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Le consul Raphaël Devianne en poste jusqu’à fin 2012

La Gazette de Bali : Est-il vrai que l’Indonésie souhaite que tous les
consuls honoraires soient désormais indonésiens ?

Philippe Zeller : Oui. Le 30 novembre 2009, toutes les ambassades présentes à Jakarta ont reçu ce qu’on appelle en langage diplomatique une « note verbale » – en pratique, cela veut dire une notification officielle – qui traitait de la situation des consuls honoraires en Indonésie. Tout en rappelant le rôle important que peuvent jouer les consuls honoraires dans les relations entre deux pays, elle fixait trois principes : un consul honoraire
en Indonésie doit être un « citoyen indonésien d’excellente notoriété » ; il ne peut représenter qu’un Etat étranger à la fois ; les ambassades étrangères en Indonésie ont jusqu’au 30 juin 2010 pour se conformer à ces dispositions.

Pour bien cerner les difficultés auxquelles se sont alors trouvées confrontées des ambassades comme la nôtre au reçu de cette note, il faut rappeler plusieurs choses. D’abord, qu’est-ce exactement qu’un consul honoraire ? Il existe une convention internationale sur les relations consulaires entre les Etats qui a été signée à Vienne en 1963. Son préambule rappelle qu’au-delà des relations diplomatiques à proprement parler, les relations consulaires contribuent à favoriser les relations d’amitié entre les pays. Son article 5 donne une liste exhaustive de toutes les fonctions consulaires: on y retient pour l’essentiel les idées de protection, de représentation, d’information, d’aide, de secours, d’assistance, auprès des ressortissants d’un Etat dit « d’envoi » vivant dans un Etat de « résidence » (en clair les étrangers dans un pays donné).
Plus loin dans la convention, il est précisé que la fonction consulaire peut notamment être exercée par des « fonctionnaires consuls honoraires », expression au demeurant un peu trompeuse car, en pratique, les consuls honoraires ne sont précisément pas des fonctionnaires de carrière comme le sont les consuls généraux ou
consuls : ce sont des personnes, généralement établies de longue date dans un pays, qui acceptent de représenter les intérêts consulaires d’un autre pays dans une ville ou une
région donnée.

Le point qui nous concerne plus précisément est le suivant : l’article 68 de la Convention dit tout simplement que chaque Etat est libre de décider s’il nommera ou recevra des consuls honoraires. On peut donc lire cet article de deux façons: d’un côté la France est libre de nommer Monsieur X ou Madame Y, de nationalité française ou autre (indonésienne, ou même encore d’une autre nationalité) dans une ville en Indonésie, mais d’un autre côté l’Indonésie est libre d’accepter ou non que cette personne exerce cette fonction de consul honoraire. Donc, l’Indonésie est libre de fixer des conditions avant d’accepter que cette personne exerce cette fonction. Et donc, désormais, l’Indonésie a décidé que seuls des ressortissants indonésiens pourraient exercer cette fonction de consul honoraire. Elle est parfaitement libre de fixer cette règle, même si elle sait que cela crée des difficultés pour ses partenaires. Pour sa part, la France, n’impose pas que les consuls honoraires en France soient de nationalité française.

LGdB : Y a-t-il des problèmes diplomatiques entre la France et l’Indonésie
qui expliqueraient l’insistance des autorités à vouloir placer un consul
indonésien ?

P Z : Non, il n’y a pas de problèmes diplomatiques entre la France et l’Indonésie. D’ailleurs, cette instruction ne vise bien évidemment pas uniquement la France, mais tous les pays qui ont déjà ou désirent nommer des consuls honoraires en Indonésie. Dans le cas de la France, nous sommes concernés à Denpasar où réside notre seul consul honoraire jusqu’à présent officiellement reconnu par les autorités indonésiennes (et bénéficiant à ce titre de ce que l’on appelle une lettre d’exequatur, c’est-à-dire de reconnaissance officielle de ses fonctions par les autorités locales).

En pratique, quand nous avons reçu cette fameuse note, nous avons pris contact avec d’autres ambassades dont nous nous doutions qu’elles seraient placées devant la même difficulté, notamment à Bali où les consuls honoraires sont évidemment nombreux du fait du nombre d’étrangers résidant à titre permanent ou temporaire (tourisme) dans cette île. Beaucoup de pays avaient, comme nous, nommé des consuls honoraires de leur propre nationalité : cela facilite évidemment les contacts, les démarches et les interventions quand leurs concitoyens s’adressent à eux, notamment lorsqu’il y a urgence ou situation difficile à vivre (accidents, incidents, vols, etc.).

Comme nous étions plusieurs pays européens à partager les mêmes préoccupations, nous avons organisé des démarches auprès du ministère indonésien des Affaires étrangères, notamment sous les présidences espagnole puis belge de l’Union européenne. A titre plus directement national, j’ai longuement exposé auprès des autorités indonésiennes, au printemps 2010, les raisons pour lesquelles nous souhaitions que notre consul honoraire, Monsieur Raphaël Devianne, puisse continuer à exercer personnellement ses responsabilités. Le Secrétaire général du Quai d’Orsay, en visite de travail en décembre dernier, a fait de même. Il faut en effet savoir que la France est l’un des pays au monde qui accordent le plus d’intérêt à la protection de ses citoyens à l’étranger et leur offrent de nombreux services, notamment administratifs, qui ne peuvent être mis en oeuvre et rendus que par des personnes connaissant bien les différentes formes de droit: civil, notarial, électoral, consulaire.


LGdB : Les consuls honoraires en place ont-ils été invités à devenir indonésiens ?

P Z : C’est effectivement l’une des réponses que nous ont faites les autorités indonésiennes. Je crois que certains consuls honoraires s’orientent vers cette voie-là. Ce n’est pas la solution à laquelle nous avons envisagé de recourir en ce qui concerne la France.

LGdB : Quelle certitude pouvons-nous avoir sur le maintien de Raphaël Devianne à son poste jusqu’aux élections de mai 2012 ?

Nous avons continué à discuter avec nos interlocuteurs indonésiens jusqu’à ces dernières semaines et j’ai écrit directement au ministre des Affaires étrangères. Finalement, nous venons de nous mettre d’accord sur le dispositif suivant : Monsieur Devianne pourra continuer à exercer ses fonctions jusqu’à fin juin 2012. L’Indonésie a en effet accepté de prendre en considération le fait que nous aurons deux importants rendez-vous électoraux au printemps 2012 : élection présidentielle et élections législatives (vous le savez, pour la première fois seront élus des députés représentant les Français établis hors de France). De ce point de vue-là, cette décision est donc satisfaisante, car elle devrait même nous permettre d’ouvrir un bureau de vote à Denpasar, comme de nombreux compatriotes résidant à Bali en ont émis la demande. C’est un vœu que j’ai relayé auprès du Quai d’Orsay, qui doit lui-même consulter un certain nombre de services à Paris, mais j’espère que nous pourrons effectivement tenir ce bureau de vote.

Au-delà de juin 2012, et pour respecter l’exigence de nos partenaires indonésiens, nous ne pourrons donc plus avoir de consuls honoraires de nationalité française, ni à Bali, ni ailleurs dans l’archipel, alors que nous avions, par exemple, l’habitude de présenter comme tels nos directeurs de centres culturels à Bandung, Yogyakarta ou Surabaya. Le paradoxe, c’est que les autorités locales des provinces concernées, à commencer par les gouverneurs ou les maires, avaient précisément pour habitude de se réjouir d’avoir des « consuls » de nationalité française et de pouvoir régulièrement dialoguer avec eux et les associer à de nombreuses activités économiques, sociales, culturelles locales…

LGdB : Compte tenu de l’accroissement constant de notre communauté française à Bali et de sa vitalité qui en fait la troisième communauté étrangère derrière le Japon et l’Australie, la France n’a-t-elle pas l’intention d’installer un consulat général comme c’est le cas pour les deux pays précédemment cités ?

P Z : C’est effectivement une autre solution, que nous a suggérée le ministère indonésien des Affaires étrangères, en nous rappelant que, pour sa part, il entretenait deux consulats généraux en France, l’un à Marseille, l’autre à Nouméa. J’ai examiné cette solution avec les services concernés du Quai d’Orsay. Vous le savez, l’administration française est engagée dans un effort considérable de réduction de ses effectifs et de ses moyens de fonctionnement. Aucune nouvelle création de consulat ou consulat général n’est actuellement envisagée de par le monde, bien au contraire, ce sont des fermetures de postes qui sont prévues. Il nous faut donc réfléchir aux différentes solutions envisageables pour l’après juin 2012. Je suis parfaitement conscient qu’il faut continuer à assurer le meilleur appui possible à nos compatriotes résidant ou de passage à Bali et qu’il appartient à l’ambassade d’être imaginative en ce domaine.

LGdB : Certains consulats honoraires de Bali (l’Allemagne par exemple) disposent d’un scanner à empreintes qui évite ainsi à leurs ressortissants des déplacements dans la capitale, pour quelle raison le consulat français n’en possède-t-il pas ?

P Z : J’ai évoqué tout récemment cette question avec mon collègue le directeur des Français de l’étranger. Il m’a confirmé que les deux dispositifs techniques, allemand et français, n’étaient pas compatibles; c’est effectivement dommage et, vous le voyez, l’Europe est un combat de tous les jours, même loin de nos bases ! On travaille toujours sur l’hypothèse d’un dispositif électronique mobile qui permettrait de recueillir les empreintes. J’ai insisté pour que Bali soit un des premiers endroits où nous pourrons en bénéficier. Je rappelle toutefois que nous avons pu obtenir qu’un Français qui doit faire établir ou renouveler son passeport n’ait à se rendre à Jakarta qu’une seule fois et non deux.

LGdB : A quand la visite tant attendue du président français ? Quid du « regard d’ambition » que la France porte désormais sur l’Indonésie ?

P Z : Je sais bien que cette visite est très attendue et, croyez-moi, j’en ai relayé le vœu et l’espoir autant que faire se pouvait au cours des derniers mois. D’ailleurs, ce sont nos partenaires indonésiens les premiers qui souhaitent que cette visite puisse se réaliser.

Mais il faut bien le dire, les agendas de nos chefs d’Etat ne sont pas tout à fait des agendas ordinaires. Les présidents Yudhoyono et Sarkozy ont pu se rencontrer à Davos fin janvier dernier, en marge du fameux Forum économique mondial. Le président indonésien participera au Sommet du G 20 à Cannes début novembre prochain. D’ici là, nous avons examiné toutes les hypothèses qui auraient permis au président de la République française de venir en Indonésie, au moment même où l’Indonésie préside l’ASEAN. Des consultations sont encore en cours, d’autant que, de part et d’autre, nous souhaitons concrétiser ce principe d’un « partenariat stratégique » entre les deux pays, dont étaient convenus les deux présidents dès décembre 2009 à Paris.

J’espère sincèrement pouvoir vous en dire plus dans le prochain numéro de La Gazette de Bali ! Je profite d’ailleurs de l’occasion pour vous dire que c’est toujours avec beaucoup de plaisir que je prends connaissance de chaque livraison de votre journal, qui nous permet, à Jakarta, de suivre, avec un regard légèrement décalé l’actualité de l’Ile des Dieux, où vivent plusieurs centaines de nos compatriotes et que visitent chaque année sans doute plus de cent mille touristes français.

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