Accueil National

L’Indonésie sera-t-elle un géant économmique en 2025?

Ce plan géant doit s’appuyer sur des programmes de développement s’articulant autour de six couloirs économiques couvrant la majeure partie du pays : le développement énergétique à Sumatra ; l’industrie et les services à Java ; l’activité minière à Kalimantan ; l’agriculture, la forêt et la pêche à Sulawesi et dans le nord des Moluques ; le tourisme et l’agro-alimentaire à Bali et dans les petites îles de la Sonde ; et les ressources naturelles et humaines en Papua et aux Moluques.

Si ce plan très ambitieux est sans conteste proportionnel au potentiel de l’Indonésie, sa mise en place et sa réussite demeurent des points d’interrogation. L’Indonésie ne manque certes pas d’atouts. Entre ses ressources naturelles variées et abondantes, son marché intérieur de 240 millions d’habitants et sa stabilité politique, le pays peut compter sur une grande force d’attraction. Sa forte croissance (autour de 6%) quasi ininterrompue, même pendant la crise financière de 2008, joue en sa faveur. Les salaires sont en progression constante, autour de 5-10% par an, la pauvreté est en régression (13% de la population actuellement selon les chiffres officiels) et des emplois sont créés. Tout cela permet à une classe moyenne très consommatrice de se développer rapidement.

Pourquoi, dès lors, douter de la réussite du grand plan économique, un plan que chacun sait indispensable pour faire véritablement décoller le géant économique endormi qu’est l’archipel ? La réponse pourrait tenir en une phrase. Parce que la classe politique dirigeante dans son ensemble n’a habitué personne à l’efficacité et à la recherche du bien commun depuis 1998 et le début de la reformasi.
Le premier écueil qui se dresse sur le chemin du développement de l’Indonésie dans son ensemble est l’inflation. Ces derniers mois ont montré de la tension sur les prix, notamment ceux des denrées alimentaires de base. Le phénomène est général à toutes les économies émergentes asiatiques, mais il pourrait être mieux appréhendé si la production alimentaire nationale était mieux managée politiquement. « L’inflation moyenne actuelle, aux alentours de 6%, n’est pas rédhibitoire, explique Purbaya Yudhi Sadewa, économiste en chef à l’institut de recherche Danareksa. Néanmoins il est difficile d’être compétitif sur le long terme avec un tel niveau d’inflation. Il faudrait pouvoir réduire l’inflation à 2-3% comme plusieurs de nos principaux voisins asiatiques pour réduire les taux d’intérêt et booster davantage notre économie. Sans compter que lorsque les prix de la nourriture et des denrées de base augmentent, l’instabilité politique en fait de même

Quid dès lors de l’effet inflationniste nécessairement provoqué par la réduction des énormes subventions au prix de l’essence ? Cette réduction des dépenses est très fortement encouragée par les grandes institutions internationales, au premier rang desquelles la Banque Mondiale. Selon ces experts, l’argent ainsi économisé pourrait être utilisé au développement du pays. « Nous avons certainement besoin de faire évoluer ce système de subventions, poursuit M. Sadewa. Il doit être orienté vers les gens directement et non vers les produits. Mais n’oublions pas que plus de 10 milliards de dollars du budget national n’est pas dépensé chaque année. Moins de subventions permettraient certes aux caisses de l’Etat d’être plus remplies mais ce n’est pas l’assurance que cet argent serait investi. Les institutions internationales considèrent que ces subventions perturbent les marchés et que l’argent devrait être utilisé pour autre chose. Mais c’est ne pas considérer les spécificités indonésiennes. D’autant plus qu’on estime qu’une hausse de 10% du prix du Premium aurait pour effet d’augmenter l’inflation de 0.7%. La meilleure solution est certainement de favoriser une hausse limitée et par étapes du prix de l’essence. »

En dehors de cette inflation qui, si elle n’est pas maîtrisée et maintenue à un faible niveau, pourrait remettre en cause la réussite du grand plan économique, un autre aspect majeur reste incertain : qui va payer les 464 milliards prévus pour ce plan ? Malgré leurs difficultés à débloquer la totalité de leur budget, l’Etat indonésien et les gouvernements provinciaux sont engagés à hauteur de 10% sous forme de mise à disposition d’infrastructures. Les entreprises publiques doivent contribuer à 18%. 21% sont fournis par un mélange d’investissements étrangers et de partenariats public/privé. Enfin, plus de 50% de l’investissement total doit provenir du secteur privé.
Il est très clair que la réussite de ce méga projet ne sera possible que si le cadre légal des investissements est amélioré. « Le cadre légal indonésien doit être revu pour assurer l’efficacité des investissements, a récemment déclaré l’économiste en chef de la Banque Mondiale Justin Yifu Lin à Jakarta. Dans le cas contraire, il est très risqué pour le secteur privé d’investir ici. La volonté politique doit être grande pour adresser les problèmes récurrents qui ont représenté un frein à l’investissement depuis de longues années tels que la difficulté à acquérir des terrains, les mécanismes de prix comme dans le secteur énergétique, un système judiciaire incertain ou le lent déboursement de l’argent public. » La volonté politique… Voila certainement un domaine dans lequel il est permis de douter.

Purbaya Yudhi Sadewa, qu’on peut difficilement accuser d’être à la solde du gouvernement, veut néanmoins y croire. « Le gouvernement montre davantage de volonté pour atteindre ces objectifs. Ils savent pour cela qu’il faut travailler plus. » Prenons-nous dès lors à rêver d’une Indonésie équipée en infrastructures et en plein développement. Y aurait-il un risque de surchauffe de l’économie ? Le mot de la fin à M. Sadewa : « Si l’économie indonésienne connait un taux de croissance de 8%, il ne devrait pas y avoir de problème à court terme. Mais après une ou deux années, il sera nécessaire que le développement devienne plus tourné vers la productivité et la qualité. Il faudra redessiner l’économie nationale afin de décider dans quelle direction le pays veut aller. » Les autorités ont quelques années pour y réfléchir.

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here