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Le groupe Lotus: une empire romain à Bali

« Je n’ai jamais perdu de vue la raison pour laquelle j’ai choisi de m’installer à Bali : la famille », c’est par ces mots que Rudy (c’est ainsi qu’il aime se faire appeler) entame notre entretien. Pour cet homme, né à Rome d’une vieille famille patricienne et d’une mère française, l’éducation et le temps qu’on consacre à ses enfants est de toute première importance. « J’ai essayé de nous accorder au moins 3 mois de vacances par an et je crois que j’ai réussi l’éducation de mes enfant. Ils sont équilibrés, diplômés et heureux ».

Avec son doctorat d’économie et son MBA fraîchement obtenu aux Etats-Unis, il ne trouvait, au début des années 70, de travail ni à Rome, ni même à Milan. Ce surdiplômé sans expérience décroche son premier job à Paris à « La Compagnie des Wagons-Lits et du Tourisme », à l’époque la plus grande compagnie de tourisme au monde puisqu’elle employait 36 000 personnes. Quatre mois après son arrivée et alors qu’il n’a que 27 ans, il devient directeur, le seul Italien parmi des Français, des Belges et des Suisses et surtout le plus jeune, l’âge moyen de ses collègues avoisine les 60 ans. Après 5 années passées à un rythme infernal à prendre des avions toutes les semaines, son excitation retombe, il réalise que son désir de fonder une famille est incompatible avec le métier qu’il mène en Occident. Ses voyages l’avaient déjà mené dans les plus belles îles du monde (Bora-Bora, la Nouvelle Calédonie, les Seychelles, les Maldives…) mais aucune n’avait retenu son attention comme Bali qu’il découvre à ce moment de remise en question, en 1975. Pour vérifier qu’il n’est pas victime d’un sortilège, il y retourne 4 mois plus tard et prend alors la décision de s’y installer. Entre temps, il rencontre à Paris celle qui deviendra sa femme, une princesse javanaise qui n’a aucune envie de vivre à Bali, « c’est comme si on demandait à une parisienne de s’installer en Corse, ajoute-t-il amusé »… il devra faire preuve de beaucoup de persuasion !

Du point de vue professionnel, il découvre le gigantesque projet de développement de Nusa Dua financé par la Banque Mondiale. Il se rend à Washington, trouve le responsable, lui fait bonne impression, se fait embaucher. Seul hic : la projet n’est encore qu’à l’étude, le poste sera donc basé à Jakarta. Il décline donc l’offre parce qu’il veut vivre à Bali. En attendant, il fait une proposition au propriétaire de l’hôtel Tanjung Sari à Sanur et fait de cet hôtel, en deux ans, le premier « boutique hotel » d’Asie, un petit hôtel de luxe rempli d’antiquités. Il apprend sur le tas le management hôtelier et réussit à faire passer le prix de la chambre de 18 à 85 dollars, bien convaincu que le profit compte plus que le remplissage. Au bout de deux ans et demi, le projet de développement de Nusa Dua arrive enfin à Bali. « Personne ne voulait investir sur ce projet par manque d’information, se rappelle-t-il. J’ai restructuré la société gouvernementale de A à Z, y compris en créant, pour la partie marketing, un manuel qui répondait à toutes les questions légitimes que se posaient les investisseurs ». La machine se met enfin en branle, la confiance est établie. Rudy étonne les sous-traitants en refusant les commissions qu’ils lui proposent, mirifiques puisque les sommes flirtent avec les millions de dollars. A la fin de son contrat, le gouvernement a cherché à le remercier, le développement de Nusa Dua est un modèle du genre en Asie, Rudy a simplement demandé la nationalité indonésienne !
Après la gestion d’un hôtel appartenant à l’école hôtelière de Nusa Dua, il investit dans la construction de l’hôtel Amandari d’Ubud (groupe Aman Resort) mais l’orientation prise ne lui convient pas, il revend ses parts rapidement et c’est avec une partie de cet argent qu’il achète le Café Lotus à Ubud qui connaît immédiatement le succès qu’on sait. La suite de l’aventure du groupe Lotus n’est qu’une succession d’opportunités qu’il a su saisir et surtout une logique de synergie : capter les clients grâce à ses cinq agences de voyages réparties en Asie du Sud-Est, les faire dormir dans ses hôtels, les transporter avec ses autocars, les emmener dans ses restaurants et fournir ses restaurants avec ses centrales de distribution. « J’ai beau être d’un naturel super optimiste, reconnaît-il, il faut avouer que les deux séries de bombes, le SRAS, le tsunami et la grippe aviaire nous ont tous mis à mal ces cinq dernières années. Pour éviter de licencier comme beaucoup, j’ai revendu certains avoirs afin de payer mes 550 employés en Indonésie ». A présent, il s’associe avec un autre opérateur du tourisme pour pouvoir être présent dans 8 pays d’Asie et négocier plus en force avec les compagnies aériennes ou les hôtels. Enfin, il s’attaque au marché de Jakarta après s’être assuré la première place à Bali et Surabaya dans le domaine de la distribution alimentaire auprès des hôtels et des restaurants.

Même si la période requiert une attention accrue pour ses affaires, Rudy continue de s’impliquer aussi dans la vie de son village : « Je fais toujours partie du banjar en tant que membre à part entière, j’ai même été ingénieur conseil pour le village, ça a remis les comptes à flot et permis de bien gérer la banque et toutes les activités commerciales du village. J’ai toujours ouvert ma piscine le dimanche aux enfants du village. Les habitants nous l’ont bien rendu il y a quelques années quand notre maison a pris feu à cause des poubelles du voisin, ils étaient tous là pour éteindre le feu et nous n’avons rien perdu. Je n’ai aucunement l’illusion de m’être intégré, juste le plaisir d’être accepté et respecté ».

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