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Le fourmilion, un mini-monstre dans son trou

Dans tous les recoins abrités de ma maison où il y a de la terre ou du sable fins, je peux voir ces petites dépressions comme des cônes inversés ou des entonnoirs de 4 à
10 cm de large. Ces caractéristiques sont très communes dans le sable de Bali, sous les maisons ou les bale. Les gens me demandent souvent ce que sont ces trous mystérieux, alors je vais essayer de répondre. Etant enfant, on m’avait montré un truc pour découvrir la cause de ces petites fosses.
Me mettant à genoux et penchant mon visage très près de l’une d’elle, j’ai pris un petit brin d’herbe que j’ai fait tourner doucement sur la circonférence comme on m’avait dit. Des petits grains de sable tombaient alors le long des pentes vers le bas de l’entonnoir. La plupart du temps, rien ne se passait, mais des fois, du sable était soudainement expulsé dans les airs du bas du trou en direction de l’endroit où j’avais provoqué cette perturbation. Qu’est-ce qui en était donc à l’origine ?

J’ai alors pris une petite serviette et j’ai excavé le sable du trou très rapidement et l’ai déposé dans une boite en plastique. Au premier coup d’œil, le sable semblait vide, seulement des grains et des graviers. Puis, après quelques minutes, un de ces plus gros « graviers » a commencé à bouger ! J’ai donc saisi le petit objet, qui s’est immédiatement enroulé sur lui-même comme une boule pour ne plus bouger. Le déposant ensuite dans un récipient plus clair, j’ai attendu à nouveau. Lentement, la petite boule s’est déployée pour révéler un petit animal, de moins d’1 cm de long. Il possédait un corps rond et segmenté, six pattes, de gros yeux et une paire de longues mâchoires en forme de pinces à l’avant. Maintenant, je pouvais l’identifier à un de ces insectes qui sont si communs autour des maisons et des jardins. Il s’agissait d’un fourmilion (famille des Myrmeleontidae).

De nos jours, il est facile de photographier des objets minuscules et puis d’agrandir l’image sur l’ordinateur. Cela révèle de nombreux détails invisibles à l’œil nu. Dans le cas de notre fourmilion, on peut voir qu’il a une petite tête armée de longues mâchoires et un corps rond et segmenté qui s’affine vers l’arrière, avec quatre de ses six pattes tournées en dehors. Son corps est recouvert de poils fins et il y a des touffes de poils plus épais qui surgissent du dessous de son corps comme des petits cactus. Les poils attrapent la poussière et du sable et l’aide à se camoufler, de façon à ce qu’il ressemble à un petit caillou. Donc, c’est bien le fourmilion qui est responsable de ces fosses, mais comment les forme-t-il ? Un fourmilion sur le sol se déplace en arrière rapidement, laissant derrière lui des formes de spirales aléatoires dans le sable lorsqu’il traîne son abdomen (c’est pourquoi on les appelle quelquefois « doodlebugs » en anglais, parce que ces traces ressemblent à ces « griffonnages » qu’on fait sans réfléchir).

Après avoir trouvé un endroit propice, toujours en rampant en arrière, le fourmilion creuse et disparait rapidement sous le sable. Puis, en tournant constamment, il commence à envoyer du sable vers l’extérieur de l’endroit où il est enfoui jusqu’à temps qu’une dépression conique soit créée. Une fois que le cône est d’environ
4 cm de profondeur, il s’assoit au fond, recouvert de sable à l’exception de ses longues mâchoires qui se dressent verticalement. Quand une fourmi, une araignée, ou une autre petite créature marche sur le bord du cratère, les grains de sable s’effondrent et roulent vers le fond. Ressentant les vibrations avec ses nombreux poils très sensibles, le fourmilion commence à projeter du sable en direction de l’endroit de la perturbation. Ce tir nourri de grains de sable fait vaciller la fourmi qui commence alors à glisser du bord du trou. Le fourmilion continue jusqu’à ce que l’animal dégringole finalement au fond et soit à la portée de ses puissantes mâchoires venimeuses. Une fois saisie, la fourmi ne peut s’échapper et son corps est empoisonné et broyé. Puis, la fourmi encore vivante est finalement attirée dans les sables et dévorée. Avant de vous inquiéter pour rien, je rappelle que le venin des fourmilions est inoffensif pour les humains ! Le comportement des fourmilions a été utilisé par les chercheurs pour démontrer des théories physiques et mathématiques. Ainsi, le scientifique français Jean-Bernard Roux a écrit un article intitulé « La physique du tas de sable » dans lequel il utilise les fourmilions et leurs pièges coniques comme modèle pour expliquer comment le sable se comporte dans les éboulements.

Lorsque la larve du fourmilion a atteint sa taille maximum, elle devient une nymphe dans un cocon enterré. Là, elle subit une transformation extraordinaire. Ce qui en ressort est un animal bien plus grand que la petite larve. Ca ressemble superficiellement à une damoiselle (la cousine maigre de la libellule). Avec ses quatre longues et transparentes ailes et son corps léger, le fourmilion adulte vole maladroitement et lentement et se fait secouer par la plus légère des brises. Volant surtout la nuit, il recherche une compagne qui elle, cherchera l’espace sablonneux le plus proche afin d’y déposer ses œufs. Les adultes ont une envergure d’ailes dans les 15 cm maximum. J’essaye d’imaginer à quel point cela est terrible pour une proie de tomber dans le cratère du fourmilion, glissant et dérivant sans espoir vers les mâchoires de la mort qui attendent en bas. Je m’effraie moi-même à l’idée d’imaginer un fourmilion si gros qu’il pourrait nous piéger nous, les humains !
Heureusement, notamment en raison de leur système respiratoire, les fourmilions et autres invertébrés ne peuvent pas devenir bien grands. Contrairement aux humains, ils n’ont pas de poumons, mais une série d’orifices d’aération qui mènent l’oxygène vers les tissus. Cette façon de respirer induit que le corps de ces insectes ne peut se développer au-delà de la taille d’un doigt humain. Donc tous ces films avec des insectes, des scorpions, des araignées monstrueuses n’ont aucun sens, la mécanique de leur système respiratoire n’autorise pas leurs corps à atteindre une taille conséquente ! Cependant, insectes et autres invertébrés qui vivaient il y a des centaines de millions d’années se développaient considérablement plus qu’aujourd’hui parce l’atmosphère terrienne était plus riche en oxygène. Par exemple, il y avait des libellules
d’1 m d’envergure et des cafards de 30 cm !

Prendre le temps d’observer les petites choses autour de moi m’a donné un intérêt et une fascination à vie, tout en m’aidant à apprendre comment le monde marche, même à une échelle plus grande. Le fourmilion a donc été un de mes professeurs et je tenais à le remercier !

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