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JUSQU’ICI TOUT ALLAIT BIEN

Nombreux sont ceux qui connaissent cette légère euphorie au moment de prendre le U-turn devant le Lotte Mart sur le by-pass de Sanur. Ils éprouvent ce sentiment grisant d’être en train d’arriver. Le même que l’on ressent dans les derniers virages avant d’arriver dans une station de ski ou quand en chemin vers sa maison de campagne, le paysage se fait de plus en plus familier. Ici la route commence par un beau et large ruban d’asphalte bordé de gazon et d’arbres plantés à intervalle régulier. Sur la gauche défilent la baie, les bateaux au mouillage, le début de la mangrove et des gens qui pique-niquent. Sur la droite, la montagne d’ordure de la décharge de Suwung. Puis, sans vraiment s’en rendre compte on passe le pont qui mène à l’île de Serangan.

A la 1ère intersection, le village traditionnel, le port et le pura Sakenan sont à gauche. Droit devant, c’est une immensité de rien. Un no man’s land constellé d’arbres et parcouru de chemins de terre. Des dizaines d’hectares de paysage lunaire sorti de nulle part si ce n’est de la volonté de quelques-uns qui, il y a une vingtaine d’années , ont eu l’idée de tripler la taille de l’île à grand coup de camion de sable et de rochers. En slalomant entre les trous et les nids de poule, on s’enfonce dans l’inconnu. Pour se diriger, pas de panneaux. Il faut y aller à l’instinct telles des tortues qui cherchent à rejoindre la mer. Et comme elles, on finit bien par la trouver. Elle se trouve au bout d’une dernière ligne droite boisé dans laquelle des vaches en liberté observent des touristes chinoises prendre la pose en robe de mariée. La plage de Serangan est un endroit sans âge, une étendue de sable blanc devant un océan qui semble plus bleu à chaque visite. Sur toute la longueur, une vingtaine de paillottes sont tenues exclusivement par les habitants du village. Dans ces warung dépourvus d’eau et d’électricité, il est rare qu’on oublie le nom ou le visage d’un client. Fidéliser y est un art tellement maîtrisé que changer d’endroit serait presque comme de tromper sa femme. Alors on s’y sent comme chez soi et on s’assoit sur les bancs de bois pour boire un café ou déjeuner face à la mer. Au large sur le récif coralien se trouve une des plus belles vagues de Bali. Parfaite et régulière en droite comme en gauche, tous ceux qui l’ont pratiquée du débutant au plus confirmé en gardent forcément un souvenir ému. C’est aussi un des meilleurs choix possibles dès que revient la saison des pluies. Du moins ça l’était jusqu’à aujourd’hui.

S’il a été miraculeux de voir une vie tant sociale qu’économique s’implanter spontanément sur cette terre aride et contre-nature, il était inéluctable qu’un jour le capitalisme en reprendrait le contrôle. Après des années d’imbroglio juridico-financier, c’est un groupe de BTP singapourien qui a rasé les warung à coup de pelleteuse et bétonné tous les accès afin de pouvoir réaliser son projet ecologico-socio-culturel baptisé L’île du bonheur… Un concept novateur d’hôtels de luxes et de beach club.

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