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Kaltim Post : tranche de vie d’un quotidien régional

Bon alors, c’est quoi le programme du jour ? « Acara apa, hari ini ? », lance le rédacteur en chef, Bambang Janu Isnoto, l’allure décontractée, cheveux mi-longs et lunettes cerclées sur le nez. Une vingtaine de journalistes est attablée autour de lui dans cette salle de réunion. Il est 9 heures du matin. C’est la conférence de rédaction du Kaltim Post, quotidien de Kalimantan Timur distribué à 60 000 exemplaires dans toute la province dont 20 000 pour la seule ville de Balikpapan. Nous sommes samedi matin. Première tâche, brainstorming sur l’édition de la veille. Chacun y va de sa réflexion.

Créé en janvier 1988, le Kaltim Post est aujourd’hui le quotidien le plus vendu de la zone. « Nous sommes en tête devant le Tribune Kaltim et Pos Metro Balikpapan, explique Bambang Janu Isnoto. Nous appartenons au grand groupe du Jawa Pos à Surabaya, ce qui nous donne accès à une large source d’informations. Notre quotidien a un contenu plus complet car nous disposons d’un réseau de communication étendu. Nous avons des bureaux dans toutes les villes de la province. » Au programme de ce matin, Bambang demande à un journaliste de refaire le point sur les chiffres des dernières élections législatives. Ces jours derniers, la police a vérifié les urnes. Il semblerait qu’il y ait eu quelques dérapages. Le Kaltim va mener l’enquête. Seule critique de la matinée adressée à ses équipes – le journal compte 45 journalistes – le rédacteur en chef leur demande de vérifier et de citer leurs sources quand ils rédigent un article. Un fondement du métier. « Les gars, vérifiez vos informations, lance-t-il. On a déjà eu des problèmes. Je ne veux pas avoir à stopper une manifestation devant les bureaux. »

Le Kaltim Post se veut politiquement indépendant. « Nous n’avons pas de vraies orientations car nous ne sommes pas un journal politique, explique le rédacteur en chef. Nous tâchons de rester professionnels en utilisant des principes de management d’une société privée. Il est interdit à nos journalistes d’être « membre de cabinet » d’un parti politique. Le but est de protéger notre indépendance. » Pourtant, ce n’est pas les tentations qui manquent. Farok, un jeune journaliste qui officie au Kaltim depuis 2007 en sait quelque chose. Ancien étudiant en Relations internationales à l’Université de Samarinda, il avoue que respecter une certaine éthique n’est pas toujours facile : « Le problème, c’est qu’on considère souvent que les journalistes sont « payables », qu’il suffit de nous acheter pour que nous donnions de fausses informations. Pour moi, c’est un grand problème. Heureusement, que certaines personnes considèrent notre métier de manière plus objective… »

Sans vraiment réfléchir à la prochaine couverture ou au contenu du lendemain, la réunion se poursuit. « Pour les contenus, nous décidons quelques heures avant d’imprimer, explique Bambang. Nous préparons les différents sujets abordés le matin. En fin d’après-midi, nous examinons le résultat. Nous publions ce qui est bien. Pour les suppléments ou les gros sujets magazine, nous préparons tout à l’avance. » Il est déjà 9h30, la question des infos à traiter se pose. « Il faut qu’on fasse un sujet sur la santé culinaire prochainement », lance un journaliste. « Qui va au Mall Fantasy cet après-midi pour suivre le concours de dessin ? », demande quelqu’un d’autre. On évoque aussi la mauvaise qualité de certaines photos. Un reportage sportif réalisé à Sangata, au nord de Samarinda, montre des clichés flous. L’explication est simple : ils ont été réalisés avec un téléphone portable. La rédaction s’interroge sur l’avenir de ce mode de transmission…

Comme tous les samedis matins, une secrétaire de rédaction fait le point avec tous les journalistes sur le nombre d’articles écrits dans la semaine par chacun d’entre eux. Certains n’en écrivent qu’un par jour, d’autres trois ou quatre. « Il est important que chacun en produise plus qu’un seul », insiste le rédacteur en chef. Ensuite, un article écrit dans la semaine est analysé par toute la rédaction. Fautes de frappe, répétitions, grammaire, tout est passé en revu. Aujourd’hui, c’est un article sur les relations entre les hommes et les femmes. Eclats de rire dans la salle. Tout le monde argumente. Ida, la journaliste qui a écrit le papier, ne semble pas troublée par ce décorticage de son travail. Elle continue d’envoyer des SMS avec son téléphone qu’elle ne lâche pas. « Non, cela ne m’ennuie pas, dit-elle. Nous faisons cela souvent. » En France, un journaliste aurait « sorti les crocs » pour défendre ses propos. Ce n’est pas le cas ici.

Comme partout dans le monde, le Kaltim Post doit affronter la concurrence d’Internet et la diminution du lectorat. « Le tirage des journaux régresse partout, se lamente Bambang. Notre nouvel ennemi, c’est Internet qui va remplacer la presse. Nous essayons de préparer des stratégies en augmentant la qualité des informations et des photos. Nous voulons aussi travailler beaucoup plus sérieusement sur la vie locale. Mais les gens lisent de moins en moins. Pour toutes ces raisons, nous préparons des stratégies pour améliorer la qualité de l’information et de la photo. En plus, les candidats pour travailler à la rédaction ne se bousculent pas au portillon.  En tant que quotidien régional, nous avons des difficultés à recruter des journalistes. La plupart de nos candidats viennent parce qu’ils sont refusés ailleurs. C’est vrai que les salaires ne sont pas bons. Et les horaires de travail sont très flexibles. Nos journalistes sont sur le pont en permanence. »
La salle de rédaction du Kaltim Post est flambant neuve. Un open space qui ferait des jaloux dans les rédactions parisiennes. Il y a même une estrade aménagée qui fait parfois office de salle de concert. Il est 20 heures. Les journalistes, moins détendus que le matin, sont tous concentrés sur leurs claviers. Un photographe charge ses photos sur l’écran. Les SR, secrétaires de rédaction, relisent les textes et les maquettistes finissent de tout mettre en forme. C’est l’heure du bouclage. Les rotatives se mettront en route après 21 heures. Le rédacteur en chef passe la tête. Il sourit. Il n’a aucune inquiétude. Le Kaltim Post sortira en temps et en heure.

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