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L’économie indonésienne se félicite de l’arrivée du Ramadan

C’est la période la plus anticipée de l’année pour les plus de 200 millions d’Indonésiens de confession musulmane. Le mois du Ramadan vient de débuter et s’achèvera fin juillet avec la grande migration de Lebaran. Avec lui, de nombreux pans de l’économie indonésienne s’en trouvent bouleversés tous les ans pour plusieurs semaines.

Les musulmans considèrent le Ramadan comme une période pendant laquelle dieu leur offre pitié, cadeaux et pardon. Une période où les nombreux sacrifices et prières seront récompensés par le pardon des péchés. Ne pas boire, ni manger, ni fumer; ne pas avoir de relations sexuelles ni se complaire dans la rumeur pendant un mois, du lever du jour jusqu’au coucher du soleil. Tout cela s’apparente à une charge lourde pour beaucoup, davantage encore dans un pays tropical comme l’Indonésie. Malgré cela et les regrets de certaines autorités religieuses devant la commercialisation croissante d’une période éminemment pieuse basée sur le sacrifice de soi, pour beaucoup le Ramadan reste surtout une période économiquement bénie.

A travers tout l’Archipel comme dans l’ensemble du monde musulman, commerçants, restaurateurs et autres compagnies de transport observent une forte hausse de leurs ventes pendant le Ramadan et au moment des vacances d’Idul Fitri, qui marquent la fin du mois de jeûne. C’est en effet à ce moment que les travailleurs migrants retournent vers leurs villes d’origine, dans une massive migration nationale que seules les célébrations du Nouvel An lunaire en Chine peuvent dépasser. Cet exode annuel est une aubaine pour les hôtels de luxe voyant débarquer les riches Indonésiens qui peinent à envisager leur quotidien sans employés de maison ou chauffeurs pour quelques jours. Dans les centres commerciaux du pays, si les journées sont calmes pendant le jeûne, quand chacun essaye de limiter ses déplacements au maximum pour économiser de l’énergie, les soirées sont un feu d’artifice de consommateurs à la recherche des meilleurs offres et soldes qui pullulent à cette période.

« Les ventes augmentent généralement de 15 à 20% pendant le Ramadan, comme au moment de Noël et du Jour de l’An, explique Fetty Kwartati, responsable des relations avec les investisseurs chez Mitra Adiperkasa, le groupe en charge des opérations de Debenhams, Marks and Spencer, Starbucks, Zara et bien d’autres sur le territoire indonésien. Les gens dépensent davantage pour la nourriture et les boissons pendant le mois de Ramadan que pendant le reste de l’année. » C’est un des paradoxes de cette période de jeûne et de sacrifice qui en réalité voit les Indonésiens manger davantage que le reste de l’année. Nielsen, un géant de l’étude de marché, estime ainsi que les entreprises indonésiennes de nourriture et de boisson réalisent jusqu’à 45% de leur chiffre d’affaires annuel pendant les trois mois incluant le Ramadan. Cette frénésie consommatrice entraine tous les ans une forte tendance inflationniste, estimée cette année entre 1 et 3,5% par le gouvernement.

Dans le passé, les boissons sucrées et autres snacks étaient de loin les produits les plus vendus pendant le Ramadan. Tout cela a évolué avec la soif consommatrice des Indonésiens. La toujours plus nombreuse classe moyenne locale préfère désormais partager son premier repas au restaurant. Elle veut aussi de nouvelles voitures, ou motos, ou téléphones pour impressionner la famille lors du retour à la maison pour Lebaran. L’important est de pouvoir exhiber quelque chose de nouveau indiquant (ou simulant) un nouveau départ. Les commerçants spécialisés en téléphones portables ont ainsi remarqué une tendance récente : si leurs ventes augmentent très largement avant Lebaran, ils ont aussi observé que beaucoup des nouveaux acheteurs revendaient leur nouveau téléphone après la fin des vacances pour revenir à des modèles plus en adéquation avec leur véritable pouvoir d’achat.

Yongky Susilo, analyste chez Nielsen, explique que toutes ces dépenses sont favorisées par l’obligation légale faite aux employeurs d’accorder un bonus d’un mois de salaire supplémentaire à leurs employés au moment de ces vacances religieuses. « Les dépenses en maquillage et en crèmes blanchissantes explosent la dernière semaine du Ramadan quand les femmes ne veulent rien laisser au hasard avant leur retour à la maison, affirme t-il. Et des que le Ramadan se termine les ventes de cigarettes, de préservatifs et d’aphrodisiaques explosent également alors que les interdits sautent. Les gens ont tendance à dépenser la totalité de leur bonus annuel parce qu’ils considèrent qu’une fois le jeûne terminé, ils ont le droit de prendre du bon temps. »

Si le ministère indonésien du Commerce table sur une augmentation de la consommation de l’ordre de 40% pendant le mois du Ramadan, une autre conséquence majeure du jeûne diurne tient à la productivité nationale. Si les Indonésiens apparaissent rarement dans les hautes sphères des classements mondiaux de la productivité, la situation tend encore à s’accentuer pendant cette période. « La productivité des travailleurs décline de l’ordre de 35 à 50% pendant le mois du Ramadan. C’est le résultat de la combinaison de moins d’heures travaillées et du changement de comportement pendant ce mois », explique Samer Sunnuqrot, un économiste jordanien. Il remarque que les gens deviennent moins efficaces et perdent aussi plus facilement leur calme. « Les décisions importantes et les meetings sont souvent repoussés jusqu’après les vacances, particulièrement dans les institutions gouvernementales. »

La situation économique indonésienne liée au Ramadan est donc pour le moins paradoxale. Les Indonésiens ne dépensent jamais plus en nourriture et autres que lors de ce moment de jeûne et de sacrifice personnel. Au même moment, alors que leur productivité y est au plus bas, c’est la période pendant laquelle ils bénéficient de leur plus grand pouvoir d’achat. Des paradoxes finalement bien à l’image de la complexité de l’Archipel.

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