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L’étourneau de Bali renaît comme un phénix

Bayu Wirayudha rappelle que tout à commencé il y a quelques années par une collaboration avec l’ « Animal Rescue Center », une association spécialisée dans le secours aux animaux victimes de trafics illégaux. A l’époque, ce vétérinaire de formation, passionné d’oiseaux, s’inquiète du sort des perroquets braconnés et, par ce biais, finit par s’intéresser au sort des étourneaux de Rothschild, cette variété endémique de Bali, qu’on appelle ici curik Bali, une espèce quasiment disparue. Créée en 1997, sa propre fondation a eu pour mission de départ la réhabilitation des orang outans du parc national de Tanjung Puting, à Bornéo, après les gigantesques incendies survenus cette année-là. Cette ONG a déjà reçu de nombreuses distinctions nationales et internationales pour ses réalisations, notamment pour le projet de Nusa Penida qui allie la sauvegarde de l’étourneau (jalak Bali en indonésien) à celle de son habitat en reboisant l’île.

« Le dernier sanctuaire du curik Bali était le parc national de l’ouest de Bali, un espace naturel qui date de l’époque des royaumes balinais », commente cet écologiste originaire de Tabanan. Menacés de disparition depuis les années 70, les étourneaux ont donc bénéficié de l’attention des autorités et du législateur. Malheureusement, cet intérêt officiel a accéléré leur extinction en faisant monter les prix et en multipliant le nombre des braconniers. En 1999, il ne restait qu’une vingtaine d’individus. Aujourd’hui, « un étourneau vendu au marché noir vaut jusqu’à 15 millions de roupies en Indonésie et jusqu’à 6000 dollars à l’étranger », poursuit Bayu. En Europe, les pays de l’UE se sont engagés à fixer un prix maximum de 500 dollars sur les spécimens déjà capturés ou élevés en captivité afin d’éviter la flambée des transactions illégales.

Alors que, du point de vue biologique, certains affirmaient qu’il ne restait pas assez d’individus pour garantir la survie de l’espèce, aujourd’hui, les curik Bali sont presque une centaine à voler librement à Nusa Penida. Ce chiffre comprend la première génération, implantée avec des spécimens d’élevage de la fondation Begawan Giri, et la première génération de descendants nés en milieu naturel. Le vétérinaire est bien sûr conscient des difficultés liées au manque de diversité génétique des survivants mais avance l’argument suivant : « Il y a déjà eu 44 naissances en moins de deux ans, c’est un signe extrêmement positif ». Autre élément qui joue en faveur du projet, le choix de cette île de 20 000 habitants à l’est de Bali qui, à l’origine, n’abritait pas l’étourneau, mais qui, par son isolement, devrait garantir sa sécurité. « Les réimplantations dans le parc national de l’ouest de Bali ont toute échoué », explique Bayu. Il est vrai que la piètre gestion du site – où les marques de cigarettes y organisent en toute légalité des courses de 4×4 par exemple – et la pauvre conscience écologique des rangers y constituent des handicaps rédhibitoires pour des projets de ce type…

La pleine collaboration des communautés locales est bien évidemment l’autre clé du succès de cette opération « étourneau de Rothschild ». « Avec un prix au marché noir qui correspond à 7 ans du salaire moyen d’un Indonésien, il fallait bien évidemment s’assurer le concours des banjar », explique encore Bayu. Les 35 villages de Nusa Penida se sont tous mis d’accord pour garantir la protection de l’animal, 9 d’entre eux possédaient même déjà des lois coutumières (awig-awig) veillant au respect des espaces naturels de l’île et de sa faune et instauraient déjà des sanctions pour les braconniers. Aujourd’hui, un contrevenant récidiviste encourt ni plus ni moins l’exil hors de sa communauté en plus des fortes amendes. Et comme à Bali tout passe par la religion, les étourneaux ont aussi été sacralisés dans les temples. Les jeunes des villages ont reçu une formation afin d’exercer diverses activités liées à l’implantation et à la conservation et FNPF visite régulièrement les écoles pour éduquer les plus jeunes. Enfin, toutes les parties concernées, du ministère de la Forêt à la police, en passant par le gouvernement local et les opérateurs touristiques, sont tenus au courant des activités du sanctuaire de Nusa Penida.

Dernier volet de l’opération et non des moindres, le reboisement de l’île. Démarré en 2005, dans la foulée des premiers signes prometteurs d’introduction de l’oiseau, le reboisement semblait là aussi « un pari impossible », comme le rappelle Bayu. Mais depuis, 80 000 arbres ont été plantés et le gouvernement a alloué à l’ONG 100 hectares supplémentaires. Là encore, les communautés locales sont directement intéressées à la démarche. Si de grandes aires sont données de façon très officielle par le département local du ministère de la Forêt, de l’autre côté, les villageois viennent aussi quand ils le souhaitent chercher de jeunes pousses à planter. De l’acajou, du teck, du bambou, du bois de santal, comme ils veulent et quand ils veulent. Néanmoins, sur les terres publiques et celles autour des temples, les espèces d’arbres sont choisies en fonction de « leur diversité, leur résistance, leur connexion avec l’adat et leur intérêt pour le projet du curik Bali », explique-t-on sur le site web de l’association.

Intérêt communautaire, intérêt privé et surtout intérêt de l’étourneau de Rothschild qu’il fallait sauver de l’extinction, la démarche de Bayu et de la fondation des Amis des Parcs Nationaux semble être en mesure de concilier cet ensemble de facteurs interdépendants avec intelligence et pragmatisme. Deux qualités qui ont sans doute fait défaut aux tenants des initiatives officielles précédentes et qui vaut encore aujourd’hui au vétérinaire de Tabanan quelques inimitiés en haut lieu. Et enfin, quand on lui demande pourquoi cette étourneau de Bali est si prisé à travers le monde, Bayu répond tout simplement : « mais parce que c’est le plus joli ! ».

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