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La samba et le maillot brésilien s’invitent à Bali

Bali a souvent porté les fruits de collaborations réussies entre les cultures. Pourtant, on ne voyait pas le lien entre les danseuses de samba et celles de legong, ni dans le rythme, ni dans les costumes, et encore moins dans l’esprit. C’est donc un véritable tour de force qu’a réalisé Nazaré Labrousse en créant une compagnie de samba, axe et brega avec des danseuses indonésiennes, en opérant un subtil mélange des genres. L’ouverture de ses spectacles met tout de suite dans l’ambiance avec une danseuse balinaise qui effectue des mouvements traditionnels sur de la musique de steel band. Le ton Aquarela est donné.

Nazaré Labrousse n’était que de passage à Bali. Elle va bientôt mettre le cap sur la Malaisie avec son mari. Heureusement pour sa troupe, elle a trouvé une digne héritière en la personne de Maria Lawoliyo, une ballerine chevronnée qui dirige depuis plusieurs mois les répétitions. Entre les deux, le courant passe. « C’est ma plus belle rencontre et ma plus belle réussite », explique Nazaré au sujet de Maria. « Elle sait faire des pointes et ça, c’est rare à Bali », ajoute encore la Brésilienne qui ne tarit pas d’éloges sur sa comparse. Maria a découvert la samba avec Nazaré. « Elle n’a pas arrêté de s’améliorer, elle a la technique et l’envie de créer », précise encore Nazaré au sujet de celle qui est devenue tout naturellement son bras droit et la responsable de la troupe.

Maria est arrivée à Bali en 2002. Elle enseigne le ballet classique et la danse contemporaine aux enfants des écoles AMI et Kerobok’Art et possède un studio de danse à Jimbaran. Née à Jogjakarta, d’un père originaire des Célèbes et d’une mère thaïlandaise, elle a commencé à danser à l’âge de cinq ans car sa mère tenait absolument à ce qu’elle apprenne les danses de Java. Le virus la prend aussitôt et elle suit des cours de danse classique dans la foulée. Elle entre ensuite dans la meilleure école d’arts de Jogjakarta ou elle va perfectionner pendant des années son apprentissage. En parallèle, elle suit aussi les cours de l’Academi Seni, Drama dan Film, pour devenir comédienne de théâtre. A Bali, elle a fondé la compagnie de danse Etoile et fait aussi du cabaret avec l’Oriental Theatre Show et Nani Agency.

Nazaré est originaire de Belém, dans le nord du Brésil. Elle est arrivée à Paris en 1986 pour passer un BTS de tourisme. Ancienne danseuse du cabaret Le Milliardaire sur les Champs-élysées, Nazaré n’a jamais oublié les danses de son pays dans le stress de la vie parisienne. Aujourd’hui, cette fille de couturière assure qu’elle crée et coud elle-même tous les costumes de la troupe qui se compose parfois de milliers de paillettes. « C’est un peu comme une thérapie », glisse-t-elle dans un sourire. A l’inverse de son associée, Nazaré n’a pas appris la danse à l’école, « mais dans la rue », comme cela se fait au Brésil. Elle précise en outre qu’il a fallu adapter les mouvements à la morphologie des Indonésiennes « qui n’arrivent pas à bouger leur bassin comme les Brésiliennes ».

Nazaré n’en est pas à son coup d’essai. En 2000, alors au Sénégal, elle collabore avec le chorégraphe Paco pour donner « une touche brésilienne » à sa troupe. Elle fabrique aussi les costumes et se souvient aujourd’hui en riant qu’il n’a pas été possible de faire des maillots brésiliens dans ce pays musulman. C’est ensuite en Martinique qu’elle va exercer ses talents et rencontrer Doralice, l’initiatrice de la compagnie Aquarela do Brasil, dont les franchises existent à Cayenne, à la Guadeloupe, en Martinique et désormais à Bali. Beaucoup de Brésiliens habitent aux Antilles françaises où il y a déjà de nombreux spectacles et même un mini carnaval annuel avec défilés de chars et concours de samba. C’est en Martinique que Nazaré, avec la styliste Marie Jo, a fait ses plus beaux costumes de scène. Ils sont portés aujourd’hui par les Indonésiennes d’Aquarela.

« A priori, je n’avais pas l’énergie pour recommencer », indique Nazaré. Tout a redémarré à l’occasion de la fête du Beaujolais 2004 lorsque le patron de l’hôtel Bounty lui suggère de monter rapidement un petit spectacle. La Brésilienne, qui est en manque des danses de son pays depuis son arrivée à Bali, relève le défi. Elle fait venir ses tenues de scène, recrute cinq danseuses à gogo qui s’ennuient sur les podiums des discothèques, et monte le show en trois semaines. C’est un succès. Elle obtient tout de suite un contrat au Sofitel pour la soirée du Nouvel an. Elle se décide alors à remonter une compagnie pour « créer un vrai spectacle avec des vraies danseuses » et se met à la tâche avec huit filles.

La troupe se rôde encore une fois au Sofitel en mai, puis les contrats tombent. Soirée Hello Bali, soirées Accor, Carnaval de Kuta, fête du 14 juillet, show hebdomadaire à l’hôtel Bounty, contrats avec les Croisières Bounty. Malheureusement, les attentats islamistes du 1er octobre vont mettre un coup de frein au succès d’Aquarela. Nazaré et Maria sont pourtant optimistes. « Nos numéros se sont beaucoup améliorés, le niveau est pro », explique Maria qui ajoute que « les danseuses travaillent dur ». La discipline imposée par la ballerine classique et le nouveau chorégraphe venu du cabaret Musro garantit la qualité du travail achevé par la compagnie. Enfin, prestige oblige, les cachets obtenus par Aquarela pour ses danseuses sont sans commune mesure avec les maigres rétributions qu’elles percevaient auparavant. Rien de tel pour motiver les troupes et assurer la professionnalisation d’Aquarela !

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