodes de la famille des myriapodes – créatures avec myriade de jambes – qui furent les premiers animaux à coloniser la terre il y a 440 millions d’années. Leur apparence n’a guère changé depuis, prouvant que leur conception les a préparés parfaitement à la vie ici. Des mille-pattes géants, jusqu’à un mètre, ont prospéré lorsque l’air était plus riche en oxygène. Sans doute heureusement, ceux d’aujourd’hui ne croissent pas autant ! Ce sont des arthropodes comme tous les insectes et se distinguent de leurs cousins, les féroces et venimeux chilopodes, en ayant deux paires de jambes jointes par segment de leur corps, contrairement aux autres qui n’en ont qu’une par segment. De plus, les chilopodes, qu’on appelle aussi centipèdes, sont des chasseurs rapides, alors que les diplopodes se déplacent plutôt lentement dans les broussailles. Ils ont aussi des yeux minuscules et une paire d’antennes comme des clubs sur la tête.

Bien qu’on les appelle mille-pattes, ils n’en ont actuellement qu’entre 40 et 400, ce qui fait quand même beaucoup pour un si petit animal ! La plupart d’entre eux ont un corps long et cylindrique, d’autres sont plus aplatis. D’autres encore se roulent en boule lorsqu’ils se sentent menacés, un peu à la manière du hérisson, ce sont des glomeridas. Lorsqu’on les attrape ou les perturbe, leur long corps se recroqueville en spirale, avec la tête au milieu et les jambes fragiles et le ventre protégés par la carapace du dessus. Les gens trouvent souvent ces formes en spirale sur le sol, lorsque le mille-pattes s’enroule afin d’éviter le dessèchement. Et lorsqu’il meurt, il ne reste que l’enveloppe en forme de spirale. Ainsi ils ressemblent superficiellement à des fossiles d’ammonites ou d’escargots, mais cela n’a évidemment rien à voir. Cette spirale est très courante dans la nature et peut être vue dans les cornes des animaux, les coquillages, les tournesols et dans les frondes de fougères.

Si vous en prenez un dans votre main, la première chose que vous remarquez lorsqu’il reprend sa forme initiale, c’est le chatouillement de ses pattes sur votre peau alors qu’il se remet en marche. Vues de côté, les paires de jambes bougent indépendamment les unes des autres, créant un effet de « vagues » le long de ces interminables rangées de jambes, de l’arrière vers la tête. Imaginez la coordination nécessaire pour marcher ainsi sans se faire des croche-pieds ! Ils peuvent aller en marche arrière sur des distances courtes, la vague allant désormais de la tête vers l’arrière alors que les paires de jambes successives sont levées et repositionnées. Je n’ai jamais écouté le son que fait cette armada de jambes, mais, si amplifiée correctement, ça doit sûrement faire le bruit d’une armée en marche !

Ils mangent des feuilles mortes et autres matières végétales en décomposition et sont donc classés par conséquent comme des détritivores. Lorsque je me rendais dans le jardin botanique de Bogor la nuit, je trouvais quantité de gros spécimens se nourrissant des restes de pique-nique des visiteurs de la journée. Je ne peux que conclure que ces mille-pattes se cachaient dans le sol ou sous les feuilles humides pendant la journée même si on les trouve plus facilement dans les trous et autres cavités des arbres. Ils apparaissent quelquefois en plein jour après une forte pluie. Ils mangent aussi, mais plus rarement, de jeunes pousses alors ils sont souvent considérés comme des nuisibles.

Pour se défendre, ils secrètent un liquide marron et puant (un peu comme l’iode) des pores de leur corps qui produit une tâche immédiate et parfois une irritation qui peut disparaître facilement en lavant la peau à l’eau. La substance en question est apparentée à la quinine, qui est utilisée en médecine et comme teinture. La tache brune est très difficile à nettoyer. J’ai ruiné plein de pantalons et de chemises avec ces marques, qui semblent presque impossibles à faire sortir du tissu ! Sur la peau, la tache restera quelques jours. Ce liquide, accompagné de sa puanteur, est suffisant pour décourager la plupart des prédateurs et les diplopodes ont par conséquent peu d’ennemis.

Les grands mille-pattes comme le géant d’Afrique (Archispirostreptus gigas) qui mesurent jusqu’à 40 cm sont souvent collectionnés comme des bestioles exotiques, j’en ai moi-même eu de nombreux spécimens pendant des années. Ils vivent longtemps en captivité. Et leurs mouvements curieux sont une source d’étonnement, particulièrement pendant la période de reproduction. Male et femelle reculent en se faisant face, permettant au male de déposer un jet de sperme dans une petite poche du corps de la femelle. Quelque temps après, la femelle va pondre des centaines d’œufs et c’est vraiment une épreuve pour elle que de tenter d’élever tous ces jeunes après l’éclosion. Les minuscules bébés ont peu de pattes au départ mais en rajoutent à chaque mue.

Alors si vous trouvez une de ces petites créatures en train de flâner dans votre maison, plutôt que d’immédiatement vous jeter sur le Baygon, prenez le temps de penser à leur longue histoire et à leurs remarquables attributs. Après quoi, vous pourrez gentiment le pousser dans un ramassoire et le relâcher dans le jardin où il continuera à vivre heureux !

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« Ron Lilley’s Bali snake Patrol »
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