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Le gouvernement mis en cause par les leaders religieux

La critique gouvernementale n’est pas rare en Indonésie, c’est une des vertus de la démocratie et c’est un élément tant bien que mal respecté dans l’archipel. Souvent le fait de citoyens avisés ou d’activistes engagés, cette critique est néanmoins très souvent ignorée par ces dirigeants enfermés dans leur tour d’ivoire, leurs certitudes et leur arrogance, considérant trop souvent le pouvoir et les nombreux avantages qu’il leur procure comme une fin en soi.

Mais quand cette critique vient des plus hautes instances religieuses nationales, très respectées, toutes représentées dans un très bel élan d’unité, l’effet passe bien plus difficilement inaperçu. Neuf mensonges « anciens » ont ainsi été dénoncés : les statistiques de la pauvreté ; la sécurité alimentaire et énergétique ; l’accès aux besoins vitaux ; la lutte contre le terrorisme ; la protection des Droits de l’Homme ; le budget de l’Education nationale ; le traitement des victimes du volcan de boue Lapindo ; le traitement du cas Newmont, entreprise accusée d’avoir déversé des déchets miniers non traités en mer ; et la renégociation du contrat liant Freeport à l’Etat, une promesse non tenue depuis 2006.

A ces mensonges déjà inscrits dans le temps viennent s’ajouter neuf mensonges plus récents : la liberté religieuse et l’unité nationale ; la liberté de la presse ; la protection des travailleurs migrants ; la transparence gouvernementale ; la lutte contre la corruption ; le traitement de l’affaire des comptes en banque de policiers ; le monde politique propre ; la lutte contre la mafia judiciaire ; et la souveraineté de la République indonésienne.

Inutile de revenir en détail sur chacun de ces mensonges. Plusieurs d’entre eux ont déjà été exposés dans ces colonnes et le seront à nouveau à coup sûr dans le futur. Toutefois, cette litanie met le doigt sur le caractère récurrent des inconsistances notoires de l’administration Yudhoyono. Ce rappel a également le mérite de nous éviter l’oubli. Les « affaires » s’enchainent en effet à un tel rythme qu’un scandale a habituellement tendance à en chasser un autre dans les medias et sur la scène publique et par conséquent dans la tête des Indonésiens de la même manière.

Il fait peu de doutes que cette sortie eut été elle aussi rapidement étouffée si elle avait été initiée par des membres de la société civile. Ce qui la rend digne d’intérêt ne sont pas tant les mensonges relevés (la pratique est malheureusement très répandue dans de nombreuses institutions du pays, et ce sont tous des faits avérés et facilement comparables avec les promesses faites par le président ces six dernières années) mais bien l’implication manifeste des leaders religieux du pays dans la vie politique. Leur intervention est rare. Elle n’en a que plus d’intérêt.

Dès lors, la réaction du gouvernement était très attendue. Elle n’a pas tardé. Dans un premier temps, ministres et porte-paroles du président sont montés au créneau pour s’insurger puis pour affirmer qu’il était grave et très sérieux d’accuser un gouvernement de mentir. Le président lui-même a osé la déclaration suivante : « Le gouvernement ne ment jamais. » Très bien. Voilà pour la forme. Sur le fond, chacun attendait légitimement une réaction officielle venant contredire les dix-huit accusations par des faits. Celle-ci n’aura pas lieu. Pas même quand le président a invité les leaders religieux à venir s’expliquer avec lui au palais quelques jours plus tard. Tous sont ressortis déçus, pour ne pas dire plus, devant l’insistance du président à mettre en avant son bilan sans aucune remise en cause ni reconnaissance des défaillances, rateés et autres incompétences de son administration.

Si cela est décevant, ce n’est en rien étonnant. La plus grande constance de la gouvernance SBY a toujours été l’indécision. Le président n’est pas tant un réformateur qu’un homme populaire. Il ne semble pas y avoir plus important à ses yeux que d’être apprécié. Certes chacun sait la passion présidentielle pour l’écriture de chansons, mais si la popularité est une quête compréhensible et légitime pour un groupe de musique, elle ne devrait pas être la ligne directrice d’un chef d’Etat. Celui-ci devrait bien évidemment faire passer les intérêts supérieurs du pays, et donc de ses constituants, avant toute autre considération.

Les Indonésiens ne sont pas exempts de tout reproche. La très grande majorité d’entre eux, certes bien plus préoccupés par leurs situations personnelles que par la bonne marche de l’Etat, semblent néanmoins s’être résignés aux mensonges et à l’inefficacité gouvernementaux. Or, étant donnée l’importance accordée par le président Yudhoyono à son image, on peut légitimement penser que s’ils montraient un peu plus de colère et d’impatience à son égard, les réactions de celui-ci seraient tout autres. Quand le sommet de l’Etat enchaine les défaillances et autres désillusions dans la plus grande impunité et sans la moindre once de remise en question, c’est bien souvent au peuple que revient le devoir de le lui rappeler. En est-il capable ?

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