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Jokowi, l’espoir de Jakarta mais aussi de l’Archipel

Les rôles sont pour l’instant très bien répartis : à Joko Widodo (Jokowi comme il est surnommé par tous les Indonésiens) les apparitions publiques, les visites de terrain et l’image de la ville. A Basuki Tjahaja Purnama (surnommé Ahok, vice-gouverneur) la gestion quotidienne de la pléthorique administration locale. Le premier, Javanais, traditionnellement poli et respectueux, a d’ores et déjà fait oublier l’image arrogante, cassante et colérique de son prédécesseur Fauzi Bowo. Le second, chrétien d’origine chinoise, au style très direct, n’a pas peur de mettre les responsables locaux, trop souvent engoncés dans leurs privilèges et leur inaction, face à leurs responsabilités.

La politique est aussi une guerre d’image. A ce jeu là, Jokowi et Ahok ont quelques coups d’avance. Dans la foulée de leur campagne victorieuse et un brin populiste basée sur leur proximité avec le peuple et leur anti-corruptibilité, la paire a continué son entreprise de séduction à l’égard des masses. Dans son style détaché et souriant, Jokowi a arpenté les différents kampung de Jakarta. Là où son prédécesseur se contentait des récits et comptes-rendus plus ou moins biaisés de ses lieutenants, lui va à la rencontre de tous sous les regards des caméras. Une technique tellement efficace qu’elle semble avoir récemment été reprise par le président Yudhoyono pour qui l’image n’est pas un vain mot.

Ahok lui n’a pas hésité, dans un souci de transparence auquel les fonctionnaires sont peu habitués, à filmer ses réunions avec l’administration et à les rendre disponibles à chacun sur YouTube. L’initiative a là encore enchanté les électeurs. La première vidéo a été vue par plus d’un million de personnes. Après un peu plus de cent jours à la tête de Jakarta la cote de popularité de Jokowi et Ahok n’a donc pas encore connu de tendance à la baisse. Il serait pourtant naïf de penser que cela s’étendra sans effort dans la durée. Malgré une transparence nouvelle et appréciée, la nouvelle paire exécutive ne conservera le crédit dont elle bénéficie que si elle parvient à s’attaquer efficacement aux maux de Jakarta. Ceux-ci sont nombreux mais chacun sait les priorités : transports et inondations.

Jokowi a déjà lancé plusieurs programmes, notamment les cartes donnant accès aux soins et à l’éducation pour les plus pauvres. Initiatives populaires et populistes par excellence, celles-ci font désormais partie du tronc commun offert par chaque candidat à chaque élection, partout dans l’archipel. On attend davantage de Jokowi, et si de Solo, où il fut maire juste avant, celui-ci avait une vision forcement limitée des affres de la capitale, les récentes inondations doivent marquer le vrai départ de son action.

Ces inondations ont tué, ces inondations ont coûté, mais ces inondations pourraient et devraient certainement être perçues par Jokowi comme un mal pour un bien. Dans les jours qui ont suivi les pluies, le gouverneur a eu l’oreille directe du président. Celui-ci a ainsi accepté tous les projets proposés par Jokowi pour mettre fin au récurrent problème : le relogement des habitants des berges de rivières vers des endroits plus sûrs et dans des habitats décents ; l’élargissement des mêmes rivières ; la création d’une voie reliant la rivière Ciliwung (la plus dévastatrice) vers le canal de l’Est ; la création de bassins en amont a Bogor, Ciawi et Depok ; le creusement de 10 000 puits éparpillés dans la ville ; la création d’un tunnel souterrain et polyvalent qui courrait sous la majeure partie de la ville et emmènerait l’eau vers la mer.

C’est « grâce » aux inondations que ces différents projets ont été rapidement soutenus par le président. Jokowi doit désormais profiter des circonstances pour mettre tous ces projets à exécution. Rapidement. Avant que l’émoi suscité par les effets de la pluie ne retombe.

Dans le même temps, le gouverneur est attendu sur les transports. 2013 doit être l’année du commencement de la construction du MRT. Elle doit être une année de refonte des services du TransJakarta et d’une solution pour limiter les déplacements automobiles dans la ville.

Toutes ces initiatives, qu’elles soient liées aux inondations ou aux transports, ne pourront toutefois jamais être couronnées de succès sans une prise de conscience individuelle et collective des habitants de Jakarta. Ceux-ci sont à la fois une cause et une solution aux problèmes. Leur manque d’éducation au volant contribue à la situation sur les routes et leur manque d’éducation environnementale contribue aux inondations. Un changement des consciences par l’éducation et la répression permettrait le succès des initiatives précédemment exposées.

Le dernier grand chantier sera sans nul doute pour Jokowi et Ahok une reforme complète de l’administration locale. Celle-ci doit oublier sa culture de la corruption, de l’incompétence et de la paresse pour une culture du service et de l’efficacité.

Face à tous ces défis Jokowi peut compter sur le soutien du peuple. Et pas seulement celui de Jakarta. Grâce à son image et à sa communication, Jokowi est devenue une icône nationale. Cette image doit lui servir à mener ces projets à bien. Ces réformes profondes ne manqueront pas d’ennemis et de barrières. On ne touche pas aux privilèges de la caste au pouvoir sans heurts. Mais si le gouverneur est consistant dans sa volonté de changer et d’améliorer les choses, ce ne sont pas seulement les Jakartanais qui le remercieront, ce sont les 240 millions d’Indonésiens qui pousseront pour que les mêmes reformes leur profitent également. Jokowi détient actuellement une des clés de l’avenir de ce pays. Il a cinq ans pour ouvrir les bons verrous.

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