J’ai toujours eu une image paisible et plutôt sympathique de la pêche, entre amis, au bord d’une rivière, à surveiller un petit bouchon orange fluo en espérant qu’un gardon vienne mordre à l’hameçon. Lorsque l’on m’a proposé une partie de pêche en mer, j’ai sauté sur l’occasion, avec l’idée de passer une journée agréable dans une bonne ambiance. Mais il a d’abord fallu se lever très tôt pour être à pied d’œuvre, à 4h45, au port de Serangan.
Départ de nuit, les paupières lourdes, en direction de l’Est de Bali. On commence par me montrer le matériel. La ligne utilisé a le diamètre d’un fil électrique, mesure près de 600 m de long et l’hameçon s’apparente à un crochet de boucherie. Autrement dit, nous sommes éloignés, très éloignés de la pêche au gardon. A l’aide d’un GPS, nous arrivons à un premier « spot ». Première technique : le jigging, c’est-à-dire la pêche à la verticale, on utilise de grandes cannes au bout desquelles sont accrochés des leurres d’un demi kilo, l’idée est de laisser descendre la ligne jusqu’à une centaine de mètres puis de la remonter tout en espérant qu’un poisson en mal de petit déjeuner daigne passer par là. Facile à première vue, cet exercice est éreintant. Après l’avoir exécuté deux fois, je n’en peux déjà plus alors que les autres pêcheurs répètent ce mouvement cinq ou six fois de suite sans difficulté apparente.
Après quelques minutes, un des pêcheurs crie « Strike !», l’excitation monte d’un seul coup, branle-bas de combat. Pendant cinq bonnes minutes, une véritable bataille entre l’homme et l’animal nous tient tous en haleine. La ligne finit par casser et l’air dépité de mes compagnons de pêche me fait penser à la tête que ferait un enfant devant son jouet préféré retrouvé cassé. L’explication : la ligne était trop fine. Je commence à me poser de sérieuses questions sur la taille des poissons que l’on compte remonter et je me demande également d’où me vient cette adrénaline qui s’est emparée de moi dès que j’ai senti une touche. Cette partie de pêche semble faire appel à un instinct de prédateur enfoui au fond de moi-même.
C’est finalement au jigging, après plusieurs espoirs anéantis en quelques secondes par ces énormes poissons à la force évidemment surhumaine que nous finissons par remonter, non sans mal, une carangue de trente livres dont nous ne sommes pas peu fiers. Nous rentrons finalement au port les bras endoloris mais heureux d’avoir gagné notre dîner du soir.