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La guêpe chasseuse d’araignées

En mai 2013, alors que la pluie commençait enfin à se faire plus rare, je m’asseyais, comme je le fais souvent, sur les marches conduisant de mon séjour au petit jardin. De ce point d’observation, je suis en mesure de surveiller toute la vie sauvage qui s’y déroule. Année après année, ce coin tranquille du jardin m’a permis de voir un large éventail de créatures, comprenant des petites cailles pressées, des nuages de papillons se nourrissant sur les clérodendrons, des singes, des varans, des serpents et bien d’autres. Les murs sont des barrières naturelles pour les animaux, les guidant vers mon jardin depuis les rizières environnantes.

A cette occasion, parcourant les petites laitues que mon épouse Gayatri venait de planter (en dépit des raids incessants d’une troupe de singes), mes yeux ont été attirés par des mouvements étranges et erratiques au dessus d’une portion de sol nu. En y regardant de plus près, j’ai découvert une grosse guêpe, près de 3cm de long, en train de traîner le corps rayé et plein de couleurs d’une araignée (Argiope sp.) sur le sol sec, laissant une trace comme un sillon à sa suite. Ah ! Une guêpe chasseuse d’araignée de la famille des Pompilidae ! L’insecte a ensuite hissé l’arachnide sur le dessus d’un bout d’écorce de bananier plié afin que sa proie soit hors de portée des fourmis patrouillant plus bas. Après un court repos, laissant l’araignée paralysée drapée dans son bout d’écorce, la guêpe est redescendue sur le sol. Libérée de son lourd fardeau, elle a commencé à tourner en rond rapidement en cercles de plus en plus larges, s’arrêtant ici et là afin d’excaver rapidement une série de petits trous dans le sable sec. Des grains de sable, des brindilles et des cailloux étaient ainsi éjectés par les pattes avant de la guêpe, puis passés sous son corps et dégagés loin derrière par ses puissantes pattes arrière. Ces trous d’exploration n’étaient pas satisfaisants de toute évidence, car après les avoir creusés au point de disparaître dedans, la guêpe en ressortait et changeait d’endroit. Après une heure à creuser ces cavités expérimentales, elle en fit une dernière qui lui sembla sans doute satisfaisante puisqu’elle s’en alla chercher l’araignée. Sécurisant le corps de l’araignée fermement entre ses mâchoires une fois encore, elle traîna l’animal sur plus de deux mètres jusqu’au dernier trou creusé, le retrouvant sans doute grâce à sa vue et à son odorat combinés. Lentement mais sûrement, la guêpe y descendit l’araignée, à l’abri des regards.

A ce moment, la nuit commençait à tomber et je devais donc me contenter des quelques photos que j’avais réussi à prendre jusque-là. J’attendis, mais la guêpe n’en ressortit pas immédiatement et je rentrais dans ma maison. Le matin qui suivit amena un peu de pluie et toutes les traces de l’activité fébrile de la guêpe la veille étaient ainsi effacées (d’autant qu’elle avait pris soin de couvrir ses traces et de rendre le terrier invisible aux prédateurs). Cependant, je savais que quelque part dans le sol – et c’est la partie intéressante – la guêpe avait pondu un œuf dans le corps de l’araignée. Paralysée mais encore bien vivante, l’araignée sert de nourriture fraîche et souterraine à la larve qui grandit. Lentement mais sûrement, ses entrailles seront dévorées par la chenille, qui laisse les organes vitaux intacts le plus longtemps possible afin que l’araignée reste en vie et bonne à manger jusqu’au dernier moment. A la fin, la larve de guêpe fait un cocon d’où émergera une nouvelle guêpe chasseuse d’araignée complètement formée. Pendant ce temps, maman guêpe aura continué de pourchasser d’autres araignées à paralyser et à enfouir dans lesquelles elle aura pondu ses œufs précieux. Les pompiles sont un groupe intéressant de grosses guêpes que l’on trouve partout dans le monde. Ces guêpes à longues jambes volent particulièrement bien et ne vivent pas en colonie, elles sont solitaires. Etant agiles et puissantes, elles sont capables d’attraper et de neutraliser des araignées plusieurs fois leur poids.

Cela faisait des années que je n’avais vu une de ces guêpes au travail. Il y a 25 ans, dans la forêt primaire de l’île de Seram, dans les Moluques, alors que j’étais en train d’attraper des lézards sur le tapis de feuilles mortes de la forêt, j’ai entendu un bruissement. A plusieurs mètres de là, et venant dans ma direction, quelque chose faisait s’éparpiller les feuilles mortes sur son passage. Le son stoppa et reprit à plusieurs reprises, et j’imaginais que sa cause en était une petite tortue des bois. Puis, sortant des couches de feuilles moisies, apparut la plus grosse guêpe que je ne n’avais jamais vue, son corps d’ébène étant au moins long de 5cm ! Ses mouvements en saccades étaient en fait le reflet des difficultés qu’elle avait à tirer une énorme tarentule poilue (dont le corps était bien plus lourd que le sien) à travers les broussailles. Le corps mou de l’araignée était bloqué dans les mâchoires puissantes de son prédateur, qui avait des difficultés évidentes à marcher à reculons tout en continuant de serrer sa proie. Je m’assis et observais, fasciné, tandis que la guêpe luttait avec son fardeau, rampant à mes pieds avant de disparaître dans l’épaisse végétation.

La plupart des gens n’aiment pas les guêpes. Peut-être parce que certaines ont l’habitude de construire ces nids qui ont la consistance du papier et qui pendouillent sous les toits ou d’autres ces nids comme de la boue séchée qu’elles parsèment dans les livres de la bibliothèque. Mais surtout, c’est évidemment à cause de leur piqure. Toutefois, après avoir été piqué plusieurs fois par des guêpes à Bali, je suis bien sûr qu’aucune d’elles ne représente un danger de mort et qu’une application rapide de lotion antihistaminique sera amplement suffisante pour soulager la douleur et réduire la boursouflure. Pareillement, je n’ai jamais trouvé d’araignées mortelles ici, alors que l’Australie voisine en regorge !

Alors, pour toutes les personnes souffrant d’arachnophobie, les guêpes sont bel et bien un groupe d’insectes qui régule la population de ces cauchemars à huit pattes. De la même façon, j’essaye de convaincre les gens que, bien que certains serpents à Bali représentent un danger potentiel, un certain nombre d’entre eux aident en fait à éliminer d’autres serpents, et de cette façon épure le monde de la terrible plaie de ces reptiles ondulants ! Guêpes, araignées, serpents et autres créatures rampantes sont un souci et une menace. Toutefois, pas de panique. Au taux actuel de son développement et de sa perte d’habitat naturel, Bali est en train de devenir rapidement ce paradis tropical recréé (mais stérile) qu’un nombre sans cesse grandissant de visiteurs souhaitent avoir comme lieu de vie.

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