Accueil National

L’humidité comme solution à la crise mondiale de l’eau ?

Notre planète est certes composée d’environ 70% d’eau, mais 3% de cette eau seulement est considérée comme pure. On estime à un milliard le nombre d’êtres humains n’ayant pas accès à une eau saine et propre à l’heure actuelle. Selon le Conseil Mondial de l’Eau, cette proportion devrait atteindre 3,5 milliards d’individus à l’horizon 2025. C’est-à-dire demain. L’Indonésie fait partie de ces pays où l’accès à une eau de qualité est un luxe réservé aux quartiers riches. Les habitants du village de Sempur, dans l’ouest de Java, ne font pas partie de ces privilégiés. Mais pour eux la rivière Ciliwung, qui traverse le village avant de continuer son chemin vers Jakarta et de se jeter dans la mer de Java, représente tout de même une bénédiction. « Tous les jours, je lave les vêtements dans la rivière parce que nous n’avons pas accès au service public de l’eau, raconte Ema Mariana, jeune mère au foyer. Je ne le fais plus à la maison parce que c’est trop fatigant d’aller chercher de l’eau dans le puits le plus proche. Pour nous, venir ici est vraiment la meilleure solution ».

Son exemple est loin d’être un cas isolé. A Jakarta, seuls 65% de la population a accès au service public de l’eau. La proportion descend à 31% dans les autres villes du pays, et à moins de 10% dans les villages. Alors chaque communauté tente de s’organiser comme elle peut. A Sempur, les habitants ont installé leur propre réseau d’alimentation en eau. Extraite du sol, cette eau est transportée par un conduit aérien vers un énorme trou servant de réserve, puis acheminée vers les habitations. Bien que très artisanal, le système fonctionne. « Notre eau provient directement du sol, donc nous la considérons comme pure, propre et buvable, explique une retraitée devant le bac où elle stocke son précieux liquide. Mais nous n’avons pas assez de cette eau pour tout le monde ici, donc certains sont aussi obligés d’utiliser l’eau de la rivière. Et même s’ils savent que cette eau est sale et polluée, ils l’utilisent pour faire la vaisselle ou pour leurs besoins naturels. Nous n’avons pas le choix ».

L’humidité, une source intarissable
Comme à Sempur, de nombreux villages, entreprises et même de riches particuliers ont créé leur propre système d’accès à l’eau à travers le pays. Mais cette surexploitation réduit considérablement les réserves en sous-sol. Et l’eau des sols est une denrée très limitée. Au contraire de l’humidité présente dans l’atmosphère. C’est fort de ce constat qu’une entreprise indonésienne, EWI, aidée par des ingénieurs américains, a développé un procédé innovant et unique au monde. Son président, Budhi Haryanto, explique :
« Notre procédé, appelé le SDP, repose sur la capture de l’abondante humidité présente dans l’atmosphère et sa transformation en impeccables gouttelettes d’eau, copiant ainsi ce que la Nature fait elle-même. Le procédé associe la pression atmosphérique, la température et la circulation de l’air pour en extraire l’humidité, imitant ainsi le processus naturel de formation des gouttes d’eau ». Testée dans plusieurs pays par différents laboratoires, cette eau se révèle d’une pureté incroyable. Et le procédé de transformation est écologique, ne produisant aucun déchet nuisible à la couche d’ozone.

Mais ces arguments ne sont pas suffisants pour convaincre tout le monde de la viabilité du projet. « Même si toutes les solutions pouvant régler le problème de l’eau méritent attention, nous mettons nous-mêmes à la disposition des habitants de Jakarta 8000 litres d’eau toutes les secondes, affirme Thierry Krieg, Président directeur de Palyja, une filiale de la Lyonnaise des eaux qui est un des deux fournisseurs traditionnels d’eau dans la capitale indonésienne, et c’est à peu près équivalent à la production d’une journée de ce procédé. L’excès de pureté peut également être un défaut dans la mesure ou, comme quand on fait du dessalement d’eau de mer par osmose inverse, on obtient une eau qui est extrêmement pure mais qu’on doit ensuite reminéraliser avant de la mettre à la distribution car boire de l’eau qui n’est constituée que d’eau n’est pas à long terme bon pour la santé ».

Les tests effectués n’ont jamais mis en lumière de risque potentiel pour la santé des consommateurs. En revanche il est vrai que les capacités de production de cette eau pas comme les autres sont encore limitées. Distribuée sous le nom de « Purence », l’eau n’est disponible jusqu’à maintenant qu’en bouteille. « En gros notre eau est très pure et très propre et donc idéale pour de nombreuses choses, déclare Budhi Haryanto. Elle est une excellente eau à boire mais peut aussi évidemment être utilisée dans la vie quotidienne. Cependant, cette nouvelle technologie consomme encore à l’heure actuelle beaucoup d’énergie électrique. Donc pour des raisons économiques nous n’utilisons le procédé que pour produire de l’eau en bouteille pour l’instant. Mais notre équipe de recherche et développement travaille pour rendre ce procédé moins coûteux et donc disponible à d’autres fins ».

La bouteille de quarante centilitres est actuellement disponible à la vente à un prix très légèrement inférieur à un euro. Un montant rédhibitoire pour la majorité des Indonésiens, dont près de la moitié vit avec moins de deux US dollars par jour. Mais l’entreprise exporte de plus en plus et travaille activement à la réduction des coûts de production. Dès lors, la transformation de l’humidité ambiante en eau pourrait représenter une alternative crédible à la diminution rapide des ressources terrestres. Et ainsi éviter une crise mondiale de l’eau.

LAISSER UNE RÉPONSE

Please enter your comment!
Please enter your name here