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La tête dans les nuages et les pieds sur l’Agung

Cette fois c’est décidé, une petite escapade au Mont Agung me fera du bien et m’entraînera loin de cette chaleur tropicale. Autant mettre les choses au clair : je ne mets pas souvent les pieds en montagne et la dernière ascension était celle du Bromo. Rien à voir avec ce qui m’attendait ici, à commencer par ces 4 litres et demi d’eau qui me donnent l’impression que mon sac est rempli de briques.

La rando commence à 23h au pura Besakih après un repos d’une heure et demie dans un losmen pas très confortable, mais je suis trop excité pour me soucier de ça. Le complexe de temples est complètement vide, seuls les chiens semblent hanter le lieu. Dans la nuit noire et quelque peu inquiétante avec le bruissement de la végétation, je ne vois pas plus loin que le faisceau de ma lampe frontale à un mètre devant moi. Sans autre repère, il faut quand même grimper, une expérience forte où le mental devient primordial. A moins d’une heure de marche, première pause pour déposer quelques offrandes et je découvre que je ne suis pas le seul à avoir des suées.
Je comprends maintenant l’utilité des trois bouteilles d’eau. Le chemin se rétrécit de plus en plus et se raidit en même temps. Quelle idée aussi de faire des sentiers tout droit jusqu’au cratère plutôt que de serpenter dans la montagne ! Je me fais allégrement distancer par Didier, Socrate, Sandra, Anika et Valérie, ces dernières papotent même en marchant et, pourtant loin du cliché de l’alpiniste avec ses bâtons dans chaque main et ses 40 kg dans le dos, je dois reprendre mon souffle tous les 20 m. Derrière, Dominique est bien en compagnie de deux guides. Je me retrouve complètement livré à moi-même, laissant en moi s’insinuer des doutes quant à mes capacités à atteindre le sommet. Surtout quand on se retrouve à un croisement entre deux chemins et la seule indication est en sanskrit !

Petit à petit, le froid se fait sentir, surtout pendant les pauses. Ramper, escalader, marcher à quatre pattes, je ne sais même plus quel mot employer pour les derniers mètres de dénivelé sur un sol extrêmement friable qui m’achèvent dans un vent froid insupportable. La dernière partie est complètement pelée, constituée essentiellement de coulées de lave refroidies et en proie à de fortes rafales de vent balayant les nuages aux formes improbables. Il faut cheminer sur une crête pour arriver au cratère mais les vents forts nous en empêchent, menaçant de nous envoyer dans le précipice vertigineux. En lot de consolation, ces vents nous offrent le spectacle unique de cet immense nuage lenticulaire qui stationne au-dessus de nos têtes. Il faudra rebrousser chemin avant d’avoir atteint le point culminant à quelques mètres de là et le moral en prend un coup. Après tout, grimper un volcan est aussi une question de fierté.

Heureusement le jour se lève et les rayons de soleil percent un voile légèrement brumeux. Le panorama est impressionnant : à droite le mont Batur et son cratère paraissent tout droit sortis d’une maquette, à gauche on aperçoit Nusa Penida et Lembongan pas plus grandes qu’un galet. Toute l’île est à portée de vue et on se sent minuscule face au décor s’étirant à l’infini. Je comprends maintenant pourquoi les Balinais ont choisi cette montagne comme lieu de dévotion, elle impose le respect. C’est un spectacle qui se mérite. Loin de la douceur habituelle à laquelle nous sommes habitués se cache une nature peu accueillante.

La descente est sans doute encore plus difficile que la montée. D’abord parce qu’il fait jour et alors qu’avant je cheminais dans le noir total, maintenant je me rends compte de la distance et de la hauteur vertigineuse à laquelle on est, ce qui la rend interminable. Ensuite parce qu’il faut sans cesse se battre contre son propre poids et avancer à petits pas ou même sur les fesses, enjamber les racines à plus d’un mètre de haut et passer sous les troncs d’arbres. Encore une fois, la troupe m’a distancé et je dois descendre seul. Epuisé par la nuit blanche et la montée, transi de froid, j’ai arrêté de penser et mes jambes fonctionnent toutes seules tel un robot. A 2000 mètres d’altitude, je rencontre un singe qui se jette sur les biscuits que je lui lance. Petit à petit les pins laissent place aux fougères arborescentes et une végétation luxuriante, ainsi que la chaleur et l’humidité qui l’accompagnent. Il est un peu plus de 13h, nous sommes partis depuis presque 14h, retour sur le plancher des vaches après avoir mis les pieds dans le domaine des dieux. En fait, j’ai menti, je n’ai pas fait la descente seul, mais avec une sangsue que j’ai retrouvée plus tard dans ma chaussette…

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