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Laurent Léger: un homme à bijoux pose sa marque à Bali

Bali est une terre de bijoux, il suffit de se promener dans les environs de Celuk pour comprendre qu’il y a là une tradition séculaire sur l’île. Ajoutez à cela la présence des hippies depuis les années 70 et vous avez la recette pour qu’on considère encore aujourd’hui Bali comme un pôle mondial du bijou en argent. Le secteur reste porteur malgré les mutations et les étrangers continuent de passer commande malgré la concurrence de la Chine et certains, comme le Français Laurent Léger, ont même réussi à créer leur marque. Récit d’une aventure entrepreneuriale commencée il y a presque 20 ans…

Venu d’une école de commerce, ce Parisien de 47 ans a commencé sa vie balinaise comme employé dans la confection. Mais la rencontre d’un bijoutier qui va devenir son associé va lui donner le virus du bijou. « Il m’a formé à la production, le suivi des pièces à Seminyak, j’apportais mes compétences en marketing et management au début mais ça m’a plu et j’ai eu envie d’aller plus loin », se remémore-t-il aujourd’hui. Quand il se décide à se lancer seul dans l’aventure, la crise financière asiatique a débarqué, doublant le capital qu’il avait à investir. « Ca été un gros coup de pouce, un coup du destin  », complète-t-il. Au début, il n’est que fabricant et réalise à la commande. Il fait surtout du gros, très peu de détail, quelques créations qu’il expose en particulier au Warisan.

Encouragé par l’accueil qu’on réserve aux bijoux qu’il réalise, Laurent Léger finit par lancer sa marque officiellement et ouvre la boutique Rêva à Seminyak en 2010. « La boutique a pris de l’essor et ma marque représente aujourd’hui la moitié de mes ventes », ajoute-t-il. Il rêve de développer un réseau de boutiques Rêva. Une boutique dans laquelle il vend aussi les bijoux des copains ou des designers qu’il affectionne. Comme Onde Venezia, de la bijouterie en verre de Murano ou Ipanema, une marque française de bracelets. Ne souhaitant plus dépendre de l’export et des commandes de sa clientèle, ce fabricant devenu designer souhaite aujourd’hui avant tout promouvoir les bijoux qui portent sa griffe.

« Pour développer ma marque, je pense bien sûr d’abord à l’Indonésie, mais je pense aussi aux autres pays de la région et principalement à l’Australie », poursuit cet autodidacte du design. 70% de sa clientèle en boutique est australienne. C’est pourquoi il fera un salon à Sydney fin août cette année. « Le business, c’est comme les galaxies, condamné à l’expansion », lance-t-il avec conviction. La création de sa griffe, si elle met en exergue son talent de créateur, est aussi le résultat d’une analyse de chef d’entreprise qui trouve écho dans sa formation d’étudiant en école de commerce. « Si le bijou se porte toujours bien à Bali, la compétition est plus dure et il est vrai que les clients qui cherchent seulement à faire fabriquer viennent de moins en moins ici », explique-t-il. Eh oui, les grosses commandes vont à la Chine et les petites passent par les importateurs sur Internet…

Entre le talent des artisans indonésiens et l’image de Bali, le label « made in Indonesia » fonctionne encore malgré tous les changements et reste compétitif sur son segment. Mais il faut être pointu en concept et exigeant en terme de qualité pour tirer son épingle du jeu ici. « Je propose une bijouterie faite à la main, à l’ancienne. Chez Laurent Léger, pas question de moulage, chaque pièce est unique car faite à la main, même si on est dans une série. Les techniques ont assez peu évolué depuis 100 ans et nous perpétuons une tradition de qualité avec fierté », s’enorgueillit-il. Certes, c’est plus long et il y a plus de perte. « Oui, mais le bon côté, c’est que l’argent martelé est plus dense que l’argent injecté dans lequel il y aura toujours des microbulles. Hand made, c’est marqué dessus chez nous », ajoute ce bijoutier français qui travaille l’argent à 90%, les 10% restants étant réservés l’or. Et sur commande uniquement.

« En Indonésie, il n’y a aucune école pour apprendre la bijouterie. On apprend de ses parents. C’est pourquoi ici à Bali, le bijou est une affaire de caste corporative », détaille ce patron qui emploie des artisans javanais dans son atelier de Seminyak. « Il y a de moins en moins de jeunes qui veulent faire ce métier malheureusement car c’est très long à en maitriser les techniques. Il faut bien dix ans pour être un bon », poursuit-il encore avec admiration pour cette profession noble tout en notant que cela deviendra un gros souci dans le futur. La marque Laurent Léger emploie une trentaine d’employés, dont 22 artisans.

En terme de goût personnel, il affirme qu’étant autodidacte, il a un faible pour la bijouterie contemporaine et se déclare en dehors de la mode. « Je ne la suis pas », lance-t-il sobrement même s’il avoue être influencé par les autres. « Chaque fois que je vais à Paris, je passe une journée Rue de la paix chez les grands et j’ai une bibliothèque bien fournie », explique-t-il encore sur ses goûts et son inspiration, lâchant au passage les noms de Pomellato, Jean Vendome, Henri Dunay et Gilbert Albert. Il affirme être beaucoup plus inspiré par l’école européenne moderne même si son site Internet revendique des influences asiatiques et africaines. « Le bon design, c’est quand il n’y a plus rien à enlever », cite celui qui dit ne pas avoir l’angoisse de la feuille blanche au moment de créer. Une angoisse qu’il réserve plutôt au paiement des factures, en bon commerçant.

Laurent Léger ne dépose pas de patente, trop coûteux et compliqué pour une bijouterie d’argent où tout le monde s’inspire de tout le monde. Par contre la marque est enregistrée. Dans son catalogue, il propose de tout, avec 60% de la production réservée aux bagues, plutôt du « gros bijou » dit-il pour désigner cette mode des grosses bagues qui revient sur le devant de la scène. « Je fais de tout, avec ou sans pierre. J’ai aussi développé de la nacre sculptée avec les graveurs de Tampaksiring », dit-il en disposant des pièces spectaculaires sur son bureau et en énumérant les différents stratégies de développement auxquelles il a déjà pensé : Jakarta et ses malls, d’autres boutiques à Bali, essayer Ubud, un salon à HongKong…

Les bijoux Laurent Léger sont dans une fourchette de prix raisonnables. On achète le design avant tout, mais aussi la qualité de fabrication. En achetant ses bijoux, on fait honneur à sa créativité, à son talent. Pour cela, il faudra débourser de 50 à 450 dollars. On peut se faire plaisir chez lui pour 150$ en moyenne. Trop cher pour la classe moyenne indonésienne, il organise néanmoins des ventes privées dans les quartiers plus huppés de la capitale plusieurs fois par an. En attendant d’adopter la bonne stratégie de développement, Laurent Léger réaffirme son motto devant nous : « Je fais de la bijouterie avec l’idée de la qualité à un prix raisonnable. Je veux pouvoir regarder mes clients dans les yeux quand je leur ai vendu un bijou. » Il a eu d’illustres prédécesseurs sur l’île : Jean-François Fichot, John Hardy… Souhaitons-lui le même succès.

www.laurentleger.com
Boutique Rêva, Jl. Raya Seminyak (à 50 m de Bintang Supermarket sur le même trottoir)

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