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L’ennemi public.. à Kuta

Il détruit les nappes phréatiques en prenant une douche. Il a troué la couche d’ozone en prenant l’avion. Il réchauffe la planète en rafraichissant sa chambre. Il acculture – verbe transitif – les populations par sa seule présence. Avec lui, c’est perte d’identité, folklorisation, destruction de l’écosystème et surexploitation des ressources. Cet enfoiré, qui en plus ne foutait rien à l’école, c’est le touriste ! Comme le diable, il a plusieurs visages. Il peut être notre frère, notre sœur, notre voisin, notre collègue. Il est à la fois tout le monde et personne. Enfin si, pour tout un chacun, le touriste, c’est comme l’enfer, c’est les autres.
En effet le touriste, ou « l’idiot du voyage » comme l’appelle le sociologue Jean-Didier Urbain, est dépourvu de conscience de soi. Il reconnait des touristes partout, sauf à son endroit.
Tout d’abord parce qu’il sait précisément ce qu’est un touriste. Et ce n’est pas lui. C’est quelqu’un qui sur la route se fait hurler dessus : « Oh couillon, accélère ! Je bosse moi ! » Ou encore celui qui se fait toujours rembarrer par des « Et si t’es pas content, t’as qu’a rentrer chez toi ! » Et puis la dégaine, non mais la dégaine du touriste… Alors que lui, ce n’est pas parce qu’il est en vacance qu’il va se négliger. A sa taille, ce n’est pas une banane, c’est une ceinture multi-poches. Il ne porte pas des tongs mais des Crocs, son short est un bermuda et s’il lui arrive de mettre un maillot de foot pour dîner, c’est celui de Marseille 93. La tête de Boli. Ce n’est pas beauf, c’est historique ! Le touriste est comme tout le monde, il n’aime pas les touristes. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Entre la culpabilité et le qu’en dira-t-on, il n’y a plus que les sociopathes pour embrasser sciemment la condition de touriste : « – Au fait, cet hiver je vais à Bali. – Quoi ? Et ton bilan carbone ? Et ton empreinte socio-écologique ? – Non mais attends, je pars en voyage, je vais pas faire du tourisme. Je suis pas un monstre non plus ! » Pour soulager la psyché de touristes qui ne peuvent plus se regarder dans le miroir, les notions de tourisme durable, solidaire ou autre écotourisme sont apparues. Des initiatives bien sûr louables mais aussi une manière subtile de décomplexer le consommateur en le replaçant du côté de la solution plutôt que du problème. Tant mieux car après tout, il voulait juste partir en vacances, pas détruire la planète.
Dès lors, il ne reste plus qu’aux collectivités locales en charge des infrastructures et dépositaire de la manne financière issue du tourisme à s’occuper du reste. Car finalement, ne fait-on pas un mauvais procès aux touristes ? La France, premier pays touristique du monde et Paris, ville la plus visitée, ne semblent pas souffrir de tous ces fléaux. Même si à la réflexion, il faut bien admettre que les casquettes de baseball ont remplacé les bérets et que les sans-culottes s’habillent maintenant chez H&M. On l’a pas vu venir mais on s’est bien fait acculturés !

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