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L’armée d’Hanuman, une bande de pillards en maraude

Récemment, j’ai eu le privilège d’être invité par le personnel et les étudiants du département vétérinaire de l’université Udayana à un événement intéressant dans le sud de Bali. Sortant de nos véhicules au temple d’Uluwatu de bonne heure un dimanche matin, nous fûmes immédiatement encerclés par un groupe de macaques à longue queue, ou kera, principalement des mâles puissants et des femelles adultes. Une des femmes de notre groupe posa son sac au sol le temps de fouiller ses poches pour en sortir un appareil photo. Immédiatement, un grand mâle surgit pour le saisir, éparpillant le contenu partout. Les membres de son harem accoururent, attrapant tout ce qu’elles pouvaient de leurs mains avant de s’enfuir en dehors de la zone de parking. Un des singes s’assit et se mit à jouer avec une agrafeuse, la retournant dans ses mains et la mâchant, avant que celle-ci ne fut saisie par un autre, plus sénior encore. Un autre détruisit l’antenne de notre voiture.

Les singes de Bali ont une très longue histoire avec les humains. Considérés par les hindous comme l’armée du dieu singe Hanuman, ils sont révérés et généralement traités avec grand respect. Autour des nombreux temples, ils sont assurés de repas réguliers, qu’ils prélèvent des offrandes quotidiennes faites aux dieux par les croyants. Pendant les fêtes hindoues majeures, les kera sont toujours à l’affût, surveillant avec appétit les hautes piles de fruits et autre nourritures qui sont apportées aux cérémonies dans des paniers. Lors d’une cérémonie de crémation dans le village près de ma maison, une colonie de singes a eu la main heureuse parmi les offrandes dissipées autour du bûcher funéraire, juste avant la mise à feu !

Toutefois, certains de ces singes ont des membres ou une queue en moins, un souvenir de la colère de paysans, pour qui ces macaques peuvent être de véritables nuisibles. Le singe abîme sérieusement les récoltes et nuit aux communautés de fermiers d’un point de vue économique. Dans mon propre jardin, tous les fruits et les légumes sont régulièrement volés par des singes en maraude.

Des fossiles de macaques de plus d’un million d’années ont été trouvés sur ces îles, ce qui fait qu’ils ont sans doute regardé les premiers migrants humains arriver ici. Quand la population de Bali était encore réduite et dispersée, de vastes forêts abritaient une vie sauvage large et variée. Lorsque leurs forêts ont commencé à disparaitre, les singes sauvages se sont retrouvés dans les grands temples où ils pouvaient trouver profusion de nourritures, venant des offrandes quotidiennes ou des cérémonies qui se répètent immanquablement dans le calendrier. Sangeh, au nord d’Ubud, avec ces immenses et vieux muscadiers, est un des plus vieux sites où les singes ont pu s’habituer aux bienfaits de la vie près des humains. Et ils ont ainsi perdu la peur qu’ils en avaient.
La viande de singe, appelée ici be bojog et be ija, était encore mangée par certains jusqu’à récemment. A Java, j’ai vu des échoppes sur le bord des routes avec de larges chaudrons remplis de soupe de singe bouillante et fumante. Les marchés aux animaux vendent partout des bébés macaques. Alors qu’ils sont mignons quand ils sont petits, s’ils sont élevés en solitaire en résidence privée, ils deviennent des adultes agressifs et sauvages que personne ne veut garder. Les singes ne font pas de bons animaux de compagnie !

Les chercheurs ont identifié 43 peuplements majeurs de macaques, principalement dans le centre, l’est et le sud de Bali. Certains de ces groupes ont plus de 300 têtes. Un nombre grandissant de ces colonies sont maintenant situées près de sites touristiques, par exemple, le long de routes qui offrent un panorama, où leurs membres mendient leur nourriture. Une fois que ces colonies ont atteint leur taille critique, des groupes sécessionnistes bougent vers d’autres territoires, comme cela s’est produit à l’est d’Uluwatu. Dans l’ensemble, on estime qu’il y a maintenant plusieurs milliers de macaques qui dépendent des humains pour leur nourriture.

Ces populations sans cesse grandissantes nuisent aux récoltes, entrent dans les maisons et les hôtels et attaquent les gens. Une étude des années 80 a établi que le macaque a compris que le meilleur moyen pour lui d’obtenir à manger était d’attaquer. Partout, il y a des écriteaux nous demandant de ne pas les nourrir mais ce message est brouillé par les locaux qui vendent des cacahuètes et des bananes pour attirer ces malins primates ! D’autres pancartes nous préviennent de cacher nos lunettes de soleil, de retirer nos chapeaux et de fermer nos sacs parce que la bête n’hésitera pas à nous sauter dessus, attraper ce qu’il peut et s’enfuir. De plus, personne ne doit jamais tenter de récupérer le fruit du larcin soi-même car le macaque défendra son butin avec agressivité. Les morsures peuvent être très sérieuses ! Prospérant sur un régime qui inclut beaucoup de douceurs bien sucrées, le macaque devient gros et expérimente divers problèmes de santé qu’on a plus l’habitude de voir chez les humains. Par conséquent, il est temps de passer à l’action.

Donc, par ce dimanche matin particulièrement chaud, j’ai suivi ces vétérinaires qui ont utilisé des sarbacanes pour endormir les mâles alpha de chaque sous-groupe. Une fois inconscients, les singes ont été amenés vers une salle opératoire de fortune où on a procédé à des vasectomies afin de les stériliser. Avant que l’anesthésie ne commence à se dissiper, les singes étaient ramenés vers leur groupe respectif où ils se sont remis sur pied avant de disparaître dans les fourrés un peu groggys, non sans avoir été inspectés de près par leurs pairs, alors qu’ils tentaient de retrouver équilibre et prestance.

Toutefois, ralentir la croissance de la population de singes de Bali n’est pas facile. Cela nécessite des compétences dans la capture et la stérilisation des spécimens, un procédé qui demande du travail, qui est cher et risqué. Par conséquent, il y a aussi la nécessité d’éduquer la population locale et les touristes sur ce qui doit être fait. Bien des « amis des bêtes » ne comprennent pas pourquoi on voudrait « faire du mal » à nos adorables cousins. Mais si rien n’est fait, la question de ces singes en surnombre mènera à d’autres conflits, d’autres pertes économiques et d’autres morsures de singes avec le risque de transmission de maladies. Heureusement, il n’y a encore eu aucun cas d’infection d’humains par la rage, mais cela reste une probabilité.

En plus, des enquêtes sont nécessaires pour surveiller leur croissance démographique, dresser des cartes de leur répartition et repérer leurs mouvements au moment où les rivières encaissées dans ces gorges verdoyantes (les principaux points de passage des singes et autres représentants de la vie sauvage à Bali) sont victimes de la déforestation. Cela sera une tâche difficile, alors apportez votre contribution en refusant de les nourrir. Et si vous visitez un des campements de l’armée d’Hanuman, faites attention à votre chapeau, vos lunettes et autres objets vous appartenant, sinon ils seront perdus pour toujours !

Pour toutes questions sur la vie naturelle en Indonésie, posez vos questions par courriel à [email protected], ou sur Facebook
à « Ron Lilley’s Bali snake Patrol »

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