Accueil National

L’industrie aérienne indonésienne à nouveau dans le collimateur

C’était le 1er janvier 2007. Un Boeing 737 de la compagnie indonésienne Adam Air s’abimait dans le détroit de Makassar, tuant les 102 personnes à son bord. A la suite de cet accident, l’Union Européenne plaçait toutes les compagnies aériennes indonésiennes sur sa liste noire des compagnies interdites en Europe, Adam Air allait être interdite de voler par le gouvernement indonésien et de profondes reformes étaient annoncées. On croyait ces réformes efficaces, comme le prouvaient les formidables développements des compagnies à bas coûts Air Asia et Lion Air, ou la nouvelle respectabilité acquise par Garuda Indonesia à l’échelle internationale.

Tout cela a été remis en cause par l’accident d’un avion d’Air Asia et par certains éléments de l’enquête l’ayant accompagné. Un des points les plus troublants réside dans l’affirmation de la part du ministère indonésien des Transports, qui délivre les licences de vol, que ce vol entre Surabaya et Singapour n’avait pas l’autorisation de voler le jour de son accident. Or il apparait hautement improbable, pour ne pas dire impossible, qu’Air Asia ait été autorisé à décoller de Surabaya et à atterrir à Singapour sans les autorisations nécessaires. Les autorités de Singapour ont d’ailleurs confirmé que le vol avait l’autorisation d’atterrir dans la cité-Etat.

Dans la foulée et après rapide vérification, le ministère des Transports a ainsi suspendu 61 autres routes domestiques opérées par cinq compagnies pour violation de permis. Lion Air apparait comme la plus fautive avec 35 routes incriminées. Qui a dès lors autorisé ces vols sans que le ministère des Transports, qui délivre les licences, n’en soit officiellement informé ? Et pour quels motifs ? Il apparait évident que la corruption, l’indiscipline et le manque de supervision ont joué une part importante dans ces manquements.

A la suite de ces révélations, plusieurs employés à la direction du Transport aérien au ministère, chez l’operateur aéroportuaire Angkasa Pura et chez le contrôleur du trafic AirNav ont été mis à pied ou réaffectés. En toute discrétion. Le nouveau ministre des Transports Ignasius Johan a aussi annoncé dans la foulée une série de mesures : contrôles de santé sur le personnel de vol et les contrôleurs aériens ; interdiction de vendre des billets moins de quatre mois après avoir obtenu le permis d’opérer sur une ligne ; la procédure d’obtention de ces permis et des licences de vol va désormais s’effectuer en ligne ; et le prix minimum des billets proposés par les compagnies à bas coûts doit atteindre 40% du prix maximum proposé par les compagnies régulières (contre 30% à l’heure actuelle) avec interdiction de proposer des billets en promotion.

Ce sont ces mesures, et notamment la dernière, qui ont attisé la colère des professionnels du transport aérien. Ceux-ci ont l’impression légitime que le ministre tente de faire porter la responsabilité de l’accident et des problèmes de l’industrie aux compagnies aériennes. Ces mesures sont censées améliorer la sécurité dans le transport aérien. Or pour les analystes, elles sont contre productives, les prix n’ayant rien à voir avec la sécurité, mais bien plus avec les services proposés. Par ailleurs, ces mesures vont avoir un impact commercial important sur les compagnies aériennes, et elles ne font qu’ajouter de nouvelles contraintes à un secteur déjà soumis à trop de régulations. Dans une lettre ouverte au ministre des Transports, un ancien pilote estime ainsi que l’Indonésie devrait déréguler ses industries en croissance et mettre l’accent sur le développement des infrastructures liées au transport aérien afin de faciliter la croissance du secteur et d’améliorer la qualité des opérations.

L’industrie aérienne indonésienne a connu ces dernières années une croissance trop rapide. Le trafic aérien à l’intérieur du territoire a été multiplié par deux ces cinq dernières années. 43,8 millions de personnes avaient pris des vols intérieurs en 2009. Ils étaient 75,8 millions en 2013. Face à cette croissance impressionnante, le développement des infrastructures n’a pas été à la hauteur et les aéroports indonésiens sont sur-utilisés. Là se situe la véritable responsabilité du gouvernement et de son ministère des Transports, qui devrait accompagner cette croissance au lieu d’ajouter de nouvelles règles ineptes allant à l’encontre de la libre concurrence.

Comment Ignasius Johan peut-il certifier qu’en augmentant les prix des billets d’avion, l’argent ainsi supposément récolté va être utilisé à l’amélioration des standards de sécurité ? Le ministre devrait s’assurer que les règles de sécurité existantes sont bien appliquées. C’est de discipline et de supervision dont le secteur a besoin, pas d’un homme s’immisçant dans la tarification des billets.

Devant le regrettable accident du vol Air Asia, compagnie par ailleurs réputée pour ses standards de sécurité, le gouvernement indonésien a fait le choix de punir les compagnies aériennes et leurs clients. En refusant ainsi d’assumer ses responsabilités majeures dans le fonctionnement défectueux du secteur aérien, il crée les conditions du maintien des comportements non professionnels, entrave le développement de cette industrie et ouvre la porte à d’autres futures catastrophes aériennes.

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here