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LA PAPUA UNE NOUVELLE FOIS AUX PRISES AVEC LES VIOLENCES

Début décembre, au moins 17 personnes travaillant sur la construction d’une route ont été tuées par des membres d’une aile armée du Mouvement de la Papua Libre (OPM). Depuis, l’armée est à leur recherche et aurait tué au moins quatre civils. Cette attaque et la réponse de l’armée sont les plus meurtrières depuis plusieurs années et mettent à nouveau l’accent sur les problèmes non résolus de ces provinces indonésiennes éloignées et pauvres.

Presque tous les mois de décembre, la région indonésienne de Papua fait la une. Cette année encore, des centaines de Papous ont été arrêtés au cours de manifestations pour la commémoration du « jour d’indépendance » de la région le 1er décembre, un peu partout dans le pays. Mais plus encore ce sont les meurtres d’une vingtaine de travailleurs par des séparatistes armés qui ont remis la région au cœur de l’actualité.

Employés dans la région de Nduga sur la construction d’une section de la route Trans-Papua chère au président Jokowi, ces travailleurs auraient été kidnappés, emmenés dans la jungle puis exécutés. Certains ont survécu en prétendant être morts. Un poste de l’armée a ensuite aussi été attaqué, et un soldat y a perdu la vie. Une faction armée de l’OPM a revendiqué les attaques et nié que les travailleurs tués étaient des civils, affirmant au contraire qu’ils étaient des membres du corps d’ingénieurs de l’armée indonésienne.

Depuis, l’armée traque les assaillants et aurait tué au moins quatre civils au passage. Plusieurs centaines d’autres ont fui et se sont réfugiés dans la jungle pour échapper aux violences et aux représailles des militaires.
Les journalistes ont été incapables de se rendre sur la zone pour des raisons de sécurité, et les médias internationaux sont interdits de se rendre en Papua. En 2015, le Président Jokowi avait promis de lever cette interdiction mais dans les faits il demeure très difficile de faire des reportages dans la région.

Le problème papou n’est pas nouveau. En 1961 la Papua avait déclaré son indépendance des Hollandais, avant d’être incorporée à l’Indonésie huit ans plus tard à la suite d’un referendum contestable. Les velléités indépendantistes d’une partie de la population ne se sont jamais tues depuis.

Ironiquement, les derniers évènements ont eu lieu alors que le gouvernement indonésien réalise un effort important pour le développement de la région, qui représente la moitié ouest de l’ile de Nouvelle Guinée et est composée des deux provinces indonésiennes de Papua et de Papua-Ouest. En réalité, aucune autre région en dehors de Java ne reçoit plus d’attention, et le président Jokowi s’est rendu en Papua deux à trois fois par an ces dernières années.

Mais bien que son attention ait été appréciée, Jokowi est aussi accusé d’avoir une attitude laxiste sur la question des droits de l’homme et de la violence d’état dans la région. Et alors que le président demeure populaire en Papua, l’aspiration à une auto-détermination pour les Papous demeure très forte.

Depuis qu’il a été accordé un statut d’autonomie spéciale à la Papua en 2001, l’approche de Jokowi s’est basée sur la prospérité et a mis l’accent sur le développement des infrastructures et l’amélioration de la connectivité. Le projet de route Trans-Papua de 4330 kilomètres, par exemple, a pour but de mettre fin à l’isolement de nombreuses communautés papoues. Jokowi a aussi instauré un prix national standard pour les carburants. Cela a pour but de réduire les prix du carburant dans la région, ou le litre peut atteindre entre 50 000 et 100 000 roupies, soit près de dix fois le prix moyen habituel. Sous la présidence Jokowi, les allocations du gouvernement central vers les deux provinces de Papua ont aussi augmenté. En 2016, le gouvernement avait ainsi alloué plus de cinq milliards de dollars pour le fonds de développement des deux provinces.

En revanche, les services publics y sont parmi les pires dans le pays. Les problèmes de santé publique y sont monnaie courante, tout comme la malnutrition infantile. D’ailleurs la Papua a constamment été en retard dans l’index national de développement humain depuis des décennies.

Jokowi a aussi mis l’accent sur le développement de la sécurité, déployant des milliers de soldats supplémentaires dans la région. Sous couvert de renfort de la sécurité nationale, cette présence importante attise toujours les peurs d’atteinte aux droits de l’homme de la part de l’armée. Amnesty International indique ainsi dans un rapport récent que les morts extrajudiciaires impliquant du personnel militaire ont toujours lieu en Papua. Et aucun des cas d’atteinte aux droits de l’homme liés à la Papua n’a été résolu depuis l’arrivée de Jokowi au pouvoir, menant à un manque de confiance grandissant des Papous pour Jakarta.

Face a cela, la campagne pour l’auto-détermination de la Papua prend de l’ampleur. Bien qu’il existe une résistance armée, la plupart des Papous font campagne de manière pacifique à travers des manifestations et sur les réseaux sociaux. Et pas seulement en Papua. Beaucoup de grandes villes indonésiennes en ont été témoins.

Cette évolution montre que le projet de confiance de Jakarta pour la Papua ne fonctionne pas. Le gouvernement semble n’avoir qu’une vue restreinte de la réalité du problème. En effet depuis la fin des années 90 tous les présidents indonésiens, à l’exception peut-être de Gus Dur, ont considéré le problème papou comme celui du développement économique seulement. Les autres questions cruciales de l’identité papoue, des partis politiques locaux, de l’application de la loi, des droits de l’homme et de la protection des indigènes ont toutes été négligées.
Par conséquent, au lieu de permettre l’émergence d’un gouvernement papou fort et autonome, la décentralisation de 2001 a en fait rendu la Papua encore plus dépendante de Jakarta. Et les problèmes liés aux droits de l’homme non résolus rendent les voix de l’auto-détermination encore plus fortes.

Jakarta et la Papua n’ont d’autre choix que de se rassembler et de reconsidérer leurs options pour une relation future plus constructive. Car si les 17 ans d’autonomie spéciale de la Papua ont permis d’apprendre quelque chose, c’est que le développement économique seul n’est pas suffisant pour gagner les cœurs de la population papoue.

 

 

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