Ahmad Dhani est une star du rock indonésien. Pour célébrer les 13 ans de son fils, le chanteur lui a tout naturellement offert une Mitsubishi Lancer. Il avait opéré de la même manière avec ses deux autres garçons, leur offrant à l’un une BMW et à l’autre une Jaguar, perpétuant ainsi la tradition familiale. C’est de cette puissante berline que le garçon a perdu le contrôle en pleine nuit sur l’autoroute après avoir raccompagné sa petite amie chez elle. Sept personnes ont perdu la vie après collision avec le véhicule.
En Indonésie, un jeune peut obtenir un permis de conduire à 17 ans. Pourtant, jamais depuis l’accident, Ahmad Dhani n’a regretté ni ne s’est excusé d’avoir permis à son fils de 13 ans d’être au volant d’une voiture. Tout au plus, a-t-il expliqué que, normalement, un chauffeur était mis à la disposition de son fils.
Cela en dit beaucoup sur la perception qu’ont les Indonésiens de la sécurité et des règles routières. Certes, des responsables politiques se sont indignés de l’événement. « Il s’agit clairement d’un acte de conduite dangereuse et trop rapide de la part d’un individu n’ayant pas l’âge requis pour conduire, a ainsi affirmé Yudi Widiana Aida, un député membre de la Commission des Transports à l’Assemblée, ajoutant que « cela représentait une violation claire des règles en vigueur sur les routes indonésiennes. »
Ceci explique certainement pourquoi Ahmad Dhani n’a rien trouvé d’anormal à ce que son fils de 13 ans soit seul au volant sur une autoroute au milieu de la nuit. D’autant plus qu’Ahmad Dhani est riche. Grâce à sa fortune, il a payé les funérailles de ceux ayant perdu la vie dans l’accident, les a indemnisés et s’est engagé à payer les études de leurs enfants. Cela devrait permettre à son fils, à lui également en tant que représentant légal d’un mineur, d’échapper à la case prison.
C’est du moins ce que la jurisprudence suggère. Il y a quelques mois le fils (majeur) du ministre de l’Economie et des Finances a aussi provoqué un accident et la mort de deux individus sur la route. Après arrangement financier avec les familles, celui-ci a pu quitter le pays pour continuer ses études en Europe, non sans compassion pour les victimes toutefois.
Le problème est cependant plus large. Dans les villes indonésiennes, les transports publics sont inexistants, inefficaces ou dangereux. Au même moment, grâce au développement économique de l’Archipel, de plus en plus de familles sont en mesure d’acquérir un ou plusieurs véhicules motorisés, motos pour la plupart, voitures pour la grandissante classe moyenne supérieure. Dans le même temps, le développement de nouvelles infrastructures routières et la maintenance de celles existantes sont négligées. Les routes indonésiennes se retrouvent donc encombrées d’un nombre croissant de vehicules aux mains de conducteurs de tous âges n’ayant jamais appris à respecter un quelconque code de la route ou à savoir anticiper ce qui peut se passer sur la route autour d’eux.
Le résultat est sans appel. D’après les données de la Banque Asiatique de Développement, les accidents de la route ont tué 37 000 personnes en 2005 et plus de 48 000 en 2010 en Indonésie. Les prévisions font état de 65 000 morts en 2020.
La recette idéale pour un désastre humain ? Il semble que ce ne soit pas la préoccupation principale des dirigeants, ni la peur majeure des Indonésiens. Les accidents très meurtriers impliquant bus, motos ou voitures ont beau se succéder à un rythme effrayant, rien ne semble avoir été entrepris pour faire des routes indonésiennes autre chose que des zones de non-droit. Ahmad Dhani peut dormir tranquille. Il devrait avoir tout le loisir de réfléchir à la prochaine voiture à offrir à son fils.