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La montagne des vertus

Borobudur, c’est d’abord un paysage. Celui que découvrait il y a plus de mille ans le pèlerin venu chercher, dans la visite du sanctuaire, la tranquillité intérieure à laquelle aspire celui qui croit en l’enseignement de Bouddha. Aujourd’hui, le paysage n’a guère changé. Au loin, deux volcans, dont le Merapi, la montagne de feu qui rougeoie dans la nuit, et tout autour, formant une large cuvette, des montagnes de pierres sombres aux arêtes insolites avec des formes souvent humaines. Dans ces collines de Menoreh, les prêtres ont vu des signes de la présence de Bouddha en état de contemplation. Borobudur est bâti de cette même pierre volcanique. Le temple émerge d’une nappe vert tendre de végétation tropicale. La beauté de la nature s’est ici étrangement mélangée à l’œuvre de l’homme.

Mais, au-delà de son apparence extérieure, Borobudur est tout aussi remarquable. Le monument parle surtout à celui qui consent à s’élever avec lui, à celui qui parcourt chacune de ses terrasses et se trouve successivement saisi par la beauté des bas-reliefs dont les plus expressifs retracent la vie du prince Siddhârta. En gravissant les divers degrés du monument jusqu’à son sommet, le pèlerin d’aujourd’hui, comme celui d’autrefois, s’imprègne peu à peu de calme et de beauté. Il atteint un étrange bien-être intérieur. Ainsi, à travers les siècles, se perpétue ce que recherchaient ceux qui, au IXème siècle, ont construit cette gigantesque « cathédrale ».

Depuis 1982, Borobudur a été pratiquement intégralement restauré. Manque encore la flèche finale du stupa central, de nombreuses têtes de Bouddha disparues au cours des siècles, à cause des tremblements de terre ou de larcins, et quelques fresques sur les trois premières terrasses. Nul ne mesure le formidable travail réalisé par les experts et le labeur des centaines d’ouvriers indonésiens qui ont démonté et remonté le temple dans sa presque totalité.

Le comité de sauvegarde du site est, depuis bientôt trente ans, toujours en place sur la colline de Borobudur. Il guide les travaux de conservation et étudie le phénomène d’infiltration des eaux de pluie entre les blocs de basalte. Des pyro-hygromètres sont disséminés sur les différentes galeries et les données envoyées dans le laboratoire proche du site. Chaque mois, des hommes armés d’aiguilles de fer se positionnent sur une aile du temple pour nettoyer les mousses qui se forment entre les interstices de pierre. Un travail de fourmi qui nécessite de la patience mais qui est incontournable pour que la végétation ne reprenne pas le dessus rapidement sous ce climat. Avec un mince budget, alloué par le gouvernement indonésien qui a relayé l’Unesco, l’agence pour la conservation de Candi Borobudur voit aujourd’hui son travail alourdi par les autres sites de Candi Prambanan et de Candi Sewu, qui comptent parmi les plus grands sites archéologiques d’Asie.

Pour moi, toujours en admiration devant ces « cathédrales » de pierre, Borobudur représente cet âge des bâtisseurs d’un autre temps où la ténacité de l’homme a permis de réaliser ces chefs d’œuvres. Quoi de plus beau au petit matin que de se retrouver seul sur les terrasses, vivre la grandiloquence de ce mandala unique de pierre de lave, contourner les stupas, déambuler dans les corridors, contempler les fresques et, sur la colline proche, la silhouette du visage de Bouddha, couché, qui se découpe clairement sur la frange rocheuse. Plane alors un parfum de Tah Prohm au Cambodge, Pagan en Birmanie, Anuradhapura à Ceylan ou Ajanta en Inde, temples chargés d’histoire et d’écritures mais aussi de méditation et de renoncement, l’aboutissement et la sueur de milliers d’ouvriers qui ont halé les blocs de pierre jusqu’à son sommet. Les rêves de grandeur combinant philosophie religieuse et pouvoir politique fleurissaient entre les Vème et XIIIème siècles en Orient. Borobudur en est empreint, douze siècles d’histoire et de contemplation, un pur joyau en terre javanaise, assurément le plus beau monument d’Indonésie.
Le jour de Waisak, « l’Illuminé », arrive en mai à la pleine lune. Il commémore la naissance de Bouddha, son premier sermon sur la colline de Sarnath et sa montée au nirvana. Peut-être pour vous, le moment choisi pour aller faire une petite escapade à Yogyakarta et découvrir ce pur joyau qu’est le temple de Borobudur.

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