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L’esprit mathématique, tout le monde peut l’avoir

Le monde qui nous entoure est un magnifique kaléidoscope de formes et d’interrelations gouvernées par des équations mathématiques. Il a, par exemple, été prouvé qu’un unique système d’équation semble gouverner tous les motifs de pelage qu’on retrouve dans la nature. La présence ou pas ainsi que la taille des taches dépendrait du moment de leur formation au cours de la croissance de l’embryon, ces taches se transformant en rayures si le support est cylindrique. Par ailleurs, avez-vous déjà entendu parler de la suite de Fibonacci (1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144… où chaque nombre s’obtient à partir de la somme des deux précédents) et de son importance dans la nature, qu’il s’agisse du nombre des pétales des fleurs, des diagonales d’un ananas ou des spirales d’une pomme de pin ? Et que dire du nombre d’or, lui-même intimement lié à la forme spirale de certains coquillages ? Fascinant, n’est-ce pas ? Sans cet équilibre mathématique, notre monde serait certainement dans le chaos.

Les mathématiques sont donc partout autour de nous et ils font partie intégrante du monde de l’enfant. Ils ne sont absolument pas limités à la maitrise d’arides symboles abstraits, ils sont dans la fleur cueillie au parc, dans les relations et les connections entre les êtres et les objets, dans les idées qui naissent spontanément, dans la résolution des petits problèmes qui jalonnent le quotidien. Il a été prouvé que le jeune enfant a une aptitude innée pour les mathématiques. J’entends d’ici les ricanements de ceux qui ont toujours détesté les maths ! Si, si, pourtant, j’insiste, tout enfant ou adulte devrait avoir une compréhension claire des règles mathématiques élémentaires si seulement on lui en donnait les moyens.

Tout commence très jeune avec le besoin d’ordre inné à tout être humain. Le bébé et le jeune enfant dont l’esprit logique et le cerveau sont en construction, a particulièrement besoin d’ordre autour de lui afin de grandir harmonieusement, avec un sentiment de paix et de sécurité. Cette notion d’ordre est vitale car c’est l’ordre qui permet à l’enfant de percevoir les relations qui existent entre les éléments, à comprendre leur fonctionnement et à réaliser l’identité des personnes qui l’entourent. Si cet ordre est perturbé l’enfant l’est aussi. Combien de fois votre pédiatre et la maîtresse de votre enfant vous ont-ils répété combien la routine était importante pour votre bambin ? Avez-vous remarqué le plaisir de votre enfant à remettre un objet à sa place lorsque tout objet a une place précise dans la maison ? Vous-même, ne vous sentez-vous pas mieux quand vous évoluez dans un environnement ordonné ? Cette notion d’ordre peut vous sembler tirée par les cheveux, surtout si vous êtes vous-même une personne désordonnée. Mais prenez le temps d’observer votre enfant et vous comprendrez que certains « caprices » de votre petit ne sont en fait que des accès de colère parce que vous n’avez pas considéré son besoin d’ordre. Pour ma part, l’exemple le plus frappant qui me vient à l’esprit est que lorsqu’un visiteur entre dans ma classe avec ses chaussures aux pieds, les premiers à lui en faire la remarque sont mes tout jeunes élèves parce que, dans l’ordre des choses, à Bali on retire ses chaussures avant de pénétrer chez quelqu’un.

Ordre et précision sont les clés de l’intelligence en construction

C’est donc un environnement ordonné qui, en premier lieu, va permettre à votre enfant de construire les fondations solides dont son esprit mathématique a besoin. Tout comme la forme d’une langue est déterminée par les sons alphabétiques et les règles qui les associent en mots, c’est l’ordre intériorisé qui permet à l’esprit humain d’ordonner les dizaines de perceptions et de pensées qui l’assaillent à chaque instant. L’ordre et la précision sont les clés de l’intelligence en construction chez le jeune enfant.

Par la suite, lorsque l’enseignement à proprement parler commence, la maitrise des mathématiques ne devient un problème pour le jeune enfant que si leur apprentissage n’est pas connecté à la réalité de la vie quotidienne. L’apprentissage purement théorique des mathématiques tel qu’il est délivré dans notre système scolaire explique pourquoi la plupart des élèves quittent trop souvent l’école avec un dégoût des mathématiques, un sentiment d’échec qui éveillera à jamais anxiété et frustration dès que, dans leurs vies d’adultes, ils devront faire appel à leur logique.

Le savoir conceptuel sans but pratique ne sert à rien

Les aptitudes mathématiques requises pour la vie de tous les jours sont d’ordre pratique et l’aptitude à résoudre des problèmes est au cœur-même de la pensée mathématique. Il est évident que le but des maîtres et professeurs ne devrait pas être seulement d’enseigner de stériles concepts mais surtout d’aider les élèves à comprendre comment ces concepts peuvent être utilisés dans des situations pratiques. D’autre part, comme je l’avais déjà écrit dans un précédent article sur la créativité, de nombreuses études ont démontré que le savoir conceptuel sans but pratique et concret ne sert absolument à rien, les élèves étant incapables d’utiliser leurs connaissances hors du contexte scolaire, dans leur vie quotidienne.

Il est absolument nécessaire pour l’éducateur, parent ou professeur, de toujours rattacher une situation concrète à un nouvel apprentissage. Très tôt, l’enseignement de l’arithmétique devrait commencer avec des objets réels que l’enfant peut manipuler et comprendre de manière sensorielle. Pour l’apprentissage de la première numération de un à dix, par exemple, il est judicieux de présenter à l’enfant des objets, des coquillages par exemple, qu’il apprendra à compter et à mettre en petits tas. En parallèle, vous lui enseignez les nombres correspondants. L’étape suivante sera d’assembler les nombres et leurs quantités correspondantes. Si vous mettez l’exacte quantité de coquillages correspondant aux dix nombres de un à dix (c’est-à-dire 55 coquillages), il ne restera plus de coquillage dans la boite lorsque vous présenterez la carte avec le zéro inscrit. Quelle manière concrète d’expliquer alors à l’enfant que « zéro, c’est rien, c’est l’absence de coquillage » !

Mes élèves adorent lorsque je leur demande de taper des mains trois, six, quatre… fois, puis je leur demande de taper des mains zéro fois. S’ils tapent, je compte jusqu’à ce qu’ils arrêtent de compter, intrigués ? Ensuite, je prends mon air mystérieux pour leur dire que je vais leur montrer comment taper des mains zéro fois : j’élance mes mains l’une vers l’autre et je m’arrête à mi-course. Tous ces jeux sont très concrets, ils permettent à l’enfant de comprendre ces concepts de manière sensorielle.

Compter avec des perles et jouer au banquier

De même, pour enseigner l’addition à des enfants, l’idéal c’est de travailler avec des perles, individuelles pour les unités, en barres de dix pour les dizaines, en carrés de cent pour les centaines et en cubes de mille pour les milliers. Les enfants doivent prendre chacun une quantité déterminée, puis on leur demande de mettre toutes leurs perles ensemble. « Faire une addition c’est mettre ensemble ». Ils commencent par compter les unités. Pour peu que vous leur expliquiez que « dix unités font une dizaine » et qu’ils doivent échanger leurs dix unités avec une dizaine, non seulement votre enfant de cinq ou six ans aura compris sensoriellement ce qu’est une addition, mais il aura aussi abordé de manière concrète le problème de la retenue.

Pour la soustraction, il existe le jeu du banquier. Un enfant « banquier » a une certaine quantité de perles, un autre enfant « client » vient lui en demander une quantité déterminée. « Faire une soustraction, c’est retirer. » Le « client » commence par demander les unités. Si le « banquier » n’a pas assez d’unités, on lui explique qu’il peut utiliser ses dizaines. « Combien d’unités y a-t-il dans une dizaine ? » et le problème de la retenue dans l’autre sens est abordée de manière ludique. La multiplication sera présentée comme une addition particulière, tous les enfants ayant les mêmes quantités de perles, « multiplier c’est mettre ensemble des quantités égales. » Pour la division, les enfants adorent le jeu de rôles avec le grand-père ou la grand-mère qui veut donner la même quantité de perles à chacun de ses petits-enfants, « diviser, c’est partager en quantités égales. »

Je n’ai bien évidemment rien inventé. Maria Montessori avait créé le matériel des perles dorées il y a plus de cent ans et il donne encore aujourd’hui autant de plaisir aux élèves qu’aux éducateurs qui l’utilisent. Vous pouvez, vous parents, toujours vous inspirer de votre propre observation afin de saisir toutes les occasions dans votre vie quotidienne pour enseigner à votre enfant des concepts simples à partir d’objets réels et concrets parce que l’aptitude innée de votre enfant pour les mathématiques est malheureusement souvent entravée par le manque d’opportunités de l’exercer et de la développer dans la vie de tous les jours.

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