Avec l’argent reçu des Japonais comme dommages de guerre après la 2e guerre mondiale, le président Sukarno a pris l’initiative de construire un hôtel sur la plage de Sanur. Il s’agit d’un bâtiment de dix étages, catégorie cinq étoiles, à l’origine baptisé Bali Beach Hotel et aujourd’hui renommé Inna Grand Bali Beach. C’est depuis l’inauguration de cet établissement en 1966 qu’on peut dire que Bali dispose de services hôteliers de classe internationale. Il a d’ailleurs, à l’époque, symbolisé l’ouverture de Bali sur le monde extérieur et est devenu l’emblème de la modernité de l’île. Un symbole controversé, puisque on lui a souvent reproché le gigantisme de ses dix étages, inapproprié au caractère local. Par réaction à sa construction, les hôtels-bungalows implantés en bord de mer et entourés de jardins luxuriants sont depuis devenus la règle en matière d’hôtellerie, un nouveau standard typiquement balinais. Le vendredi 20 janvier 1993, un incendie se déclarait au Bali Beach. Parti du rez-de-chaussée, le sinistre s’est rapidement propagé jusqu’au dixième étage et s’est répandu partout. Des flammes sortaient de toutes les fenêtres du bâtiment et le ciel de Sanur s’est assombri rapidement. Heureusement, il n’y eut aucune victime dans ce qui fut considéré comme l’incendie le plus important de l’année 93. Les pompiers ne parvinrent à maîtriser les flammes qu’après la destruction totale du corps de bâtiment central. Deux jours plus tard, alors que les dernières flammèches s’éteignaient enfin et que le ciel et l’atmosphère de Sanur redevenaient respirables, le personnel de l’hôtel réinvestissait les lieux pour évaluer les dommages. Vu l’ampleur des dégâts, ils pensaient que toutes les chambres avaient été détruites. Mais non, une chambre avait été épargnée. La chambre numéro 327. La porte est sérieusement brûlée mais le feu n’est pas entré à l’intérieur. Les rideaux, les draps, les peintures sont encore intacts. Les verres et la bouteille d’eau minérale placés sur la table pour les clients sont toujours là. Le téléphone fonctionne parfaitement. Bref, tout est en l’état, comme si rien ne s’était passé. Un vrai mystère ! Intrigués, nous avons voulu avoir une explication de cette énigme en invitant des mediums. Ces derniers ont rendu leur verdict. La chambre 327 est gardée par l’âme du président Sukarno. A la fin de l’année 1993, après la rénovation du site, les activités commerciales ont repris. Mais la chambre 327 n’a pas été rendue à la clientèle. Elle a été transformée en un endroit sacré, un peu comme un temple, à la porte duquel on dépose des offrandes tous les jours, pour honorer l’âme du grand homme. Depuis, on a accroché deux grandes photos du proclamateur de la République d’Indonésie à l’intérieur ainsi qu’une marionnette de cuir de chèvre noire qui représente Krishna. Dans la tradition javanaise, Krishna enfant est aussi appelé Kusno. C’était également le nom de Sukarno lorsqu’il était petit. La chambre, devenue un endroit saint, attire bien sûr des fidèles pour la prière et la méditation. Pas seulement des Balinais ou des hindouistes, mais tout le monde, quelque soit la religion, des chrétiens, des bouddhistes et des musulmans. Depuis, chaque fête de chaque calendrier religieux donne lieu à une petite cérémonie à la chambre 327. Si tous les vendredis, les lits sont couverts par le sejadah, à Noël, on y pose un sapin avec des guirlandes…
