Accueil Portraits

La lumière d’Alison brille pour les enfants

Alison Chester et son mari Riyanto Samadi échangent des coups d’oeil furtifs desquels émane encore un sentiment d’inquiétude. Pas question de citer nommément l’orphelinat en question. « Ils étaient souvent battus, quelques uns ont même subi des chocs électriques », explique cette femme de 56 ans originaire de Liverpool, la gorge serrée. « Il y a des centaines d’orphelinats à Bali et, malheureusement, une quantité non négligeable d’entre eux maintient les enfants dans des conditions révoltantes », ajoute Riyanto Samadi. « Pour gonfler leur effectif, certains emploient des chasseurs de têtes qui patrouillent dans les régions pauvres, ils vont même jusqu’à proposer de l’argent aux parents pour emmener les enfants », poursuit-il. La raison est simple : plus il y a d’enfants, plus ils bénéficient de dons et de subventions. « L’aide aux enfants déshérités peut donc devenir un business lorsqu’on a à faire à des gens malveillants », explique Alison. En août 2005, non sans mal, le couple réussit à sortir une quinzaine de petits Sumbanais de la pension maudite et démarre l’orphelinat Jodie O’Shea à Denpasar.

Pour cette femme active, à la tête d’une importante fabrique de vêtements de Bali, la vie a changé du tout au tout au lendemain de la première série d’attentats islamistes de 2002. Probablement en quête de quelque chose qui puisse rendre son existence plus connectée avec ceux qui souffrent, Alison, comme d’autres volontaires, se rend dans les hôpitaux de Denpasar pour apporter de l’aide. Elle va assister une victime jusqu’à son dernier souffle : l’Australienne Jodie O’Shea. Marquée profondément par la douleur et la dignité de cette jeune femme, Alison décide de consacrer son temps à soulager le dénuement des autres. Et c’est à la mémoire de cette Australienne morte à 29 ans qu’elle a baptisé l’orphelinat qui accueille aujourd’hui une trentaine d’enfants. Si la majorité d’entre eux provient toujours de cette île de Sumba constamment assaillie par la misère, on y trouve aussi des enfants de Bali, d’Ambon et de Sumatra. La répartition par sexe est plus ou moins équivalente et l’âge varie entre 8 et 17 ans.

Tout a commencé lorsque Alison et Riyanto ont choisi de donner de l’argent et une partie de leur temps à un orphelinat. C’est seulement petit à petit, en presque deux ans, qu’ils se sont rendus compte que les pensionnaires étaient maltraités et les fonds détournés. Ils ont ensuite fomenté un plan pour sortir les petits Sumbanais des griffes des gérants criminels. Grâce à l’aide des parents contactés à Sumba et d’un avocat, l’opération de sauvetage a été un succès. L’aventure de l’établissement Jodie O’Shea a alors pu démarrer avec 30 000 dollars américains, « dont la moitié provenait d’un seul donateur, un médecin hollandais qui m’avait contactée », explique Alison. Enfants et familles « camperont » même quelques jours chez eux à Canggu car les travaux à l’orphelinat n’étaient pas terminés à temps. Quelques hommes de main à la solde des gérants malhonnêtes en profiteront alors pour faire quelques ultimes manœuvres d’intimidation… Malheureusement, « cet orphelinat créé au début des années 90 existe toujours malgré cette affaire de mauvais traitements et compte encore plus de pensionnaires aujourd’hui », constate-t-elle avec amertume.

Alison et son mari, aujourd’hui secondés par leur amie Julie Lebaube et deux couples indonésiens qui demeurent sur place, reconnaissent qu’il est difficile de s’improviser à la tête d’un tel projet. Le volet pédagogique est bien évidemment le plus difficile. « Comment sécuriser leur avenir ? », se demande Alison, elle-même mère de deux enfants et aujourd’hui grand-mère. « Il faut être capable de déterminer quelles sont leurs aptitudes, et aussi considérer quelles qualifications seront utiles dans leurs villages lorsqu’ils y retourneront, particulièrement dans le cas des petits Sumbanais », ajoute-t-elle. Pour l’instant, ils vont tous à l’école dans le quartier où est implanté l’orphelinat et certains sont même scolarisés dans des écoles privées à cause du manque de place dans le secteur publique. A la pension, ils reçoivent des cours d’informatique et des cours d’anglais et certains d’entre eux sont également accueillis de façon régulière à l’Australian School pour des cours d’appoint. Et les plus sportifs ont été intégrés à l’équipe de football junior du Canggu Club…

L’orphelinat Jodie O’Shea est assimilé à la fondation MUM (Manusia Untuk Masyarakat), qui chapeaute également le BKP (Bantul Kindergarten Project), une ONG créée par Alison qui a déjà construit 26 maternelles dans la région de Jogjakarta depuis le tremblement de terre de mai 2006 (cf. The Communities of Indonesia n°1 – Janvier 2007). On s’en doute, la vie quotidienne d’Alison Chester est bien remplie. Levée à 4 heures du matin, elle travaille quelquefois jusqu’à 21 heures. « J’essaye d’avoir un dimanche de temps en temps », lâche-t-elle dans un sourire. La liste des objectifs à atteindre ne cesse de s’agrandir et l’équipe travaille à plein régime. « Les locaux peuvent accueillir le double de pensionnaires », estime Alison. Effectivement, spacieux et bien agencés, les bâtiments offrent un cadre de vie agréable aux enfants qui semblent tous épanouis et en bonne santé. En attendant, la liste des besoins est quasiment sans fin. Et dans l’immédiat, l’orphelinat manque de ventilateurs, de tasses, de vêtements, de miroirs, de coussins, de peintures, de cours de natation, de livres en indonésien, d’ordinateurs, de produits de toilette, de nouveaux murs, d’un minibus…

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here